Nehaïa, retour aux origines [PV Thalys, Rosie, Alderic]

Cela faisait tant d'années qu'elle n'était pas retournée chez elle, l'enfant prodigue. Enfant de lettres, érudite avant l'âge, arrachée à sa famille un peu tôt, avant d'avoir pu être adulte.
Après l'entrevue avec les dominantes, Thalys avait décidé de prendre un repos, après toutes ces années, et de retourner à l'endroit où tout avait commencé...

Cinq ans déjà... Cinq ans qu'elle n'avait vu ni son frère, ni son père, ni ses cousins... Peut être la croyaient-ils morte ? Peut être eux-même avaient trépassé ?
Son cœur pourtant fier et solitaire se nouait. Ses yeux s'embuèrent alors qu'elle chevauchait dans les Collines et se rapprochait du village.

Elle arriva sur la petite butée où elle allait avec son frère, quand ils s'échappaient de l'autorité de leur tante. Le même arbre, la même vue, les mêmes toits de chaume et les fumées de cheminée s'échappant des toitures. Les mêmes mouvements de la Vie qui s'organisait chaque jour dans ce petit village du fin-fond d'Alsaria. La Mercenaire inspira et botta son cheval qui commença à avancer.

Puis elle arriva ici. Les plus jeunes lui étaient étrangers, ou ceux qu'elle avait connu avait grandi, changé, mais personne ne savait qui elle était, sous sa capeline sombre. Elle regardait, avançant lentement sous le regard intrigué des fermiers et des marchands s'affairant ça et là à leurs occupations, et elle se dirigea vers la forge.

Attachant sa monture à la poutre de bois à présent rongée par l'usure, elle ouvrit la porte sans même prendre la peine de frapper, ôtant son capuchon.
Daelth regarda avec un œil circonspect l'inopportun qui était entré sans politesse, cessant de battre le fer qu'il forgeait. La chaleur tenace s'échappant de ce lieu, ses odeurs de métal brulant et de suie rappelèrent à Thalys mille et un souvenirs d'enfance. Le jeune homme mit un instant à reconnaître sa sœur, tant ses traits s'étaient durcis, et tant son aspect avait changé, comparé à l'adolescente qu'elle était lorsqu'elle était partie. Épongeant la sueur perlant de son front, il fronça les sourcils puis, se rendant compte de qui s'était introduit chez eux...

... il laissa tomber ses outils et hurla :

"Papaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Thalys !!!! Elle est revenue !!!!!!!"

Puis il couru enlacer sa petite sœur. Laissant échapper un rire nerveux et à la fois heureux. Le père déboula en trombe, n'ayant rien perdu de sa forme d'avant, et pleura à chaude larmes avant de retrouver ses enfants.

"Thalys, tu es revenue !!!
-Pas pour très longtemps, papa, mais je vais bien, et je venais m'assurer que vous aussi, vous alliez bien.
-Nom d'un chien Thalys, tu ne peux pas t'imaginer le sang d'encre que nous nous sommes fait, toutes ces années !! Comme tu ressembles de plus en plus à ta pauvre mère... Ah si elle avait été là... Elle aurait été si fière de toi... Raconte, qu'as-tu fait tout ce temps ?
-Oh... euh... quelques aventures assez incroyables, quelques bandits ont gouté de tes dagues, je ne peux pas t'en dire plus !"

Finit-elle avec un sourire.
L'habituellement si froide Thalys était tellement différente lorsqu'elle était avec les siens.

"Thalys... Tu es un cadeau du ciel ! Ton oncle va très mal. J'ai ouï dire que Calim t'avait enseigné les plantes, que tu étais un peu guérisseur, comme lui... Peux-tu nous dire s'il va bien ?
-Bien sûr, p'pa !"

Se dirigeant vers la chaumière mitoyenne, elle examina son pauvre oncle qui avait l'air plus qu'étonné de la voir ici. Il était si las qu'il n'arrivait pas à parler, mais la façon dont il serra la main de Thalys fit chaud au cœur de la jeune femme.
Elle lui fit avaler quelques infusions, et le rassura. Il ne s'agissait que d'un mal dû à leurs conditions de vie. L'hiver avait été rude, et il n'avait pas pu manger de fruits ou de légumes durant un moment. Il avait commencé à perdre deux dents et ses gencives saignaient. Elle se débrouilla pour aller faire chercher des choux et des citrons, ainsi que quelques fruits confits. Ils étaient si rares en cette période et si chers qu'elle dû sacrifier quelques économies pour envoyer son frère en chercher aux villages voisins.

"Si vous continuez à lui donner ça, il se rétablira doucement. Je crois être arrivé à temps, tout de même. Mais, vous aussi faites attention à vous."

Le soir tombait lentement. Elle ne racontait ses aventures qu'à demi-mot, détournant subtilement ses "exploits" en évitant de mentionner les Mercenaires. Puis le père s'exclama :
"Thalys !! Il faut que l'on aille à la Taverne ! Rosie serait tellement contente de te revoir !!"

Alors, le père, le frère et la sœur se dirigèrent vers chez Rosie. Nehaïa était un petit village, et tous se connaissaient, et certains furent surpris de voir la fille Answald revenir.
Puis ils entrèrent.

La grosse dame était là, devant eux. Thalys avait oublié le détail qui l'avait perturbée plusieurs années de cela auparavant... L'alliance de Rosie était un anneau en Istal. Lui montrant discrètement sa main en arrivant, elles eurent un sourire complice et Rosie ne lui demanda pas pourquoi elle était partie. Sûrement avait-elle compris.

