Un jour particulier

Evan observa Thalys quitter sa chambre pour aller se sécher et soupira. Prenant son mal en patience, il sortit de la chambre et s’appuya sur la balustrade du balcon donnant sur la salle commune. Il posa ses coudes sur la barrière de bois et fit le tour de l’établissement du regard, Il y avait de nombreux voyageurs. Parmi eux, de nombreux promeneurs s’étaient faits prendre au piège du climat et étaient maintenant condamnés dans l’auberge jusqu’à ce que le ciel se dégage. L’ambiance était détendue. Quelques hommes partageaient une discussion animée, les étrangers étaient assis dans leur coin, d'autres se saoulait autour d'une même table. Evan demeura immobile durant quelques minutes, son regard s’égarant dans la salle. Il était étrangement calme aujourd’hui, peut être était-ce du à ses mésaventures de la veille… Thalys serait bientôt prête, il retourna dans la chambre et s’adossa au mur, dans la même position que précédemment. Il resta silencieux en la voyant revenir, il attendait impatiemment ses réponses.

- C’est promis, je ne dirais rien.

Il écouta les paroles de la jeune femme attentivement. Il n’avait pas appris grand-chose en réalité mais ne dit mot. Ainsi Thalys avait un père forgeron et avait été entraîné par un ami. Il se demandait quel genre d'homme avait pu apprendre à se battre à la jeune femme mais ce qu'elle lui avait confié suffisait. Le reste ne le regardait certainement pas. Toutefois, l’histoire de la bague l’intriguait.

"Cependant ceux qui la portent peuvent se sentir affiliés, comme un gage de confiance lorsque l'on arrive dans un nouvel endroit sans connaître personne."

- Une sorte de confrérie, de communauté ?... murmura-t-il doucement.

Il n’aurait pas de réponse, il le savait. Elle le lui avait dit. Il se frotta les cheveux, il voulait en savoir plus.
Dehors, le tonnerre gronda. Evan n’avait pas peur du tonnerre, il ne sursauta pas mais il n’aimait pas ce bruit assourdissant. Il fronça les sourcils et secoua la tête.

*Au moins je suis à l’abri ici…* pensa-t-il en observant la charpente.

On pouvait entendre les gouttes d’eau ruisseler sur le toit. Evan tourna la tête vers Thalys, elle était recroquevillée sur elle-même, semblant avoir la tête ailleurs. Le jeune homme ne savait pas comment réagir, il n’était généralement pas très sociable. Il n’avait jamais eut l’occasion de parler avec quelqu’un de la sorte. Il traversa la pièce sans un bruit pour s’installer sur la chaise. Il s’y assit en tailleur. Sur une chaise la position était certes désagréable mais il avait pour habitude de se poser ainsi. Il posa sa tête contre le mur et se tut, les seuls bruits audibles étaient sa respiration et le vacarme des clients à l’étage du dessous. Il restait muet. Si elle souhaitait lui parler elle l'aurait fait sans gêne.
Durant de longues minutes, il resta comme figé, à regarder le plancher. Soudain, son ventre grogna, brisant ce silence apaisant. Il réalisa qu’il était l’heure de dîner.

- Je descends trouver une table. Je t’attends en bas, déclara-t-il sans même savoir si la jeune femme avait d’autres projets pour le repas.

Il quitta la chambre et traversa le couloir très lentement. Il avait plusieurs fois hésité à attendre Thalys, s’était appuyé contre mur, avant de se décider à descendre. Il s’engagea dans l’escalier, après avoir soigneusement remis sa capuche. La plupart des tables étaient occupées, mais il avait pris le soin d’en repérer une libre de l’étage supérieur. Il traversa la salle en se faufilant entre les clients. Il marchait en hâte, il était pressé de s’isoler à sa table. Soudain, il se fit bousculer par la fille de l’aubergiste. La jeune femme submergée par le nombre de clients courait au travers de la salle et avait heurté Evan.

Evan fut sonné par le choc avec la fille de l’aubergiste. Il avait manqué de s’écrouler mais s’était rattrapé juste à temps, avec de grands mouvements de bras pour garder l’équilibre. L’adolescente le fixait curieusement de ses yeux verts. Elle semblait le dévisager et cela ne lui plaisait guère.

*Qu’est-ce qu’elle me veut ?* pensa-t-il, s’imaginant qu’il s’était encore attiré des ennuis.

Mais lorsqu’elle lui parla en bafouillant et que ses joues s’empourprèrent, il comprit. La jeune femme était certes très jolie et semblait adorable, mais il n’attachait que peu d’importance à ses sentiments. Il se retint de soupirer, malgré l’aspect invivable qu’on lui attribuait aisément, il avait assez de tact pour ne pas l’embarrasser plus que ce qu’elle était actuellement.

Il espérait que personne ne remarque le comportement de la serveuse lorsqu’il entendit Thalys rire. La jeune fille partit derrière lui et se dirigea vers Thalys afin de déposer les couverts qu’elle transportait. Evan se retourna pour observer la scène. A l’entente des paroles de l’apothicaire, il se crispa et s’étouffa. Lui avait eut la délicatesse de ne pas mettre mal à l’aise l’adolescente, mais Thalys elle, n’avait pas hésité à en rajouter, le mettant lui aussi dans l’embarras. La fille du propriétaire se hâta de quitter la pièce et Evan ne put s’empêcher d’avoir une pensée pour elle :

*La pauvre… *

Il attendit Thalys et murmura, d’un air tendu :

- Très drôle…

Puis, avant même qu’elle ne puisse placer un mot, il ajouta :

- Surtout ne fais aucun commentaire…

Il sourit tout de même et regarda autour de lui. Il ne reconnut personne. Cela l’apaisa, c’était fort rare. Il décida de retirer sa capuche. Bien qu’il s’y sentait serein, il en avait assez de devoir se cacher en public. Il ôta la partie du vêtement qui couvrait sa tête et rejeta ses cheveux en arrière. Quelques regards curieux se tournèrent dans sa direction. Evan devait juste prendre garde à l’aubergiste, lui connaissait son visage et ne l’appréciait guère. Il s’installa contre le mur, derrière un pilier de bois. Il pourrait ainsi rester à découvert sans pour autant s’en inquiéter. La jeune serveuse repassa près de lui, s’arrêtant en le voyant ainsi sans sa capuche. Evan, malgré son envie de détourner la tête et l’ignorer lui sourit faiblement. L’adolescente se retourna avant de partir en trombe. Evan trouvait ses réactions très ridicules, mais il la plaignait, il n’imaginait pas que l’on puisse être si timide. Elle se faufila entre deux tables lorsqu’un vieil homme se retourna afin de mettre une main perverse à la serveuse. Celle-ci lança un regard discret à l’homme avant de s’en aller sans dire un mot. Evan sentit sa colère monter. Il ne supportait pas l’attitude de l’homme mais n’arrivait pas à comprendre l’indifférence de la jeune fille. Son comportement l’énervait. Il prit la cruche d’eau posée sur la table où il se trouvait et s’approcha du vieillard. Il renversa tout le contenu du récipient sur le crâne de l’homme avant de le déposer, se frottant fièrement les mains, comme après un travail bien fait.

L’homme s’était enragé après l’incident avec la cruche d’eau. C’était compréhensible, personne n’aimerait se voir renverser de l’eau sur la figure seulement lui le méritait. Evan eut juste le temps de répondre à sa question avant l’intervention de Thalys.

