Là où la pluie ne cesse [Libre]

[Cette intro fait vaguement référence à mon dernier rp. Chronologiquement, elle se déroule juste après. Dis-moi si ça te dérange ^^]

Alors que la pluie commence à tomber, je cours.

Dans les ruelles tortueuses du quartier le moins recommandable de Shyamal je tente d'exorciser ma haine. Autour de moi des êtres sans importances me dépassent précipitamment, rentrant chez eux alors que la nuit ne fait que commencer. Et moi je cours, l'âme débordant de colère envers celui qui a osé tenter de percer ma forteresse. Je cours à travers les rues, débouche dans un quartier plus décent, le traverse et arrive aux limites de la ville. Sans même être essoufflée, je me rends compte que je me sens mieux, que je suis revenue à la raison par le simple fait de courir. En y réfléchissant, je me suis montrée d'une stupidité navrante... oui, vraiment, gaspiller mes précieux sentiments pour un imbécile aux oreilles pointues n'est plus de mon acabit.

Forte de ce sentiment de paix retrouvée j'emprunte le chemin qui mène aux rues principales. A ces heures-ci, de véritables psychopathes hantent les rues des bas-quartiers, et je ne fréquente pas... n'importe qui. La pluie bat mon corps alors que j'emprunte les ruelles moins emplies de la capitale. Alors que je marche, évitant tout contact avec les autres êtres, une ombre m'appelle.

-Alicia... Alicia Dawn?

-Oui?

Je me tourne vers l'ombre. C'est un homme, probablement riche, adossé à un mur. Il m'observe avec une certaine distance, je ne distingue pas la Bête dans ses yeux. Bien.

-Vous... vous dansez, non?

Je comprends à l'intonation particulière de sa voix ce qu'il entend par ce verbe. Il me paraît craintif, il a peur de ma réponse.

-Si je tue? Non. Bonne soirée.

Ma réponse coupe court à toute autre question. Des rumeurs minables circulent à mon sujet, des rumeurs selon quoi j'aurais assassiné sous commande plusieurs personnes ici, à Shyamal. Des rumeurs fausses, pour plusieurs raisons. Est-ce que tuer quelqu'un pour une raison essentiel est l'assassiner? Je ne mets jamais fin à une vie pour rien.

Continuant ma promenade nocturne, je finis par retourner dans mon quartier habituel, le quartier où rôde la Bête, le quartier où je travaille, en tant que danseuse et contorsionniste. Uniquement. On voit bien les différences entre ce quartier et les plus nobles endroits: Ici règne une odeur de peur et de pauvreté reconnaissable entre toutes, odeur que dans les quartiers nobles on tente de masquer sous d'infinies apparences. Ici je suis Alicia la balafrée, Alicia le monstre, la seule à combattre la Bête, la seule à se savoir pure. Est-il possible que la pluie qui se plaque à mon corps soit celle des autres? Si c'est le cas, je n'en veux pas.

Alors que je m'apprête à rejoindre une rue, passant à travers une ruelle étroite, une silhouette occupe l'espace et me barre ainsi la route. Je m'arrête, fixe l'intrus et lance d'une voix froide:

-Laissez-moi passer.

Cela devrait suffire.

[Non, non, ça m'dérange absolument pas... D'ailleurs, je vais faire exactement la même chose. x_x]

Quel harassement... Jamais il n'aurait su qu'une histoire aussi longue et complexe aurait pu être engendrée après avoir involontairement bousculé un inconnu... De toute façon, il l'avait cherché et ne devait pas s'étonner ou s'irriter dans la mesure où il avait lui-même choisi de s'enliser dans ces histoires. Si cette envie frivole et infructueuse de palabrer pour des vétilles insignifiantes ne lui étaient pas soudainement venue, peut-être que Celieno ne serait pas présentement éreinté de penser qu'il avait inutilement perdu son temps. En outre, il n'aurait pas eu l'air de prospecter vainement et stupidement chacun des recoins qui composaient ces quartiers aux infrastructures falotes et insipides, à la recherche d'une auberge où il pourrait séjourner le temps d'une nuit avant de reprendre route pour Dinak. Sa seule source de satisfaction provenait de la pluie qui tombait, laissant suinter et ruisseler un liquide frais et savoureux au sein de sa masse capillaire désormais toute humectée...