La journée était passée si vite...

Rosie s'épongea le front, et hurla a tue-tête :
"Léooooo !!!! Viens un peu m'aider à la cuisine !! Ton grand-père est trop fatigué, y va dormir c'soir !!! Et dépêch'toi !!!"

Le fils ainé, appelé Léopold, comme son "grand-père adoptif" accouru. Il n'était pas une seule personne qui rechignait à obéir à Rosie, non... Surtout ses enfants... On avait peur de se prendre une torgnole à coup de torchon sinon !
Mine de rien, un torchon trempé, et roulé en boudin, ça fait mal !!

Le jeune garçon qui avait dix ans maintenant s'attela à la tâche, non sans rechigner. Mais c'était pas comme si elle le faisait travailler dur, non. Elle lui demandait simplement de petites tâches pour la dépanner, comme trier les couteaux par ordre de taille, et ranger les couverts propres à leur place.
Pour Rosie, un enfant ne doit pas travailler dur comme un adulte !
D'aussi loin qu'elle s'en souvint, elle eut la chance d'apprendre un peu à lire, mais surtout à bien compter, alors, elle préférait leur enseigner.
Et oui, faut bien ça pour d'venir tavernier !

Alors, les soir où il n'y avait que peu de monde, elle apprenait les bases rudimentaires qu'elle avait à ses enfants. C'était pas donné, d'savoir lire et écrire, mais dans ces métiers là, savoir lire une enseigne et compter ses sous, c'est important !
En fait, dans le village il y avait toujours eu un précepteur. Les gens pas trop pauvres pouvaient faire apprendre à lire à leurs p'tiots. Mais contre rémunération, pour tout vous dire, z'étaient donc pas bien nombreux ! C'était très rare, des gens de leur condition qui savaient lire, même si ce n'était qu'en décryptant difficilement les syllabes.

"Mon...si...eur... Ju...li...en..." lisait Rosie pour savoir qui lui devait de l'argent. Ses enfants lisaient tout "aussi bien" qu'elle. C'était simplement suffisant pour les tableaux des dettes. Après tout, ils n'étaient pas aussi aisés que le forgeron d'à côté, réputé dans toutes les Collines pour son travail et dont les enfants auraient pu devenir érudits ou même précepteurs !

Le temps passait, et Rosie, de son énergie débordante et même carrément ennuyante pour toute la maisonnée, s'affairait, ici, là, repassait encore à cet endroit, tournait, virait, nettoyait, rangeait, comptait la caisse, triait ! Pendant que le petit garçon triait toujours ses couteaux.
Léo faisait attention, oui, un jour il s'était coupé ! Il avait quatre ou cinq ans, et s'était fait une petite balafre sur le bout du doigt... Rien de bien méchant mais vous savez des fois, l'en faut peu pour traumatiser un marmot !
Et les autres enfants jouaient. Louise et son jumeau Lauric, 4 ans, Lilas, 3ans, et la petite dernière Louison, 6 mois et 3 jours !

Entre autre, la lubie de Rosie quand elle avait eu ses amours était de leur donner à TOUS un prénom en L, depuis qu'elle avait appelé le premier comme son grand père. Elle ne sait pas pourquoi, elle dit juste que c'est parce que c'est joli.
Rosie n'est pas une femme simplette, n'en croyez pas ses manières des fois surprenante. Elle n'est pas une femme de lettres, mais elle est très cultivée dans son domaine ! Elle semble parfois dans un autre monde, mais c'est juste l'impression qu'elle vous donnera pour qu'on ne lui pose pas trop de questions.

Parce que Rosie sait tout, et sur tout le monde. Elle est comme ça. Tout le monde lui parle, après tout, ce n'est pas sa faute si elle a un caractère de deuxième maman de tout le monde. Et pour ne pas que l'on vienne se mêler et faire de potins, elle fait semblant de pas vous entendre, cette bonne dame. Ou alors elle changera de conversation, ou fera semblant d'être trop occupée ou dans la lune.

C'est aussi une technique imparable pour faire croire aux gens mal intentionnés qu'on peut se laisser plumer ! Mais à chaque fois s'en ressortent quelques os cassés par ses poêlons et autres injures grasses et ignobles sorties de ses lèvres charnues toutes roses.
Et donc ce soir, comme tous les soirs, on se prépare, les premiers clients arrivent, Bertrand et Rosie vont coucher les enfants et Léopold, qui est un peu plus grand reste avec grand-maman !

Ce soir, c'est ragoût d'agneau ! Quelques patates, quelques carottes, quelques navets, et du bon agneau de lait bien gras !
Le plat est un peu plus cher que d'habitude, mais les habitués savent que la viande ça se paye ! Et de toute manière chez elle, c'est toujours bon ! Alors un petit écart de temps en temps...
Alors qu'elle s'affaire de nouveaux clients entrent... Et la Rosie reste stupéfaite. La petite du forgeron !! Elle était partie quand elle avait quoi... Tout juste 16 ans et les joues aussi fraîches que des pétales de rose ? Mais alors elle surprend la jeune femme fixer son anneau, puis lui montrer discrètement... Le sien

*Elle aussi ? Et ben la p'tiote !! Sacré p'tit bout !* Pensa-t-elle, se demandant comment une fille si petite, si mignonnette et si fine avait pu survivre à l'aventure, et certainement seule comme la plupart des Mercenaires, tout ce temps.
Puis elle lui sourit, leur secret échangé sans un mot, sans un soupir. Elle s'avance vers eux et lance.