- Un sale pervers… souffla-t-il alors que la jeune femme attrapait le bras du vieillard.

Celui-ci termina la tête dans une assiette. Evan ne put retenir un mince sourire. Alors qu’il réalisait l’animation qu’il avait provoqué, il se maudit d’avoir retiré sa capuche. Il se hâta de rejoindre Thalys et s’installa sur sa chaise.

- Je suis désolé, déclara-t-il à la médecin, connaissant son désir de rester discrète.

Il pensait qu’il lui avait causé bien des soucis depuis leur rencontre. Elle devait être très patiente pour ne pas l’avoir encore rejeté. A cette pensée, son visage s’éclaira.

L’aubergiste intervint alors. Amusé, Evan observa les clients dénoncer le vieillard. Il attendait avec impatience la réaction du propriétaire et fut réjoui lorsqu’il mit l’homme à la porte.

*Il aura eut deux bains dans la même journée…* songea-t-il.

Il croisa les bras alors que le patron s’approchait de leur table, au grand dam d’Evan. Il ne l’avait d’abord pas reconnut et avait offert un repas au jeune homme ainsi qu’à Thalys. Evan pensa que l’aubergiste avait oublié son visage et les quelques disputes qui les avaient opposés dans le passé mais ce dernier se renfrogna avant de retourner à son comptoir.

- Toi ! s’exclama-t-il. Comment oses-tu revenir ici ?

Evan resta silencieux. Le silence était selon lui la meilleure des armes lors d’une discussion. Quelques secondes sans un mot peuvent être si déstabilisantes… Puis, bien souvent un silence valait mieux que quelques paroles inutiles.

- Je laisse passer pour cette fois petiot, continua-t-il, se rappelant certainement qu’Evan était intervenu pour humilier l’homme qui s’en prenait à sa fille.

Evan serra les dents à l’entente du surnom de « petiot » mais se contenta de sourire et d’hocher la tête. Pour une fois qu’il était accepté, il n’allait pas se faire virer de l’auberge !

- C’était pas mal le coup de l’assiette ! dit-il à Thalys.

Il se souvenait de quelle manière elle avait enfoncé le visage de l’homme dans le plat et se mit à rire. Lorsque la serveuse apporta leur repas, elle s’adressa au jeune homme :

- M… Merci…

Evan était toujours énervé en repensant à son attitude et fut tenter de lui hurler qu’elle était idiote de se laisser faire et qu’elle devrait avoir plus de caractère face à ces vieux pervers ! Mais il ne fit rien et se contenta de répondre :

- Y a pas de quoi… je déteste ce genre de comportement.

Il attrapa ses couverts et contempla son plat, il allait enfin manger !

Evan s'excusa. Bon, on ne pouvait pas dire qu'il soit un mauvais bougre, après tout il avait fait ça pour la petite blonde... Mais quand même, quel drôle d'énergumène celui-là!

D'un coup l'aubergiste qui avait apparemment reconnu le jeune homme, dit, au soulagement de la jeune doctoresse, qu'il laissait passer pour cette fois. Elle vit que le mot "petiot" n'avait pas vraiment plu au garçon. Puis le jeune homme dit à la mercenaire:

"C’était pas mal le coup de l’assiette !"

Elle ne pu s'empêcher de sourire. A vrai dire ce n'était pas voulu à l'origine mais bon... Enfin elle plaignait tout de même le client dont l'assiette était désormais aromatisée au nez de vieux pervers. Elle pouffa.
La jeune serveuse leur apporta leurs plats et leurs boissons. Elle esquissa un "merci" timide et rougissant à l'égard d'Evan qui attrapait son plat.

Lorsqu'elle reparti Thalys n'eut qu'une envie...

"Et bien tu as l'air de beaucoup lui plaire à la petite damoiselle, et dire que désormais elle va en plus te voir comme son sauveur!"

Elle tira la langue à Evan, soulignant le brin d'humour.

"Non tu sais, une jolie minette comme elle, ça ne se laisse pas passer, voit comme elle rougit lorsque tu la regardes ou que tu lui adresses la parole. C'est un signe je dis !!! Bon après je comprendrais que ça ne t'intéresse pas mais elle est toute mignonne, toute serviable, toute... timide, docile, obéïssante, la femme parfaite! Qui n'en rêverait pas?"

Elle aimait taquiner les personnes de son entourage. Ce n'était jamais méchant, mais elle riait de voir des réactions de tout genre à ses remarques.

"Enfin, c'est vrai que tu n'as pas l'air commode. Alalalala, le cœur des douces et naïves jeunes filles est incompréhensible. Ça rêve de Prince Charmant, d'enfants, d'oiseaux gazouillant, de cheval blanc! C'est..."

Et là elle réagit comme pour se répondre à elle-même

"... parfaitement écœurant............................."

A son expression parfaitement emplie de sens se succéda un fou rire. Heureusement qu'elle n'était pas de ces niaises croyant la vie heureuse faite d'amour et d'eau fraîche. Elle, avait un but plus important et savait la vie faite de combats, de souffrances tant psychologiques que physiques, de sacrifices...

"Ah la jeunesse..." pensa-t-elle... "Et pourtant je ne suis pas bien plus vieille qu'eux... je dois être vraiment blasée..."
La mercenaire se disait que jusqu'à présent, elle n'avait elle-même pas fait grand chose de sa vie. Ou du moins c'est ce qu'elle pensait. Elle n'avait pas une opinion d'elle-même très élogieuse, Thalys était ainsi en vérité.

Elle sourit et commença à manger. Comme d'habitude, un plat délicieux.

Evan attrapa sa chope et en sentit le contenu. Il n’avait jamais apprécié l’odeur de l’alcool. Dès son plus jeune âge, les voyous des rues lui avaient fait gouté ces boissons et il en gardait un très mauvais souvenir. Mais après tout, il avait bien grandi depuis et tout ce que proposait l’aubergiste était délicieux ! Il déposa ses lèvres sur le bord de son verre et bu lentement. Ce n’était pas désagréable, certes assez fort mais cela ne lui déplaisait pas. Soudain, il entendit les paroles de Thalys et manqua de recracher ce qu’il avait dans sa bouche. Il s’étouffa et se mit à tousser, se tapant bêtement le haut du torse pour reprendre son souffle.

- Ne te méprends pas, répondit-il alors qu’elle lui tirait la langue, le mettant plus mal à l’aise que jamais. J’ai fait ça uniquement car je ne supporte pas le comportement de ces pervers.

Plus Thalys parlait, plus le jeune voleur se sentait fondre sur sa chaise. Elle avait le don de le mettre dans l’embarras !

- Moi je n’en rêve pas ! Je déteste ce genre de fille, avoua-t-il.

C’était méchant, mais cela avait le mérite d’être sincère.

- Elles n’ont aucun caractère ! Ta jolie minette elle est incapable de réagir à cause de sa timidité maladive. Elle est incapable de se rebeller…

Evan avait appris au fil des années que le seul moyen de se faire respecter était de se montrer plus fort que les autres. C’était la seule loi qui régnait dans les quartiers où vécut le jeune homme. Il pensait que beaucoup d’hommes rêveraient d’avoir leur place dans le cœur de la jeune serveuse… il leur laisserait sa place volontiers. Perdu dans ses pensées, il se surprit à s’imaginer qu’il ne pourrait s’attacher qu’à une fille ayant un caractère plus trempé que le sien et cela le fit sourire. Il sortit de ses songes en entendant Thalys s’adresser de nouveau à lui :

"Enfin, c'est vrai que tu n'as pas l'air commode. Alalalala, le cœur des douces et naïves jeunes filles est incompréhensible. Ça rêve de Prince Charmant, d'enfants, d'oiseaux gazouillant, de cheval blanc! C'est..."