Il était tard, l'hélianthe s'était couchée et avait laissé place à un seyant firmament de jais, nimbé par moult luminescences et un mutisme immuable, saccadé par les perpétuels bruissements causés par la pluie... C'était une atmosphère délectable que Celieno prisait et, ceci, même s'il se trouvait dans un territoire qu'il n'avait toujours pas appréhendé; détail qui se confirmait par sa recherche d'auberge... Le royaume d'Ellandy lui paraissait toujours abscons et il ne savait pas quel était le genre de noctambules qui s'amusaient à vagabonder à des heures pareilles. De toute façon, peu l'importait et, dans l'immédiat, il était largement plus enclin à connaître ces personnes qu'à les redouter.
Avec un léger entrain, Celieno soupira une dernière fois et laissa passer un foehn qui fit élégamment danser sa chevelure mi-longue, avant de poursuivre ses recherches d'un pas las et d'aboutir au coeur d'une venelle aussi insalubre que la plupart de celles que comportent le quartier... De cet emplacement, il put apercevoir une forme humaine vraisemblablement féminine. C'était la première depuis qu'il avait abouti dans ces quartiers...

Sans qu'il ne puisse détailler la personne, celle-ci engagea la conversation et réclama froidement au jeune homme de dégager le chemin et donc d'offrir la route. Un accueil tout bonnement affable et très engageant pour quelqu'un qui s'apprêtait à demander son chemin. En réponse, Celieno essuya la petite gouttelette de pluie qui ruisselait sur son front, d'un geste excessivement languissant qui s'étala sur une dizaine de secondes. Pour auréoler son mouvement, il mut son visage et jeta un regard vers le ciel avec une vivacité nonchalante et peu leste qui pouvait confortablement irriter. Finalement, il répondit...

-Déjà, il va falloir être plus aimable et me dire "s'il vous plaîîîîîît !" lança-t-il d'un ton enjoué qui frisait l'insupportable. On ne me parle point ainsi, cela porte atteinte à mon auguste personne et je vous prierai donc de rectifier vos paroles et de me présenter vos excuses que j'accepterais éventuellement conclut Celieno en chancelant comme un pitre donneur de leçons.

Lui qui étais complètement fatigué de palabrer de la sorte et de prendre cet air hautain et sardonique venait tout juste de recommencer... A croire que se moquer des gens et prendre ce ton excédant commençaient à faire parti d'une de ses passions.
Fermement, il resta figé et ne bougea d'un seul pas, attendant la réponse de son interlocutrice.

Une expression stoïque accapara le visage du jeune homme. Son faciès resta inexorable et même s'il attendait une riposte courroucée et un peu plus belliqueuse que celle qu'elle venait de lui octroyer. Quelle fâcheuse réaction... Le délassement n'adviendrait vraisemblablement pas cette nuit; pourtant, les conditions atmosphériques étaient séduisantes et Celieno ne renâclait pas l'idée de demeurer encore quelques temps au sein des ruelles. La susceptibilité de la populace qu'il prisait et avec laquelle il parvenait régulièrement à s'amuser lui manquait tout d'un coup...
Vêtu d'une cape à capuchon qu'il avait agencé de manière à recouvrir autant sa corpulence que ses armes, Celieno porta un regard à son interlocutrice qu'il ne parvenait toujours pas à détailler et qui attendait de toute évidence qu'il s'ôte du chemin. Outre, la silhouette, il était difficile de se faire une idée du personnage présent devant le jeune garçon. Peu l'importait de toute façon, tant qu'il discernait ses mouvements, il avait la constante présomption d'être disjoint d'un quelconque danger. Cette suffisance et cet orgueil débectant pourrait lui jouer des tours et l'embourber dans des situations pernicieuses...

En entrouvrant sa bouche imperceptiblement, Celieno prit une petite bouffée d'air frais en conservant l'imperturbabilité de son expression faciale. Sa masse capillaire était totalement humidifiée et quelques cheveux obstruaient sa vision avant qu'il ne les retire d'un geste plus vif que ceux qu'il avait précédemment utilisé. Depuis qu'il vagabondait et s'était immiscé dans ces quartiers en ces heures nocturnes, Celieno n'avait rencontré personne, il serait dommage d'omettre la première et de la laisser filer aussi furtivement.