"Et ben ma p'tite ! Ça fait-y longtemps qu'on t'as pas vu dans l'coin !! T'as dû aller loin ! Ce soir c'est ragoût ! J'vous apporte de l'hypocras dont vous m'direz des nouvelles."

Avant même que la jeune femme n'aie pu prononcer un mot, d'ailleurs la tavernière ne savait pas si cela allait être un refus ou un acquiessement, elle ajouta :
"Té, té té té té ! Vous allez gouter mon hypocras ma belle ça vous donnera du rose au joues vous êtes pâle comme un cul !"

Cela faisait un moment qu'aucune mission n'avait été confiée à Alderic, les mercenaires n'étaient plus aussi actif aujourd'hui. Alderic décida donc de profiter de ce temps de creux pour retourner au domaine à la frontière entre Ellandy et Alsaria. Sa mère, Aisleen y avait laissé des consignes si il y passait, se rendre dans les collines pour y chercher de nouveaux chevaux pour l'élevage où il ne restait qu'un seul cheval de trait. C'est donc après plusieurs semaines de route à travers tout Alsaria que le jeune homme arriva dans un lieu qui lui était désormais familier. De vastes collines verdoyantes s'étendaient à perte de vue devant lui. C'est parmis cet univers verdoyant que se trouve éparpillés quelques hameaux et villages et des troupeaux de chevaux sauvages vivaient. Le jeune homme installa un campement à flanc de colline, à l'abri du vent, pour passer la nuit avant de partir véritablement à la recherche de ces fameux chevaux. C'est au levé du soleil que Alderic parti dans les collines, où il fini à repérer un troupeau sauvage qu'il pista toute la journée et ce n'est qu'au bout de quatre jours de traque qu'il réussi à capturer les cinq magnifiques chevaux qu'il lui fallait, trois belles juments et deux fiers étalons. Après s'être assuré qu'ils étaient solidement attachés Alderic pris le chemin du retour et en fin de journée le mercenaire arriva en haut d'une colline d'où il vit les toits de chaume d'un petit village, d'où sortait une fine trainé de fumée. Il décida de s'y rendre avant de continuer vers le domaine et d'entreprendre le dressage.

Quand il entra dans le village les gens le dévisagèrent comme si il était le premier étranger à venir ici. Il continua au pas dans ce village isolé à la recherche d'une auberge, d'une taverne pour finir cette journée dans une pinte de bière et un bon repas. n'ayant pas la patience de chercher cette auberge il fit halte et, se penchant en avant, demanda des renseignement à une petite fille aux joues et aux mains pleine de terre qui jouait avec une amie à elle

- Petite. Dit moi, y a t'il une une auberge ou une taverne dans ton village ? Alderic avait posé sa question d'un ton qu'il voulait amusé et chaleureux

L'enfant regarda le mercenaire avec de grands yeux étonnés, étonnée de le voir s'adresser à elle. Elle resta muette, le visage légèrement penché sur le côté, fixant Le jeune homme encapuchonné. Alderic était amusé de sa réaction.

- Petite ? Je ne vais pas te manger ma jolie. Alors ... tu sais si il y a une auberge ici ? essaya t'il de dire d'un ton doux.

- Oui m'sieur ! Là bas au bout d'la p'tite route avant la sortie du village m'sieur. Dit elle en riant. Puis elle partie en courant.

Il reprit la route et un peut plus loin il repéra l'enseigne d'une taverne, arrêta les chevaux, mis pied à terre, et les attacha tout les six à un poteau de bois massif avant d'entrer dans la taverne. A peine Alderic poussa il la porte en chêne de l'établissement qu'il reconnu une voix, pour l'avoir déjà entendu au repaire, celle d'une mercenaire.

*Mais que fait elle ici ? Thalys à une mission dans ce village perdu ?*

Le mercenaire décida de ne pas relever son capuchon en entrant, il s'avança entre les tables de l'auberge, le visage caché dans l'ombre de son capuchon, et ne jeta qu'un rapide coup d'œil vers la patronne et Thalys qui paraissaient en pleine retrouvailles. Un jeune garçon passa près de lui, il le stoppa en posant sa main sur son épaule et passa rapidement commande d'une bière et d'une soupe. Une fois assit à une table dans un coin sombre de la taverne il pouvait se détendre de sa dure journée et observer la scène de retrouvailles entre Thalys et la patronne.

"Et ben ma p'tite ! Ça fait-y longtemps qu'on t'as pas vu dans l'coin !! T'as dû aller loin ! Ce soir c'est ragoût ! J'vous apporte de l'hypocras dont vous m'direz des nouvelles."

Mais avant que la jeune Mercenaire aie pu lever la main et signifier un "non" catégorique, la grosse dondon lança :

"Té, té té té té ! Vous allez gouter mon hypocras ma belle ça vous donnera du rose au joues vous êtes pâle comme un cul !"

Thalys resta interdite... Et son père, son frère, et quelques clients rirent discrètement. Quant à elle, elle tourna la tête, vexée, une moue boudeuse s'affichant sur ses lèvres.

"Rosie, je vais t'aider à tout apporter... J'insiste."

Lui dit-elle d'un coup, la regardant d'un air déterminé. Puis elle se dirigea vers la cuisine. Absolument vide, et dit tout bas.