Il fronça les sourcils, se demandant si elle était sincère. Il fit une moue dégoutée et marmonna:

- …ridicule.

La réponse de Thalys le fit éclater de rire, il était rassuré. Attrapant ses couverts, il dégusta le plat apporté par l’adolescente. L’aubergiste ne manquait pas à sa réputation.

- Je peux te poser une question sans doute indiscrète ? demanda-t-il à la jeune femme.

Puis sans même attendre de réponse il poursuivit :

- Qu’est-ce qui t’amène à Criméa ?

Il fixait l’apothicaire de ses yeux bleus, d’un air impatient, comme à son habitude.

- Ce ne sont pas les meilleurs jours pour s’aventurer à Dinak… Ce n’est pas que je doute de tes talents ! se reprit-il rapidement.

Son intention n’était pas de vexer la jeune femme, juste de s’informer.

- Je suis convaincu que tu puisses te défendre seule mais… les voyageurs solitaires sont assez rares… es-tu à la recherche de quelque chose ?

Il mourrait d’envie d’en savoir plus. Thalys était très mystérieuse, lui était très curieux…

Thalys souleva un sourcil, se leva de sa chaise et se pencha vers Evan, paumes sur la table. Elle n'était qu'a une quinzaine de centimètres de son visage et lui dit avec un grand sourire cynique.

"Je t'ai dit tout ce que tu avais à savoir de moi. Il n'y a rien de plus."

Elle se redressa et se leva, elle avait en effet terminé son plat et sa choppe puis commença à partir vers les chambres. Elle tourna la tête en direction d'Evan:

"On va faire quelque chose. A chaque question embarrassante ou trop personnelle que tu me poseras, tu auras l'obligation de répondre toi aussi à ce que je te demanderai, et sans mentir. Enfin, si tu es suffisamment curieux tu ne devrais pas rechigner à ma requête."

Thalys se retourna et s'avançait vers les chambres. Ce jeune avait un sale caractère, elle aimait bien ça. Puis apparemment, il n'avait pas vraiment d'attaches à Criméa. Si elle s'arrangeait bien elle pourrait le prendre comme compagnon de route. Elle avait rêvé depuis longtemps d'avoir un apprenti et voulait, tout comme les maîtres, se sentir respectée, que l'on obéisse aveuglément à ses ordres. Mais elle voulait surtout ne pas attendre autant que Calim, qui était peut être mort à l'instant où elle y pensait... Il était très vieux quand il avait pris Thalys comme apprentie... Elle le savait malade, ne l'avait-il pas forcée à partir pour qu'il puisse mourir seul? Elle ne l'espérait pas et savait que, même s'il n'était plus de ce monde, il n'aurait pas voulu qu'elle le pleure.

La mercenaire essayait de chasser ces pensées douloureuses. Le lien entre un maître et son élève était presque un lien de sang. Et en l'occurrence, elle avait considéré Calim comme un père.
C'était la première fois qu'elle songeait à prendre un apprenti. Peut être pour faire vivre ses idéaux et ceux de Calim à travers quelqu'un d'autre, surtout pour moins sentir le poids de ses obligations et de sa solitude...

Pourquoi ce sale gosse des rues? Ce petit voleur? Parce qu'elle savait qu'elle aurait mille fois préféré sortir un jeune de la misère qu'un autre né dans la soie. Elle était ainsi.

La jeune femme arriva à sa chambre et alluma les bougies. Elle entendait encore l'orage et la tempête se déchaîner à l'extérieur.

"Heureusement que je n'étais pas en voyage à ce moment là..." murmura-t-elle.

Elle enleva sa cape, la posa sur le lit et toucha ses vêtements. Ils n'avaient pas séché. Elle était dépitée...
La jeune femme sortit un livre de son sac et s'allongea sur le ventre, livre posée sur le matelas et coudes la maintenant.
La joue dans sa paume, elle tournait de l'autre main les pages d'un ouvrage sur l'histoire du château de Criméa détaillant les nombreuses pièces dont il était constitué et leurs utilisation avec un bref historique, trouvé dans une petite bibliothèque d'érudits.

Si elle allait prendre le jeune comme sous-fifre, il allait falloir qu'elle sache tout de lui. Le fameux test qu'elle lui ferait passer vérifierait sa force mentale, et elle pourrait, si elle en était satisfaite, le façonner pour qu'il devienne plus tard un bon mercenaire. Il avait déjà quelques capacités, mais elles étaient fortement bridées par son statut de miséreux. Elle allait sûrement remédier à ça s'il s'en révélait digne.

Perdue dans sa lecture, Thalys entendit taper. Avant qu'elle n'ait eu le temps de parler Evan était entré.

Elle était en chemisette de nuit, elle aurait voulu avoir le temps de se couvrir. De quel droit entrait-il sans autorisation? Elle avait oublié de verrouiller la porte, mais c'en était trop. Elle attrapa vite sa cape avec laquelle elle se couvrit et dit:

"Ne peux-tu pas attendre que l'on te somme d'entrer avant de t'autoriser toi-même à le faire?"

Il l'avait énervée. Si elle avait été en tenue décente elle n'aurait pas eu de réaction si vive, mais quand même!
Enfin... Il ne lui avait pas plus laissé le temps de râler, il lui avait déjà posé quatre questions d'affilée...

L'emmerdeur... Il prenait quand même le risque de se faire sonder. Elle ne savait pas si lui mentirait à ses questions. Comment pouvait elle avoir confiance?...
Elle tairait les détails les plus importants, et lui révèlerait la vérité seulement s'il ne lui cachait rien et s'il était digne de confiance. Elle allait jouer fin.

"Alors, par où commencer. Je viens d'Alsaria, et je suis à Criméa parce que je me renseigne sur la politique du royaume.
Si je t'ai donné une pièce, c'est parce que je ne voulais pas que tu aies à voler. J'ai vu que les gens te rejetaient, ça m'a attristée. Je ne sais que trop bien ce qu'est la solitude...

Pour la dernière question..."

Elle détourna le regard, elle-même ne savait pas pourquoi.

"Je ne sais pas trop... parce que tu m'as bien rendu service sûrement. Je ne suis pas du genre à être ingrate, tu es un gentil garçon."

Le jeune femme se remémorait le fait qu'il soit rentré dans la chambre alors qu'elle était à moitié nue, et esquissa une grimace. Elle avait quand même bien envie de l'étrangler.

"A moi maintenant."

Elle se leva, prit la chaise en tenant sa cape d'une main, la plaça devant le lit. La mercenaire s'assit sur le matelas et pointa la chaise du doigt.

"Viens t'assoir."