-Je le pourrais... Mais, voyez-vous, je me sens seul en cette nuit d'ébène... Tout le monde m'a abandonné et m'a laissé souffrir sous cette pluie et ce silence malsain. Un pauvre enfant comme moi a besoin de présence pour ne pas sombrer dans une solitude maladive...

Sa voix avait adopté un son triste et un peu bégayant aux antipodes du premier; chose qui dénote une versatilité un peu poussée sur les bords. On pourrait le croire en total affliction, dans une consternation morale affligeante et que son besoin d'aide était légitime et plausible... Avec langueur, Celieno effectua un pas en avant et se rapprocha légèrement de son interlocutrice dont il ne mentionnait le moindre signe nuisible. Il était naïvement certain et, ceci, avec une certaine infatuation qu'elle ne pouvait absolument rien lui faire de mal malgré la stupidité qu'il affichait depuis leur rencontre. Après avoir terminé son pas, Celieno reprit la parole une dernière fois.

-Je suis sûr que votre âme aimable vous pousse à tenir compagnie à un enfant si tourmenté que moi... dit-il en prenant toujours le soin d'entraver le chemin. Voulez-vous m'accompagner le temps d'une nuit et apaiser le malheur qui me pèse depuis que l'on m'a délaissé ? Votre gentillesse n'en serait que récompensée conclut Celieno alors qu'il pouvait un peu mieux discerner son interlocutrice grâce à sa petite avancée.

[Pardooooooon !! Mon PC a rendu l'âme et j'ai dû attendre d'en avoir un nouveau pour pourvoir répondre... Je suis vraiment désolé. T_T]

C'était si triste qu'un garçon affable mais éploré qui réclamait désespérément de l'aide à la première personne venue se retrouve avec un poignard pointée dans sa direction... Il avait beau adopter un comportement ouvertement dédaigneux vis à vis de son interlocutrice, cela n'empêchait qu'une arme qui pourrait avoir des conclusions délétères sur sa personne était présentement tournée vers lui. A cette vision, Celieno se soucia davantage de l'occurrence dans laquelle il était immiscé, comme si une légère alerte venait de retentir dans sa tête et alarmer instantanément ses sens. Le jeune garçon était, certes, sardonique et très présomptueux, il savait néanmoins juger un possible danger quand il était véritablement présent devant ses yeux à quelques mètres.
Et, malgré ce qu'il se passait, Celieno, sans que l'arme ne vienne altérer son expression, persista à conserver un visage inexorablement stoïque. Néanmoins, il était désormais incapable de détacher ses deux perles oculaires de son interlocutrice de manière à éviter un quelconque risque... Son état, sans jamais sombrer dans la peur, devenait un minimum plus préventif.

-Ce n'est pas gentil... dit-il tristement comme un enfant désespéré. Je ne pense pas qu'une innocente jeune fille se permettrait de mettre une personne si abattue et découragée que moi face à une arme. Et puis, vous pourriez vous blesser ! reprit Celieno comme le pire des nigauds...

Il parla seulement pour atermoyer un petit peu alors que, parallèlement, il saisissait un de ses propres et fidèles poignards qui auréolaient sa ceinture en le tenant fermement, le tout sous sa cape qui recouvrait l'intégralité de sa corpulence. Ce mouvement marquait une légère prudence qui avait été avivée par son interlocutrice et, même si Celieno ne comptait pas l'utiliser si la situation restait telle quelle, au moindre mouvement brusque qui pourrait se révéler néfaste, il n'hésiterait naturellement pas à se défendre pour tenter d'éluder un quelconque risque de mort.

-Vos yeux sont élégants... lança-t-il de façon presque inaudible, comme s'il voulait susurrer quelques mots à l'oreille de quelqu'un, à un point qu'il ne savait même pas s'il avait été entendu. Ce qu'il dit était tout de même un compliment qu'il pensait sincèrement et même s'il était difficile de le savoir tellement il jouait du sérieux et du non-sérieux.
Celieno avait de toute évidence remarqué qu'elle le toisait et le dévisageait d'une manière un peu trop constante avec une voix un peu plus sévère... Cela ne lui était pas forcément dérangeant mais il pensait dénoter un agacement marié à de l'impatience qui le fit, subséquemment, réagir en conséquence.