"Rosie... Le roi de Dinak traque les possesseurs de la bague en Istal... Il va falloir que tu la caches le plus souvent possible et que tu fasses passer le mot à tous ceux que tu croiseras. Nous sommes désormais divisés, nous ne pouvons plus nous reconnaître. C'est trop dangereux, il faut que nous attendions une invective des dominantes, qui n'est pas encore venue. Pour ceux que tu reconnaîtras, et qui te connaîtrons, je pense que discrètement indiquer l'endroit où fut la bague peut être une bonne idée, sachant que personne ne la porte au même endroit... Cou, doigt, poche, fait passer le mot. Il ne faut plus la laisser apparente. Juste la suggérer. Ceux qui ne comprendrons pas, ne pourrons pas deviner. Et vu les endroits divers où elle peut se trouver seuls les Mercenaires se reconnaîtrons."

Puis elle disparu dans la salle commune, les choppes d'hypocras dans les mains.
Discutant longuement avec son père, et son frère, elle se sentie épiée, et vit du coin de l'œil une silhouette sombre qu'elle reconnu par son anneau. Elle lui montra discrètement le sien, puis l'ôta, sans un mot, et lui montra l'index maintenant à nu.

"C'est comme ça, maintenant. Le signe. Dinak, danger." Articula-t-elle sans un mot pour qu'il lise sur ses lèvres.

Et elle continua à parler, sans que sa famille n'aie notifié son charabia silencieux.
Si le Mercenaire n'avait pas compris, il viendrait discrètement la voir plus tard, pensait-elle. Peut être notifierait-il aussi l'absence de l'"alliance" de la tavernière.

Des hommes derrière l'encapuchonné, qu'elle n'avait pas remarqué, retirèrent, pour ceux qui l'avaient à la main, des bagues que thalys n'avait pas vues, et l'un d'eux rentra son bijou d'istal sous sa chemise. Le message n'était pas destiné à eux, mais ils étaient Mercenaires... Ils avaient donc compris.

"Faites passer" Articula-t-elle à nouveau, entre deux conversations.

Les hommes, assez âgés, inclinèrent légèrement la tête en signe de compréhension mutuelle.

Toute cette histoire était si compliquée...
Et la soirée passa, une soirée joviale, amusante. Un bol d'air frais, pour la jeune femme. Un bol d'air frais qui la déchargeait un peu de tout ce qu'elle savait, de ces sombres nouvelles qui la hantaient et qu'elle se devait de transporter.

Rosie était affairée. Rien de bien exceptionnel pour cette soirée de semaine, mais la bonne humeur était au rendez-vous. Prenant toutes ses commandes au fur et à mesure, elle apportait les hydromels, hypocras et cervoises demandées, continuant de laisser mijoter son ragout.

"Mamaaaaaaaaan, y'a un monsieur avec une capuche qui d'mande une bière et une soupe !
-Une soupe, UNE SOUPE ?... Mais c't'un abruti ou quoi ? J'fais pas un m'nu à la carte moi !... C'soir c'est ragout ou tourte bourbonnaise qu'j'ai dit !...
-Mais maman... T'avait fait de la soupe pour papy...
-Euh... ouais, ouais, c'est ça... Va voir mamy tu veux ! Allez oust !"

Termina-t-elle avant de lui donner un petit coup de torchon significatif.
Une soupe... Une soupe... Avec ce qu'elle avait préparé on lui demandait une soupe ?? Sacrebleu ! Sacrilège !
Elle sortit la petite marmite posée au fond de l'âtre qui servait de réchaud, et se brûla. Elle bougonna, râla toute seule dans sa cuisine, pour finalement servir une large et profonde assiette du mouliné de carottes et de pommes de terres mijotées dans le bouillon du "RAGOUT" qu'elle avait fait pour Léopold "l'ancien".

Bah oué, il était encore en vie à son âge ! 55 ans mais plus toutes ses dents l'pauvre vieux !... Alors y mangeais que d'la soupe avec du pain mouillé l'pauvre...

*Bon l'emmerdeur a d'la chance... Y'en a assez pour mamy, pour pépé, pour Léo, et pour lui...* se dit Rosie, toujours en ronchonnant.

La bière fut tirée du tonneau du fond de la cave, dans une grande choppe de près d'un litron, puis la soupe amenée à "l'encapuchonné".
Alors qu'elle avançait, elle reconnu l'anneau en Istal. Les bonshommes derrière lui les avaient enlevé...
Elle lui souffla : "Beh qu'est-ce t'as rien compris alors qu'eux derrière ils ont fait ?... Elle t'a pas expliqué la p'tite dame ? Va la voir après, elle t'expliqu'ra... Fait juste gaffe elle a jamais été commode même avec ses cousins et les marmots du village... M'enfin, si elle t'pète quelques dents ça pourra justifier qu'tu d'mandes une soupe ! J'vais t-y t'dire mon coco, la soupe c'pour les vieux qu'ont plus d'dent !!!! Pas pour les gaillards comme toi !"

Lui dit-elle, contrariée qu'il n'aie pas voulu goûter à son plat... Et pis après tout même si la "fillette" avait jamais pété de dents à personne... Elle était quand même pas commode... Autant qu'elle se venge de ce mauvais client qui voulait même pas d'sa spécialité... Puis, attendant on ne sait trop quoi, elle assit son gros derrière sur le rebord de la table de l'homme sous sa capuche, lui disant tout bas.

"J'vais t'dire moi en plus c'pas très poli d'pas montrer sa tête, m'enfin t'fais comme tu veux... Ici au moins les trois quart des gens qu'sont là savent qui t'es... Enfin... T'm'as compris hein. Ici, j'sais pas si t'as r'marqué... C't'un relais. Pas une vulgaire taverne d'pochtrons. On s'tient au s'cret, et les gens qu'viennent ici qu'sont pas des not' sont qu'les villageois et y cherchent pas à comprendr'. T'm'as suivi ? J'sais pas comment t't'es r'trouvé là mais t'as eu d'la veine mon gars !"