Les yeux fermés elle chercha quoi lui demander. Il lui avait posé quatre questions auxquelles elle avait répondu sans mentir. Après tout, il ne lui avait pas posé de questions suffisamment pointilleuses pour qu'elle parle trop, il n'avait pas l'habitude certainement... mais elle si. Elle commença

"As-tu encore une attache à Criméa" Était ce dont elle avait besoin avant tout de savoir pour voir s'il était disposé à la suivre.
"Sais-tu lire?"
"Pourquoi ta vie a-t-elle fait de toi ce que tu es devenu?" Elle savait cette question difficile, parce qu'elle obligeait Evan à se développer pour raconter ne serait-ce que le moindre détail.
"Pourquoi avais-tu l'air si triste quand tu pensais que j'allais repartir"

Toutes ces questions pouvaient sembler bien plus banales que celles posées par le jeune homme, cependant elle étaient celles qui allait permettre à Thalys de jauger la capacité à obéir du garçon, ainsi que sa disposition à lui apprendre des choses qui n'avaient rien à voir avec le combat. Puis elle savait que sa curiosité ne serait pas rassasiée avec ses réponses, et qu'il allait sûrement lui poser d'autres questions. Et donc elle de même...

Fixant Thalys, le jeune homme écouta ses réponses. Il n’en était pas satisfait. Elle avait certes répondu à ses questions mais il n’était pas très avancé. Toutefois, il s’était engagé en posant ses questions et il devait maintenant répondre à celles de la médecin. S’installant sur la chaise, il écouta en silence les demandes de Thalys. Il n’appréciait pas spécialement les thèmes qu’elle avait abordés mais n’avait pas vraiment le choix. Il ne mentirait pas.

- Non, je ne suis aucunement attaché à cette ville, je la déteste. Et je ne sais pas lire non plus, ajouta-t-il lamentablement sans quitter Thalys du regard.

Sa mère avait commencé à l’instruire lorsqu’il était très jeune mais il n’avait rien appris en réalité. Ses parents étaient trop occupés à dénicher de la nourriture pour s'occuper de lui. Les deux dernières questions le gênaient. Il soupira avant de commencer :

- Ma famille avait une réputation de voleur. Je suis né et j’ai grandi avec cette réputation sur le dos. Je me suis retrouvé seul à sept ans, rejeté de tous. Je n’ai pas eu le choix, j'ai du suivre leur voie.

Il avait été sincère, sans trop en dévoiler. Il s’était contenté de répondre à la question posée. Il continua :

- J’étais triste parce que… tu es la seule personne à ne pas me rejeter et surtout… tu me rappelles quelqu'un.

Ces quelques mots prononcés, il sentit une boule lui nouer le ventre. Il aurait voulu éviter ce sujet mais s’était douté qu’elle poserait cette question. Il ne voulait pas montrer son trouble, bien que ce fût déjà fait. Sans le réaliser il avait fermé les yeux tristement.
Il repensa aux réponses de Thalys.

« Alsaria », il avait entendu parler de la ville de Dénaros par le marchand Will. Ce dernier lui avait dit que la capitale d’Alsaria était une ville magnifique. Evan resta bouche bée rien qu’en y repensant.
Il voulait en savoir plus. Sa curiosité prenant le dessus, il demanda :

- Quels seront tes projets dès que l’orage se calmera ?

- Combien de temps resteras-tu à Criméa ?

- T’intéresses-tu aux agissements du roi ? demanda-t-il en se souvenant de sa famille, les poings fermés.

- Pourquoi être partie de chez toi ? Qu’est-ce qui te motive à voyager ainsi ?

Evan voulait poser d’autres questions. Il se demandait qui était l’homme qui l’avait entrainé mais se souvenant de la réaction de la jeune femme lorsqu’elle l’avait évoqué quelques heures auparavant, il n’aborda pas ce sujet.

Evan écouta une nouvelle fois les réponses de la jeune femme en silence.

*Ainsi elle partira bientôt…* songea-t-il.

Il allait donc reprendre le cours de sa vie. Il n’avait pas rit depuis bien longtemps avant la venue de Thalys et cette pensée le fit sourire. Il se voyait déjà errer de nouveau dans les rues, vagabonder devant les auberges, flemmarder dans la boutique de Will pour se protéger du froid.
Dès la première question de Thalys, il baissa la tête et se mordit la lèvre inférieure. Il avait promit. La jeune femme avait été honnête avec lui, il devait en faire de même.

- Cela me rend triste car cette personne… c’était la personne qui comptait le plus à mes yeux.

L’emploi de l’imparfait était justifié… La question ne lui imposait pas d’en dire plus mais il le fit tout de même.

- C’était ma grande sœur, tu lui ressembles tellement…

Il tourna le dos à la médecin, sentant sa vision s’embuer. Il resta immobile quelques secondes avant d’essuyer d’un geste vif une larme dans le coin de son œil droit et refit face lentement à Thalys. Parler d'Amia, sa soeur était selon lui la seule chose capable de lui tirer une larme...

- Je n’ai jamais vu quelqu’un avec une vie aussi débordante que la tienne, avoua-t-il. Et… je t’envie. C’est pour ça que je m’y intéresse tant.

Sa réponse n’aurait pas pu être plus sincère et cela se sentait dans le ton de sa voix. Thalys voyageait à travers le continent, afin d'en apprendre toujours plus, c'était une vie de rêve pour Evan. Les dernières questions de la jeune femme le surprirent. D’un air empli d’excitation il répondit :

- Oui, bien sûr. Et je t’obéirais, c’est promis.

Il n’aimait pas particulièrement l’idée « d’obéir à des ordres » mais la question de Thalys était tellement inattendue et alléchante qu’il ne pouvait qu’accepter. Enfin, avant de répondre à la dernière question, il se tut quelques instants. Ce n’était pas une réponse que l’on pouvait donner en toute insouciance, il en était conscient. Il avait juré de dire la vérité en pénétrant dans la chambre et en interrogeant la jeune femme et devait poursuivre jusqu’au bout. Après quelques instants, il déclara :

- Oui, j’en suis capable.

Il fixa Thalys. Il avait une dernière question. Il se remémorait l’histoire de la bague, son hypothèse d’une sorte de confrérie… il voulait savoir. Et cela lui permettrait d’en savoir un peu plus sur elle.

Ton ami t'avait-il demandé de le suivre afin qu'il t'enseigne son savoir? Était-ce pour cela que tu étais partie de chez toi?

Il n’était pas certain qu’elle réponde mais sa curiosité avait pris le dessus sur la raison, une fois de plus. Il se contentait d’attendre en silence.

La jeune femme était satisfaite des réponses du jeune homme. Après tout elle avait eu raison de lui faire confiance et de l'avoir bien jugé. Elle réfléchissait... Par où commencer?
La mercenaire savait qu'il avait eu l'habitude de voler depuis son plus jeune âge, et elle pourrait mettre à profit son expérience dans le domaine. Elle ouvrit la porte, jeta de rapides coups d'œil et se rassura. Personne aux alentours, à cette heure avancée il était normal que tout le monde fusse dans sa chambre, voire parti si le courage leur avait dicté de rentrer chez eux sous cet orage grondant.
Elle ne parlerait pas fort, mais préférait vérifier, après tout les murs ont des oreilles...

"Maintenant que tu es mon apprenti, tu devras savoir que j'enquête actuellement sur le Roi de Dinak ainsi que ses intentions. Tu n'es pas sans savoir ce que vivent les gens du peuple, comme toi, depuis sa prise de pouvoir. Je vais infiltrer le château, à la recherche d'informations. Je crains certaines choses, je ne sais pas ce qu'il prépare et ce qu'il manigance. J'ai reçu des informations quelque peu déroutantes et je voulais vérifier et confirmer certaines rumeurs, ou bien les défaire."