-Mais, quand bien même, vous ne me parlez pas en toute courtoisie, je vous demanderai de... il se coupa, évitant de réitérer des palabres trop déférentes et reprit... Si vous vivez ici, pourquoi ne m'emmèneriez-vous pas chez vous pour m'offrir un toit ou dormir ? Je ne veux pas d'une autre adresse... Vous seriez donc prête à m'abandonner sous cette pluie diluvienne alors que vous disposez d'une habitation ? Evidemment, c'était une autre question débile mais il s'efforçait de rester crédible malgré la froideur qui lui faisait face... De toute façon, jamais il ne se permettrait de dormir chez celle avec qui il dialoguait, ça transgressait la mesure du raisonnable.

[HRP: Pas de problèmes (=]

Cette fois, c'en est trop: Je ne peux m'empêcher de lancer un grand éclat de rire, tel un morceau de verre, tranchant et diaphane, éthéré comme la pluie qui ici s'abat sans cesse. Lorsque je parle, mon ton s'est déchargé de la courtoisie que je n'utilise guère plus, il s'est retransformé en souffle glacé parcourant les couloirs d'une maison hantée. C'est en utilisant ce ton atone et froid que je parle à nouveau:

-Très jolie cape. Tu l'utilises pour cacher tes armes?

Alors que je me mets à tutoier mon interlocuteur, qu'un bref instant le ciel s'éclaircit, ma trop grande éducation en matière d'armes et de meurtres a parlé par ma bouche; Je l'observe toujours et rajoute;

-Penses-tu réellement ce que tu dis? Je peux t'indiquer un endroit où loger, mais prends garde à dormir sur une oreille... les rues ne sont pas très sures, par ici.

Je ponctue cette phrase étrange d'un sourire balafré. C'est incroyable comme le comportement des humains peut changer lorsqu'ils se rendent compte d'une situation périlleuse. Le gamin a troqué son ton dédaigneux pour une attitude ma foi bien plus raisonnable. Quant à moi, je n'ai que très peu bougé, faisant tournoyer mon arme d'une manière digne de la contorsionniste que je suis. Arrêtant mon mouvement, je dis finalement:

-Ou bien tu pourrais me laisser passer et retourner en des lieux plus sûrs. Ici les rues sont hantées par des présences indésirables.

Un instant la pluie redouble d'intensité, mais peu m'importe. J'attends la réponse du gamin.

Alors c'est tout? Ce type a passé une heure a insister pour que je reste et le voilà prêt à me laisser partir? Si c'est ce que je veux, pourquoi je suis énervée comme ça? Quelque chose en moi me griffe de l'intérieur, hurle. Quelque chose de violent. Sans essayer de le calmer, je fais quelques pas jusqu'à arriver à la hauteur de l'intrus. Là, mes pas stoppent et une fois de plus je le fixe.

-... merci de ta recommandation. Je prendrai garde aux mauvais esprits.

Puis je continue mon chemin d'un pas légèrement dansant. Mais alors que je m'apprête à partir, la chose en moi me pousse à laisser une trace de mon passage; le plus simple serait de tuer le gamin, mais est-ce bien raisonnable? Sans m'en rendre réellement compte, je refais deux pas vers lui et comme en réponse la sensation d'oppression se fait plus forte. Alors je sors mon poignard et le plante avec violence dans le mur de pierre, y laissant une marque indélébile, que la pluie ne lavera pas. Comme si toute ma violence s'était échappée dans ce geste, la chaleur disparaît et je redeviens femme froide. Sans jeter un regard à mon ancien interlocuteur, je me recule, laisse mon poignard fiché dans la roche, tel la trace d'une malédiction. Malheur à celui qui le décrochera. Un instant cette pensée me fait rire mais le rire se noie dans les profondeurs de ma froideur.

Alors que je quitte la ruelle obscure, que la lumière m'inonde, la pluie cesse.


[Voilà mon dernier post ^^ si tu veux ajouter quelque chose, libre à toi.]