Puis, se disant qu'elle avait suffisamment parlé, elle repartit en cuisine, et servir d'autres clients.

La grosse rosie s'avança vers Alderic avec une assiette de soupe et une chopine de bière pleine. Arrivée à sa hauteur elle posa, ou plutôt jetta négligemment le repas devant lui et lui dit: "Beh qu'est-ce t'as rien compris alors qu'eux derrière ils ont fait ?... Elle t'a pas expliqué la p'tite dame ? Va la voir après, elle t'expliqu'ra... Fait juste gaffe elle a jamais été commode même avec ses cousins et les marmots du village... M'enfin, si elle t'pète quelques dents ça pourra justifier qu'tu d'mandes une soupe ! J'vais t-y t'dire mon coco, la soupe c'pour les vieux qu'ont plus d'dent !!!! Pas pour les gaillards comme toi !"

D'abord le mercenaire fut très surpris et étonné par ce que le tavernière venait de lui souffler, il ne comprit pas immédiatement ce qu'elle voulait dire et c'est seulement après avoir regardé rapidement autour de lui qu'il se rendit compte que plusieurs autres mercenaires étaient présents.

- Ah ... je n'ai jamais été très doué pour lire sur les lèvres et l'infiltration en général et je n'ai pas compris ce que la "p'tite dame" a voulu me dire. J'irais la voir plus tard, lorsque l'endroit sera plus calme. Alderic avait dit ça avec un air soucieux. Et ... la soupe c'est parce que ce soir je mange léger.

La patronne s'assit sur la table et rajouta: "J'vais t'dire moi en plus c'pas très poli d'pas montrer sa tête, m'enfin t'fais comme tu veux... Ici au moins les trois quart des gens qu'sont là savent qui t'es... Enfin... T'm'as compris hein. Ici, j'sais pas si t'as r'marqué... C't'un relais. Pas une vulgaire taverne d'pochtrons. On s'tient au s'cret, et les gens qu'viennent ici qu'sont pas des not' sont qu'les villageois et y cherchent pas à comprendr'. T'm'as suivi ? J'sais pas comment t't'es r'trouvé là mais t'as eu d'la veine mon gars !"

Alderic retira son capuchon, libérant ses cheveux noirs emmêles, et afficha un grand et charmeur sourire à Rosie.

- Oui on peut dire que j'ai eu du bol, c'est la première fois que je viens ici, c'est bizarre, je n'avais jamais entendu parler de cette auberge. Mais je reviendrais un de ces jours, histoire de gouter à la cuisine qui sent si bon. Promis, mais pour l'instant je me contenterais de ma soupe. Il avait dit ça et rigolant, amusé par la patronne et la bêtise qu'il devait refléter à se cacher dans un relai.

Alderic prit son temps pour finir son repas et resta encore assit quelques temps en attendant que l'auberge se vide un peu et que Thalys soit libre. Autour de lui un groupe de mercenaires chantaient et riaient à une table sur laquelle on pouvait voir une demi-douzaine de chopines ou de verres plus ou moins remplis. Il y avait aussi deux villageois qui jouaient aux dés, le petit garçon de tout à l'heure qui essuyait les tables et Rosie qui lavait ses verres. Plus tard il put voir la famille de Thalys quitter l'auberge et rentrer chez elle. Le jeune mercenaire en profita donc, il se leva et marcha entre les tables jusqu'à celle où la mercenaire.

*Bon alors t'après Rosie il va faloir la prendre dans le sens du poil la Thalys ... on va essayer. *

- Bonsoir Thalys, oui tu ne me connais surement pas mais ... Alderic montra son index droit où se trouvait son anneau. Moi je te connais, enfin de nom. Tu m'excusera mais je n'ai pas saisi ce que tu voulais dire tout à l'heure et je ne voulait pas te déranger quand ta famille était encore là. C'est quoi le problème alors ? Il faut enlever les anneaux ?! Pourquoi ? Comment le secret à t'il été découvert ? Va y explique moi tout.

Intrusion.

Les sourcils de Thalys se froncèrent. Il n’avait pas compris, passait encore... Il connaissait son nom et la tutoyait. Il parlait simplement trop...
De longs cheveux noirs, un regard bleu, et un sourire radieux... Un ton cependant tout à fait poli.
Elle n'aimait pas les gens qui souriaient, ceux qui parlaient trop... Surtout en ces temps de crise. Comment pouvait-on afficher tant de naïveté apparente ? Être Mercenaire ne devait pas être pris à la légère !

Thalys prit une ample inspiration, tentant tant bien que mal d'adoucir les traits de son visage figé par l'anxiété et l'inquiétude, puis esquissa un demi-sourire forcé du coin de la lèvre. Malheureusement, la tentative fut rapidement avortée. La noirceur de son regard était déchirante. Le poids de ce qu'elle savait bien trop pesant.

De sa voix légèrement rauque elle murmura :
"Allons avec eux, je vais vous exposer les détails."

Même s'il n'y avait plus personne, elle avait prit l'habitude de faire attention. Ainsi, pour les nouvelles importantes, elle s'assurait toujours d'être entendue de seuls ses interlocuteurs.

Puis, elle lui fit signe de se lever, se dirigeant elle-même vers la poignée de Mercenaires qui restait. Et elle s’assit à leur table, coupant leur conversation, s'excusant vaguement.
Le petit garçon avait disparu, sûrement avait-il été envoyé au lit. Rosie n’était pas dans les parages... De toute manière elle était également au courant.