Elle s'arrêta, pensive, puis repris:

"J'ai beau te sermonner quand tu voles, là j'ai besoin de tes talents pour récupérer une certaine pièce qui me sera utile."

Elle avait honte... Elle allait se faire passer pour une bonniche dans le château...

"J'ai besoin d'une tenue de servante ou de bonne du château. Tu iras au lavoir où elles lavent leur vêtements, et dérobera l'un d'eux sur les étendoirs. Elles ne sortent jamais sans tout leur apparat. Et c'est en ça qu'elles peuvent aller et venir du château à la ville basse."

Elle expliqua également à Evan qu'il pouvait prendre son temps. Elle devait d'abord reconnaître parfaitement les lieux qu'elle apprendrait dans son livre, puis analyser la meilleure méthode à adopter pour s'infiltrer dans une des salles d'archives ou bien dans le bureau du roi, et ce, sans se faire démasquer...

"A moi balais et chiffons, je vais avoir l'air d'une souillon mais au moins si l'on me voit dans une pièce même interdite, je prétexterais être nouvelle et ferais semblant de nettoyer... c'est vraiment pitoyable..." pensa-t-elle...

Elle voulait un peu papoter avec le jeune garçon nouvellement son apprenti, mais ne savait quoi lui demander. Normalement elle était plutôt taciturne, mais lorsqu'elle tissait un lien avec quelqu'un parler ne la dérangeait point. Elle se leva et lui ébouriffa les cheveux comme elle le faisait à ses cousins et lui dit:

"Alors, qu'as-tu envie de savoir d'autre?"

Elle avait fini de le harceler de questions. De toute manière les mercenaires feraient leur propre petite enquête sur lui, mais elle savait qu'elle avait fait un plutôt bon choix. Elle s'assit jambes croisées sur le lit, tenant toujours sa cape qui la couvrait et lui tenait chaud.

"Maintenant que tu es mon apprenti…"

Ces quelques mots firent jubiler Evan. Il ne réalisait toujours pas, une bonne nuit de sommeil suffirait à lui faire réellement prendre conscience du tournant que venait de prendre sa vie. Il avait tant appris en quelques minutes… Les Mercenaires existaient vraiment et il allait suivre l’enseignement de l’un d’entre eux. Mais pas n’importe quel mercenaire… Il était désormais l’apprenti de Thalys, et bien qu’il ne la connaisse que depuis très peu de temps, il se réjouissait qu’elle l’eut choisi lui, il ferait tout pour qu’elle soit fière de lui !

*Elle enquête vraiment sur le roi de Dinak!*, songea-t-il, poings serrés, il ne connaissait que trop bien la misère du bas peuple.

Il se tut pour écouter les directives de Thalys. A l’annonce de son plan, il éclata de rire. Il n’arrivait pas à imaginer la jeune femme habillée en servante. Reprenant son sérieux il déclara avec un brin de malice :

- Quelle ironie ! Je n'arrive pas à croire que tu me demandes de voler !

Écoutant attentivement les consignes de son maître, il songeait déjà à la manière dont il allait procéder. Quelques idées lui venaient déjà à l’esprit, il retint les plus ingénieuses. Thalys lui avait dit de ne pas se presser. Sa blessure à sa côte était récente, il serait impensable d’abuser de son physique dans les jours qui suivent. La douleur était encore trop présente, il n’agirait pas demain. Il avait d’autres projets pour demain. Il avait besoin de quelques renseignements et il connaissait les personnes qui les lui donneraient. Il ne savait pas à quels moments de la journée les servantes se rendaient au lavoir et n'envisageait pas de les attendre durant des heures. Il devait s'informer avant d'agir. Ainsi, il irait dans deux jours.

- Après demain je partirais dérober ta tenue. Je ne reviendrais pas tant que je ne l’aurais pas.

Il prit une posture valeureuse. Malgré l’aspect hautain qu’il laissait paraître, Evan avait conscience qu’il devait être prudent. Il doutait que le lavoir soit surveillé mais si par malheur il se faisait voir entrain de voler, il serait incapable de semer un poursuivant dans son état.

Il sourit alors que Thalys lui ébouriffa les cheveux. Il n’avait pas reçu de geste d’affection depuis longtemps. Il appréciait lorsque la jeune femme lui secouait les cheveux, cela l’amusait. Se rasseyant sur la chaise, face au lit, il regardait Thalys, son maître.

- Que vais-je faire pendant que tu seras au château ? Et que ferons-nous lorsque tu auras tes réponses ?

Il baissa lentement la tête durant quelques secondes avant de demander d'une petite voix:

- Tu vas vraiment infiltrer le château de Dinak ?...

Il était peu rassuré à l'idée qu'elle s'engage dans la demeure du roi de Dinak et le ton qu'il avait employé laissait paraître son malaise. Il fixa la jeune femme de ses yeux bleus.

- Merci de la chance que tu m’offres. Je suis peut être peu social et expressif mais je sais me montrer reconnaissant. Je ne te décevrais pas, ajouta-t-il, un grand sourire sur les lèvres.

Thalys essaya de répondre au mieux aux questions d'Evan. Elle n'aurait pas pensé son intérêt si vif à l'égard de cette mission, qu'elle s'était donné seule. Elle ne voulait pas l'inquiéter mais devait être franche.

"Et bien, oui, je vais infiltrer le château de Dinak. Ce que je vais faire..."

Elle se demandait quoi répondre alors qu'elle allait chercher ne serait-ce qu'une infime trace de rumeur, de message, mais dont elle ignorait parfaitement le contenu. Le malaise que laissait transparaître Evan ne l'aiderait pas à s'expliquer.

"... C'est chercher des informations. Lorsque je serais là-bas, j'essaierai de trouver quelque chose pouvant compromettre le Roi. Tant que nous n'obtenons pas de preuve d'une quelconque manigance envers les royaumes d'Ellandy ou... d'Alsaria..."

À ce dernier mot, Thalys déglutit péniblement.

"... les mercenaires ne pourront agir contre lui."

Elle pensait également à bien pire. Elle espérait que le Roi n'aie pas eu vent de certaines informations concernant les mercenaires. Certes, ils n'étaient encore qu'une légende, pourtant Thalys était inquiète et avait un mauvais pressentiment.

Merci de la chance que tu m’offres. Je suis peut être peu social et expressif mais je sais me montrer reconnaissant. Je ne te décevrais pas.

A cette phrase elle sourit.

"Je te demande juste d'être toi et de faire de ton mieux. Tu n'as pas à me remercier."

Elle s'approcha d'Evan qui, avec son allure de valeureux chevalier semblait plus ridicule qu'autre chose. Elle tapota sa blessure.

"Tu ne devrais pas te tenir si droit avec ça."

Elle retira le vêtement qui recouvrait le torse du jeune homme puis souleva les bandages pour examiner encore la plaie. Elle n'allait pas laisser son apprenti faire n'importe quoi avec sa blessure.
La plaie n'était pas vilaine, par contre le sang avait beaucoup coagulé, il fallait changer la compresse et le bandage, ce qu'elle fit avec le plus grand sérieux. Le jeune voleur qui était tombé sur son balcon était devenu son apprenti, raison de plus pour ne pas le laisser s'âbimer plus.

Pendant qu'elle pansait le garçon, elle lui dit:

"Par contre, tu attendras un peu plus que deux jours... Je ne suis pas un demi-dieu, je ne peux pas apprendre le plan d'un château entier en si peu de temps. J'ai besoin d'au moins une semaine pour tout ceci et pour bien calculer mon coup. Je me dirige droit dans la tanière du loup même si celui-ci est absent. Repose-toi en attendant, sans ça ta blessure ne guérira pas."

Elle jeta les compresses usagées sur la commode et se retourna:

"Tu n'es pas un surhomme, tu ne t'en es sûrement pas rendu compte, mais tu as échappé de peu à la mort. Une chance que celui qui t'ait décoché cette flèche n'ait été qu'un minable. Si je ne t'avais pas immédiatement retiré la flèche et soigné, tu serais mort..."

Elle s'évertua à tenter de lui expliquer le fonctionnement de cette partie du corps... Le poumon, mais surtout la rate qui n'était vraiment pas loin de la flèche, la perte de sang trop importante qui aurait pu être dangereuse, une infection provoquée par les saletés sur la pointe ayant pénétré ses côtes... Elle se doutait qu'il n'aurait peut être pas compris, mais ça viendrait à force. Elle voulait juste lui faire se rendre compte qu'en tant qu'être humain, il était fragile, bien plus qu'il ne le croyait sûrement...

Evan se remémora le Code des Mercenaires que son maître lui avait récité il y a quelques minutes et il comprit ses intentions. Les Mercenaires ne pourraient agir uniquement dans une situation de guerre. L’intrusion qu’envisageait Thalys l’inquiétait mais il ne connaissait presque rien des capacités de la jeune femme bien qu’il ne doutait pas qu’elle était extrêmement talentueuse.

- Je vois, se contenta-t-il de dire, préférant changer de sujet pour éviter de se morfondre en attendant qu’elle mette son plan à exécution.

Regardant la médecin s’occuper de sa plaie, il écoutait ses paroles. Il n’avait pas tout saisi dans ses explications sur l’anatomie mais avait comprit au moins une chose : il devra être plus prudent à l’avenir. Si les dires de Thalys étaient vrais jamais auparavant il n’aurait croisé la mort d’aussi près.

Il allait devoir attendre une semaine avant de remplir la tâche que lui avait confiée son maître. Impatient de faire ses preuves, il déclara :

- Sept jours. Dans sept jours je me rendrai au lavoir, pas un de plus.

Après tout il avait bien besoin de repos, cette semaine de répit lui ferait le plus grand bien. Il en profiterait pour retourner chez lui. Sa maison n’était qu’une ruine, la porte d’entrée ne fermait plus, la serrure avait été forcée par des voleurs, la moitié de l’ameublement était ravagée, le toit était délabré si bien qu’il n’y avait plus aucun moyen de chauffer l’habitat mais c’était tout de même son « chez lui ». Il ne s’y rendrait pas pour un quelconque attachement, il irait simplement pour passer ses dernières nuits à Criméa, n’ayant pas les moyens de se payer l’auberge plus longtemps et afin de récupérer ses minces affaires.

- Dis Thalys, les Mercenaires ont-ils un chef ?

Cela lui paraissait évident qu’une telle organisation soit dirigée par une personne à son sommet, mais il espérait surtout qu’elle lui en dirait plus. Elle commençait certainement à connaître la curiosité insatiable du jeune homme et devait s’attendre à des questions de la sorte.

- C'est amusant, hier encore tu me piétinais et aujourd'hui me voilà devenu ton apprenti, plaisanta-t-il.

Il y a quelques heures, Evan considérait encore Thalys comme une folle, elle l'avait étouffé et l'avait menacé de sa dague et voilà qu'à présent elle était la personne qu'il respectait le plus, la seule personne envers qui il montrait aujourd'hui du respect. Se souvenant de sa blessure qu'elle soigna et continuait de surveiller, de la chambre qu'elle lui paya bien qu'il fit des courses pour elle en retour, de son histoire qu'elle lui conta... il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire. Lui qui jugeait sa vie de misérable et malheureuse il y a peu de jours pensait maintenant qu'il avait énormément de chance d'avoir rencontré la jeune femme, bien que leur rencontre ne fut pas des plus amicales.

Evan bailla longuement. Malgré le peu d’effort qu’il avait fournit ce jour-ci, contrairement à ses habitudes, il était exténué. Bien que la fatigue avait peu à peu raison de lui, il souhaitait profiter encore de la compagnie de son maître, Thalys. Il savait qu’à présent qu’il était devenu son apprenti, ils auraient de nombreuses occasions de discuter mais désirait passer encore quelques minutes auprès d’elle avant d’aller se coucher.

Thalys était fatiguée. Apparemment le jeune apprenti ne voulait pas rentrer dans sa chambre... Elle termina de changer les bandages, et lui dit de se rhabiller.

"Sept jours. Dans sept jours je me rendrai au lavoir, pas un de plus. " Dit Evan.

Thalys lui avait dit de patienter, au moins le temps que sa blessure commence à cicatriser, cependant il ne pourrait pas faire d'exploit sportif. Ce serait encore douloureux et instable pour au moins deux à trois semaines, elle préféra le prévenir:

"Oui, tu iras dans une semaine. Néanmoins ménage-toi et prépare un plan, tu ne devras pas forcer donc si tu es pris en chasse et que tu cours trop, la plaie risque de te faire bien plus souffrir. Cette dernière sera parfaitement cicatrisée dans un mois, je te dis ceci à titre indicatif..."

Elle soupira, encore et toujours. Elle se doutait qu'il devait vivre dans un logement de fortune, mais comment faire avec sa blessure? Il devait se reposer, au chaud...

"Tu sais quoi? Pendant la semaine je vais sûrement exercer mes talents auprès de certains, j'essaierai de gagner suffisamment d'argent pour que tu puisses rester à l'auberge. Déjà tu seras auprès de moi, ce sera plus simple nos actions, puis tu devras te reposer dans un endroit chaud et manger correctement."

Elle lui pinça le bras

"Ce n'est pas en étant aussi maigre que tu vas devenir un bon apprenti. Tu a quelques années de muscles et de gras à rattraper pour pouvoir devenir solide et m'aider correctement. Tu as un physique de gamin des rues, il faudra bien un jour que tu aies celui d'un homme..."

Là c'était la jeune doctoresse qui s'exprimait, avec ce ton de conseil désagréable et si impersonnel propre à la profession et à son caractère. La voix de la jeune femme, pourtant si chaude, contrastait avec la froideur de beaucoup de ses paroles. Elle parlait toujours en pesant chacun de ses mots, en les prononçant parfaitement et sans aller trop vite, et ce en ne souriant que rarement. Déjà, elle n'aimait pas parler, elle était fichue avec cet apprenti. Était-ce parce qu'elle l'appréciait, ou parce qu'il posait lui-même beaucoup de questions? Allez savoir, quoi qu'il en fusse, elle rajouta:

"Maintenant que tu es mon apprenti, je pense que tu es conscient que je devrais prendre soin de toi dans l'intérêt des Mercenaires, vu que tu en deviendras un plus tard si tu suis correctement mon enseignement.
...
Et d'ailleurs pour répondre à ta question, il n'y a pas "un chef", mais "trois" que l'on appelle les "Dominants". Ils ne dirigent pas les mercenaires à proprement dit vu que certains font cavaliers seuls durant des années, mais ce sont eux prennent certaines décisions stratégiques et sur qui s'appuient nos actions. Enfin, ils sont ceux qui font respecter le code des Mercenaires et veillent à garder notre secret et à punir les traîtres ou bien ceux qui nous mettent en danger."