Elle chuchota :
« Dan Azirith est au fait de l’anneau en Istal. Il faut que les Mercenaires se fassent discret un moment vis à vis de ce signe distinctif. »

L’un des vieux Mercenaires la coupa :
« Comment est-ce possible ? Comment avez-vous eu cette nouvelle ?
-Une visite improvisée dans son château, duquel je n’ai failli pas revenir. Les dominantes sont au courant. Je reviens du repaire. »

Un autre s’exclama :
« Est-ce une information véritable ?
-J’ai vu cette missive de mes yeux.
-Attendez... C’est quoi cette histoire...
-Message envoyé indiquant l’état de recherches d’individus avec une bague d’un métal inconnu portant un symbole particulier. Ils n’en savent pas plus, mais c’est suffisant pour nous trouver. Je doute de la capacité de tous les Mercenaires à résister à la torture ou d'avoir prévu de quoi "oublier" ce qu'ils savaient. Il faut absolument passer le mot et se rendre invisible. Ceux qui ont vu mon anneau ont dû trépasser.
-Comment êtes-vous sortie ?
-Cheveux coupés, seins bandés, vêtements d’adolescent de noble lignée volés. Il faut absolument que vous fassiez passer le mot à ceux que vous rencontrerez, il faut qu'eux même passent le mot à ceux qu'ils rencontreront et que partout les Mercenaires sachent que Dan est sur nos traces... »

La froideur de Thalys et son ton était sans appel.

Noir messager...

Elle ne pouvait plus reculer. Regardant une dernière fois le jeune homme et les autres Mercenaires, elle s’éloigna et se mit à une table dans un recoin de la salle, sortant de sa bourse ses contenus médicinaux et ses poisons et s’affairant tranquillement à quelques mélanges...
Besoin de se détendre, de penser à d’autres choses. Occuper son esprit.

Oui on peut dire que j'ai eu du bol, c'est la première fois que je viens ici, c'est bizarre, je n'avais jamais entendu parler de cette auberge. Mais je reviendrais un de ces jours, histoire de gouter à la cuisine qui sent si bon. Promis, mais pour l'instant je me contenterais de ma soupe.

Le p'tit jeune riait. Ça f'sait du bien les gens qui riaient un peu, c'tait pas comme la p'tite du forgeron... Avant de s'éclipser en cuisine, elle ajouta, lui donnant un petit coup de coude dans l'épaule accompagné d'un clin d'œil.

"Allez, ça va pour c'te fois pour la soupe. Beau comme t'es comment tu veux que j'te bougonne dessus. Et p'tit gars, arrêt' de t'cacher la trogne. Si Bertrand il avait la même y s'rait bien content l'pauvre ! M'enfin il aurait trouvé une femme mieux qu'moi p'tête aussi !"

La grosse dame s'exclaffa. C'était vrai qu'le Bertrand l'était pas très beau avec ses dents tordues et son nez cassé. Mais l'était tellement gentil et serviable !

"Bon sur ce j'te laisse aller parler à la jolie p'tite dame qu'elle va t'expliquer GENTIMENT."

Elle insista lourdement en haussant la voix sur le gentiment... Elle l'avait connu de sa naissance à ses 16 ans, la Thalys, elle savait comment elle était à force... Pis à son avis, elle avait pas trop changé vu la gueule qu'elle tirait encore...

"Tinquiètes pas, elle mord pas, j'plaisantais pour les dents pétées."

Puis elle repartit en riant.
Oula, après cet'soirée fallait bien la nettoyer la cuisine...

Parce qu'la Rosie, elle cuisinait bien, mais elle en foutait partout aussi. Allez zou !
Et elle s'mit au travail.
Le temps passa, puis Léo arriva en panique...

"M'man, m'man !!!!"
Dit-il en tirant sur ses jupons.
"Quoi ?? J'suis occupée !!!
-Y'a des gens bizarre à côté, dehors...
-Qué ?"

Rosie prit deux énorme poêlons, un dans chaque main et se dirigea dans la salle commune, voyant les hommes discuter entre eux, et la p'tite rangeant ses machins.

"Les loupiauts... J'crois on a d'la visite..."

Rosie avança vers la porte, mais celle-ci s'ouvrit dans un fracas. Elle se retrouva avec la pointe d'une bâtarde devant les yeux, et lâcha ses poêlon, levant les mains. Bah ouais, taper avec les poêlons elle savait... Mais les armes... Ils étaient sept devant elle, sur le pas de la porte. Et la Rosie, elle f'sait pas l'poids. Elle pouvait même pas se retourner pour dire aux aut' d'attaquer... De faire quelque chose, ils l'auraient estourbie...

Elle pensait bien qu'elle avait les pieds dans la merde comme le plus con des coqs...

"Allez, ça va pour c'te fois pour la soupe. Beau comme t'es comment tu veux que j'te bougonne dessus. Et p'tit gars, arrêt' de t'cacher la trogne. Si Bertrand il avait la même y s'rait bien content l'pauvre ! M'enfin il aurait trouvé une femme mieux qu'moi p'tête aussi !"
Les compliments de Rosie faisaient sourire Alderic, ses yeux pétillèrent et un rire franc lui échappa. Décidément cette Rosie ... Il l'aimait vraiment beaucoup.

*Quelle joie de vivre, ça fait du bien.*

Il alla ensuite voir Thalys à sa table, elle lui fit signe de la suivre et ils s'installèrent à une table occupée par des mercenaires qui cessèrent alors tout leur chants et leur rires et reprirent un air sérieux. La présence de Thalys imposait un certain respect. Elle expliqua alors les nouvelles directives, ne plus porter son anneau, le cacher car Dan Azirith est désormais à notre recherche, il nous traque, la vie va désormais être plus rude pour les mercenaires. Après sa brève allocution Thalys retourna dans un coin de la salle, aspirant sans doute à la tranquillité, mais c'était sans compter la curiosité du jeune mercenaire et par dessus tout sa tendance à tenter de charmer les jeunes filles. Car il faut l'avouer, Thalys, au delà de son apparente froideur est une jeune femme charmante. Alderic se leva donc et abandonna la table des mercenaires pour aller rejoindre la belle Thalys. En approchant il remarqua qu'elle l'avait vue et il devina qu'elle était déjà agacé par sa présence.

* Elle est vraiment magnifique ... une mercenaire ... une mercenaire froide mais une magnifique mercenaire.*

Il arriva à sa table, prit une chaise et s'assit à ses côtés. Il perçu son souffle, embêtée qu'il vienne la voir.

- Salut, ou plutôt re-salut, alors comme ça tu es une utilisatrice de poison ? Aussi belle que dangereuse.

Pour ces paroles Alderic eu droit à un regard glacial au possible, mais ce jeu l'amusait et il avait envi de mieux connaitre cette jeune femme, elle intéressait beaucoup, au delà même du physique, sa personnalité était fascinante il devinait que sa froideur était en fait une armure de glace qui dissimule sans doute quelqu'un de bien plus chaleureux. Il voulait découvrir la Thalys sous la glace, même si s'était probablement peine perdue.

- Dis moi ... en dehors de ta vie de mercenaire, que fait tu ? Et ne me dis pas qu'il n'y a pas de vie quand on est mercenaire.

Les yeux du mercenaires étaient plongés dans le regard dur et rougeoyant de Thalys, attendant de voir si elle allait lui répondre. Pendant ce temps Rosie avait une épée pointée sur sa gorge "On bouge pas grosse dame, on va s'amuser un peu ici AH AH AH ! On va voler et p'être ben violer quelques jeunes damoiselles dans c' village, ça va être marrant tu va voir AH AH AH !" Le brigant à la bouche édentée et à l'haleine fétide riait d'un rire gras qui, ajouté au son résonant des poêlons qui heurtent le sol, fit que Thalys, Alderic et tout les autres mercenaires se tournèrent vers l'entrée de la taverne. Tous posèrent leur mains sur le pommeau de leur arme mais seul Thalys se leva et marcha vers les intrus. Tous regardaient, un sourire aux lèvres, les mercenaires et les brigands, mais pas pour les mêmes raisons.

Intrusion... Seconde salve...

Voilà que le jeune homme lui parlait encore. Attaquant sans vergogne le cercle vital et ô combien clos de Thalys...
Elle tentait en vain de détourner ses yeux, regardant ses poudres et plantes, elle se heurtait à cette impression d'être épiée -car c'était visiblement le cas- et revenait irrémédiablement à fixer froidement le Mercenaire, pour à nouveau tenter de s'échapper en terminant son office.

- Dis moi ... en dehors de ta vie de mercenaire, que fait tu ? Et ne me dis pas qu'il n'y a pas de vie quand on est mercenaire.

Sa langue claqua, comme de contrariété, et elle rangea soigneusement les plantes qu'elle n'avait pas encore réellement sorti de sa bourse... Apparemment, elle n'allait pas être tranquille. Elle inspira d'un coup, puis soupira, ou même souffla presque et dit :
"Je suis soigneur, et apothicaire. Mais il n'y a pas d'autre vie, quand on est mercenaire..."

Soudain, ils furent coupés par Rosie qui leur annonçait... "une visite", et qui armée de ses deux poêlons, fut en un instant menacée d'une épée alors que la porte avait été brutalement ouverte.

Stratégie...
Il ne fallait qu'aucun ne bouge... Surtout pas un homme... Elle vit alors le Mercenaire tourner la tête et lui donna un léger coup de pied. Il ne fallait en aucun cas que ceux derrière ne bougent aussi, mais elle n'avait aucun moyen de les prévenir.
La puanteur de ces brigands était insoutenable, même pour l'immense salle commune... Que venaient faire ces raclures ici ? C'était un petit village... Il n'y avait aucun trésor, ni même beaucoup de nourriture à piller si ce n'était dans le garde manger de la grosse tavernière...

Encore une de ses inspirations bruyantes.

Elle se leva, ses dagues coincées à l'arrière de la ceinture qui tenait sa jupe ample, et leva les mains, se dirigeant vers les affreux.
Accepter sa condition de femme... Encore une fois. A cause d'hommes comme eux...

Ils ricanèrent devant l'inconsciente qui se dirigeait vers eux, en soumission totale... Comme pour dire innocemment "ne me faites pas de mal"...
Devoir en jouer, encore une fois.

Foutue féminité.

Mais lorsque la Mercenaire arriva au niveau de Rosie, elle sourit, simplement. D'un large sourire...
Puis son expression retomba aussi fatalement que son bras qui, a une vitesse incroyable avait saisi ses deux dagues, puis tranché la main armée du bandit qui tenait la tavernière en respect.
Il regarda sa main, hagard, puis ses yeux se posèrent sur le visage d'or et de marbre sur lequel apparaissait une trainée de perles de sang.