Puis elle se perdit une nouvelle fois dans ses pensées, se demandant si son apprenti pouvait, avec sa réputation, travailler honnêtement pour payer une partie des frais liés à leur séjour à Criméa. Elle eut alors une idée. Pourquoi ne pas mettre à profit ses talents?... Elle ne supportait pas cette idée de vol, mais s'il était commis sur les seigneurs odieux et fainéants de Dinak... Et pour soulager sa conscience mais surtout donner tout son sens à son statut de mercenaire, reverser une partie de ses larcins à des gens bien plus pauvres comme l'avait fait le garçon un peu plus tôt...

"Aider le peuple."

N'était-ce pas une règle du code des mercenaires? ... Hmm... C'était quelque chose à méditer. Elle ne lui en parlerait pas pour l'instant, mais y songerai. Envers la noblesse de Dinak, rien n'était un crime...

Elle s'assit sur le lit, puis s'y laissa tomber comme un sac de patates. A moitié recroquevillée sous sa cape épaisse, elle en avait presque oublié la présence d'Evan. Nom d'un chien, avait-elle autant fatigué Calim avec ses questions? En fait elle se souvenait encore qu'elle parlait peu et écoutait beaucoup. Attendant qu'il lui apprenne les choses seulement quand il jugeait cela nécessaire. Thalys, silencieuse écouta la remarque plaisantine du jeune voleur:

"C'est amusant, hier encore tu me piétinais et aujourd'hui me voilà devenu ton apprenti"

"Si tu savais ce que tu vas endurer avec moi..." Se dit-elle.

- Un mois ! cria le jeune homme d’une voix plus forte qu’il l’aurait souhaité. Je ne pourrais jamais me tenir tranquille pendant un mois, ça non. C’est comme si tu enlevais son vin à un ivrogne…

La comparaison n’était pas très raffinée mais elle représentait bien l’idée. Il remit sa tunique et croisa les bras, les paroles de Thalys étaient vraies, il n’avait pas besoin d’être médecin pour le savoir. Il connaissait assez son corps pour s’en rendre compte lui-même. Dans sept jours il devra être discret et éviter de se faire remarquer.

Son visage s’éclaira lorsque Thalys évoqua l’auberge. Il y resterait toute la semaine, cela le réjouissait. Néanmoins, elle allait encore payer afin de l’héberger et cette idée le froissait. Il se contenta donc d’hocher la tête.

- Je te revaudrais ça, un jour.

Alors que Thalys répondait à sa question, Evan écoutait une nouvelle fois ses explications. Il écoutait silencieusement, comme à son habitude, mémorisant chaque mot de son maître. Le jeune homme avait certes prit la sale manie d’assaillir Thalys de questions toutefois il écoutait toujours attentivement les réponses qu’elle lui formulait.

*Les dominants…*

Evan espérait les rencontrer un jour. L’idée qu’ils étaient ses supérieurs lui importait peu, mais curieux comme il est, il souhaitait faire leur connaissance. Il se demandait s’ils étaient aussi talentueux qu’il se l’imaginait, après tous ils étaient les trois plus grands Mercenaires, ils étaient certainement parmi les plus doués.

- Les rencontrerais-je un jour ? demanda-t-il d’un air impatient.

Beaucoup d’autres questions lui venaient à l’esprit, beaucoup trop. Se frottant la tête il abandonna l’idée de les poser. Il était tard et il avait sommeil. Certainement était-ce la même chose pour Thalys. Il se leva lentement de sa chaise et sa blessure le fit souffrir. Esquissant une mimique de douleur, il posa sa main sur la plaie. La fatigue accumulée dans la journée se faisait grandement sentir et bien qu’il n’en ait pas particulièrement envie, il était temps pour lui de se coucher. Se rapprochant de la porte, il lança à son maître en étouffant un bâillement :

- Je t’ai assez dérangé pour ce soir. Bonne nuit.

Traversant le couloir avec un sourire, il poussa la porte de sa chambre, toujours ouverte. Si un quelconque voleur espérait y trouver un moindre objet de valeur, il se leurrait. Refermant derrière lui, il retira ses chaussures et le haut de sa tunique avant de s’effondrer comme une masse sur le matelas. Ce dernier était douillet et Evan était comblé de s’y retrouver de nouveau. Se couvrant jusqu’au cou, il souffla une bougie et ferma lentement les yeux.

- Étrange journée… murmura-t-il.

Il se frappa le front avec la paume de la main, il avait encore recommencé…

- Voilà que je me remets à parler tout seul…

Il soupira, il faisait cela depuis qu’il était gamin. Sentant le sommeil l’envahir, il succomba et invita Morphée à s’emparer de lui.

La semaine passa plus rapidement qu’Evan ne l’avait imaginé. Les premiers jours furent d’un calme plat, ses seuls efforts étaient de se rendre dans la salle commune de l’auberge afin de prendre ses repas. Thalys vérifiait chaque jour sa blessure, elle était fière de son travail ce qui le rassura. Ce n’était peut être pas sa seule blessure mais assurément sa plus grave. Au bout du cinquième jour, Evan, lassé d’être enfermé décida de sortir promener. Sa cape sur le dos, il retourna chez lui, évitant les quartiers les plus mal fréquentés et restant à bonne distance des gardes et des gens douteux. Le soir, bien qu’il fût exténué, il était heureux d’avoir enfin pu sortir, il détestait être enfermé.

Enfin, le sixième jour, il décida de trouver les quelques informations qu’il recherchait. Invisible derrière le capuchon offert par son maître, il pénétra dans l’une des innombrables ruelles voisines de la boutique de Will. Lorsque l’on cherchait un renseignement dans Criméa, c’était à lui qu’il fallait s’adresser, aucun doute là-dessus. Evan passa à proximité de quelques escrocs jouant un jeu de carte aux règles assez particulières et mal définies. Il mit ses mains dans ses poches afin de s’empêcher de glisser « malencontreusement » ses doigts vers les bourses qui servaient de mises et continua sa route. Il entra dans la boutique sans un bruit, le jeune propriétaire était dans l'arrière salle. Il s’accouda au comptoir en l’attendant. Alors que Will revenait, un vieil homme entra à son tour dans le magasin… comme si c’était le moment ! Evan s’effaça, faisant mime de chercher un article le temps que l’inconnu face ses courses et disparaisse.

- J’ai besoin de renseignements, déclara-t-il lorsque la porte claqua en se refermant.

Will s’avança vers lui et, s’accoudant sur le comptoir, il approcha sa tête pour chuchoter :

- Parle, et je verrais ce que je peux faire…

Evan soupira, Will était un froussard. A quoi bon chuchoter, la boutique était déserte. Néanmoins il pourrait utiliser cela à son avantage. Se retenant de sourire, il s’adossa au comptoir et demanda :

- J’ai besoin de savoir à quel moment de la journée les servantes du château se rendent-t-elles au lavoir pour faire leur lessive. Combien sont-elles ? Sont-elles accompagnées ?

Evan ne préférait pas prendre de risques. Autant poser des questions inutiles que d’avoir une mauvaise surprise sur place. Will le toisa d’un regard soupçonneux :

- T’es pas un peu jeune pour t’intéresser à ce genre de chose ?

Le jeune voleur fit une moue incrédule.

*Qu’est-ce qu’il s’imagine celui-là…*

Le vendeur ne lui laissa pas le temps de se défendre.

- M’enfin, c’est ton problème ça, pas le mien, poursuivit-il en faisant un clin d’œil complice à Evan. Mais je suis pas sûr de me souvenir de tout, peut être qu’une petite compensation m’aiderait à retrouver la mémoire, si tu vois ce que je veux dire…

Evan sourit, il s’y attendait. Non, il n’attendait que ça, il connaissait Will depuis toujours et connaissait parfaitement son caractère. En plus d'être proche de ses sous et voleur, c’était un vrai peureux…

- Justement, je voulais te parler de quelque chose, Will. Ça tombe bien qu’on ne soit que tous les deux.

Mimant à la perfection un air apeuré, il se rapprocha discrètement de Will et lui souffla à l’oreille :

- Tu te souviens de Garl… Il m’a attrapé l’autre jour, il a voulu me faire parler, continua-t-il en soulevant sa tunique, montrant le bandage qui couvrait sa peau. Je n’ai rien dit, tu me connais, on est comme des frères tous les deux pas vrai. Mais s’il me torturait une fois de plus, je ne sais pas si je pourrais taire les marchandises que tu lui as volées, si tu vois ce que je veux dire…

Le visage de Will pâlit à vue d’œil, il répondit :

- Je me souviens !

*Tiens donc…*pensa Evan. *Quel hypocrite !*

- Les servantes tu dis, elles vont au lavoir à l’aube. Elles y restent environ une heure. Elles s’y rendent seules, par petits groupes, elles seront une dizaine, tout au plus.

Satisfait, Evan traversa la salle vers la sortie, à mi-chemin Will le héla :

- Dis ! Pour Garl, tu…

Evan fit signe qu’il ne dirait rien et quitta la boutique.

*Mais quel idiot…* songea-t-il en retournant à l’auberge.


Le septième jour était enfin arrivé. Evan l’attendait avec impatience. Il allait enfin pouvoir faire ses preuves. Le jeune homme s’était levé très tôt, il faisait encore nuit. Il prit le temps de se préparer avant de descendre dans la salle commune. Elle était vide, c’était exceptionnel. Il était fort rare de trouver cette pièce déserte, quelle que soit l’heure. Evan s’approcha de l’aubergiste et demanda s’il avait de quoi manger. Étrangement, le propriétaire s’était habitué à la présence du voleur dans son auberge. Il n’avait jamais envisagé de le mettre à la porte et lui répondait sans remarque désobligeante ou regard dédaigneux. C’était bien la première fois qu’un habitant honnête de Criméa agissait ainsi avec lui. Evan dévora le gâteau offert par le vieil homme et le remercia avant de sortir. Le soleil commencerait bientôt à se lever, il était en avance mais se hâta tout de même de rejoindre le lavoir.

L’endroit n’était pas très éloigné du château, à l’entrée des bas quartiers. Les seuls gardes présents étaient suffisamment loin pour qu’il puisse agir en toute impunité. Evan attendit dans l’ombre que les servantes arrivent. Elles étaient sept.

*Elles sont nombreuses, ça ne facilitera pas la tâche.*

Elles avaient deux paniers, l’un rempli de linge sale et l’autre vide, pour y ranger le linge une fois lavé. Elles gardaient les paniers près d’elles, il était impossible de dérober la tunique et de disparaître sans se faire remarquer. Cela ne le découragea pas. Il retira sa capuche, les domestiques du château ne connaissait pas son visage. S’approchant tranquillement, un sourire sur les lèvres, il s’exclama :

- Bonjour mesdames.

Certaines lui rendirent son sourire, d’autres le toisaient, méfiantes.

- Encore un gamin des rues, grogna l’une d’entre elles, qu’est-ce qu’il va nous demander celui-là ?
- Peut être pourrais-je vous aider… je suis las de ne rien faire de mes journées.
- Tu sais lessiver ?
- Non, mais je sais porter, rétorqua-t-il d’une voix calme, désignant le panier qui commençait à se remplir du menton.

Aucune ne répondit d'abord, soupçonnant un quelconque stratagème. Soudain, l’une d’entre elles accepta :

- C’est très gentil, tu n’auras qu’à porter le mien.

L’idée que quelqu’un fasse sa besogne à sa place la réjouissait, c’était tellement rare, elle ne voulait surtout pas manquer l’occasion. Evan s’adossa contre un mur et attendit qu’elles aient terminé. Elles devaient maintenant se rendre à l'étendoir, un peu plus loin. Il attrapa le panier qu’il tenait à mi-hauteur devant lui, dans une position volontairement incertaine. Après quelques dizaines de mètre, il chancela et tomba lourdement en avant, renversant le panier avec lui. Il Subtilisa d’un geste imperceptible une tenue qu’il cacha sous son bras, lui-même camouflé par la cape. Enfin, il resta accroupi pour ne pas se faire démasquer, donnant l’illusion de rassembler les vêtements au sol.

- Bravo ! Tout un nettoyage à refaire ! Disparais tu veux, saleté de môme…
- Avec plaisir, murmura Evan avant de se relever lentement, prenant soin de tourner le dos aux servantes avant de se mettre sur ses jambes.

Se réjouissant d’avoir une cape aussi large qui avait caché sans peine l’épaisse tenue de servante, il fit le chemin en sens inverse, après avoir remis sa capuche. Fier de lui, il s’imaginait déjà remettant la tenue à Thalys. Il était encore tôt. Il espérait qu'elle était réveillée, il le saurait dans quelques minutes. Rentrant dans l'auberge qu'il y avait quitté, il y a un peu plus d'une heure, il monta les escaliers et s'arrêta devant la chambre de son maître. Il frappa à sa porte et tenta d’entrer, comme à son habitude. La porte était fermée. Il frappa deux nouvelles fois à la porte, reprenant difficilement son souffle.

Le bruit réveilla la mercenaire. Elle ouvrit à moitié un œil. Puis le cliquetis de la poignée, puis encore deux coups...

"Non d'un chien..." murmura-t-elle en se retournant et en cachant son visage dans l'oreiller.

Avez-vous déjà été réveillé alors que vous aviez l'impression de vous endormir à peine? Et bien imaginez donc son humeur au moment. Elle en oublia sa tenue légère composée d'une chemisette s'arrêtant à mi-cuisse, attrapa la clé qu'elle manqua de faire tomber puis ouvrit.
Là, elle vit le visage d'Evan et lui claqua derechef la porte au nez... Elle referma, s'assit lourdement sur le lit, la tête entre les mains puis lui dit:

"Attend deux secondes..."

La jeune femme se leva, se lava et enfila ses vêtements. Elle ouvrit ensuite la porte et vit son apprenti la mine réjouit sur le palier. Il avait intérêt à lui rapporter quelque chose...
Elle vit alors l'excroissance sous sa cape et sourit puis prit la robe qui était encore humide et la posa sur le dossier de l'unique chaise de la chambre. Elle invita Evan à rentrer puis descendit chercher de quoi se restaurer auprès de l'aubergiste.

La jeune médecin remonta une part de gâteau entre les dents et une miche de pain sous le bras, pour plus tard. Elle devait être en forme pour faire semblant de récurer et chiffonner... Mais surtout pour ne pas se faire prendre...

Quelques heures encore et elle partirait au château...






[hrp] Suite au château de Criméa [/hrp]