***

"Thalys, tu es une femme, et malheureusement tu n'auras jamais la force d'un homme. Je t'ai pris comme apprenti pour tes capacités et ton ouverture d'esprit mais... Tu n'auras jamais sa capacité à porter de lourdes armes, ni de pouvoir te défendre au corps à corps une fois désarmée... La seule chose que je puisse t'apprendre est d'aller plus vite que le vent, d'être plus rapide qu'un loup."

L'apprenti ne pouvait rien y faire... Elle était ainsi, elle était femme et doté de tous les attributs qui faisaient d'elle une femme... Sa taille était petite, son corps mince, sa force quasi inexistante...

Se soumettre à un homme, c'est se soumettre à son statut.

"Calim, enseigne-moi ce que tu sais..."

***

Une gorge rendue béante sans un bruit. Puis. Tout s'accéléra.
Les vieux Mercenaires sautèrent sur les autres, envoyant leurs lames, leurs coups, dansant tels des prédateurs.
Et Thalys resta là, avec Rosie.
Ce même regard figé sur le spectacle droit devant elle.
Ce même regard figé au sol, sur l'énième vie qu'elle avait volé.

***

"Thalys, considère ce que je vais t'apprendre comme un équilibre de la vie. Tu prendras des vies, et tu en sauveras. Ton cœur pourra alors se consoler d'éliminer le mauvais pour secourir le juste."

***

Puis en un instant, il n'y eu plus un bruit. Plus un mouvement.
Chacun avait cessé d'entrechoquer ses armes. Des brigands contre des élites entrainées... Combat inégal et injuste.
Mais l'équilibre se préservait, ainsi.

La Tavernière soupira, esquissant une grimace illustrant à merveille contrariété et soulagement...
Elle gueula :

"La bande de p'tits fot-en-cul !!!!!! Mordiable !!!! Bien fait pour vous bande d'chiabrenas !!!!!!! MERDAILLE !!!
-Allons allons, c'est bon, on va vous aider à nettoyer tout ça. " Lui dit gentiment l'un des vieux Mercenaires, assez amusé des insultes proférées à tout va par la rousse.
"Oué beh y'a intérêt ! J'vais pas m'farcir ça toute seule moi hein... Z'aviez qu'à les sortir d'l'auberge pour les tuer ! Thalys, toi j't'y laisse aller voir mes marmots à côté et les vieux et leur dire c'qui s'est passé et d'pas s'inquiéter. Tu s'ras pas utile pour porter ces pendards..."

Elle constata les dégâts, regardant la dépouille du premier tué, les plaies impeccablement lisses.
Puis, elle se retourna sur la jeune femme d'un coup et tiqua :

"Thalys... T'y as souris ou j'ai rêvé ? T'sais t'fais peur des fois toi... hein..."

Puis elle et Bertrand s'attelèrent à l'escorte des cadavres avec les autres hommes, un peu plus loin, à la sortie du village non loin de la taverne.
Ils mirent un moment à creuser, et enterrer les corps, elle n'en pouvait plus.

*Et dire qu'va falloir que nettoie l'auberge après...* Elle commençait à être totalement déprimée. M'enfin... Après tout valait mieux ça qu'êt' à leur place dans un trou, hein... Pis franch'ment, c'était journée bénie... Des fois y'avait pas autant d'Mercenaires dans l'auberge... Et sincèr'ment, ça aurait pu très mal s'passer...
Elle soupira, soulagée de savoir ses enfants et ses parents sains et saufs. Mais la bande de malpensifs n'avaient eu que c'qu'ils méritaient !!!
Toutefois, les taverniers et les Mercenaires restèrent quelques minutes, silencieux, devant les tombes improvisées qu'ils avaient dissimulé en aplanissant le sol et en y mettant quelques branches et herbes, cailloux et gravillons.

La mort, fallait pas la prendre à la légère. Tant bien malintentionné qu'on était...

Enfin, ils purent rentrer. Il fallait absolument faire disparaitre toute trace de ce qu'il s'était passé. Mais en arrivant, il n'y avait déjà plus une trace. La grand mère, en totale forme, avait d'jà tout récuré... Faut dire... Ils avaient mis au moins une heure et d'mi.

"Vous en avez mis du temps là !! Cet' bande de malhardi a eu que c'qu'elle méritait !!! Z'en voulaient à not' grain ???"
Au moins, on savait d'qui Rosie t'nait son caractère...
Puis la femme un peu âgée remonta, ronchonnant sur l'heure pas forcément tardive pour les 'jeunes' mais tardive pour elle.

Et en y réfléchissant, il n'était en effet pas tôt.
Rosie invita la jeune femme à rester. La forge était de l'autre côté du village, et pis elle lui d'vait bien ça.

"Bon c'soir les gens c'est moi qui invite... On a eu chaud au derrière..."

*****

Le lendemain la vie reprenait tranquillement son cours. Très tôt, Rosie se leva pour aller au puits, avec Bertrand.
M'sieur Roger était v'nu lui amener des patates, des choux et d'la salade.

Elle réfléchissait à ce qu'elle pouvait bien préparer, aujourd'hui.

Assit à sa table Alderic regardait la scène qui se déroulait à l'entrée de l'auberge, sa main posée sur le pommeau de son épée. Tout d'un coup Thalys passa à l'action et trancha la main de l'homme qui menaçait Rosie. La main, serrant encore une épée tomba au sol et se vidait de ses dernières goutes de sang tandis que son propriétaire gisait au sol, recroquevillé et hurlant de douleur, serrant dans sa main valide son moignon sanguinolent. Rosie n'étant plus menacée, les vieux mercenaires se jetterent sur les brigands restant pour protéger Thalys et la patronne, ou plutôt pour finir le boulot. Alderic lui aussi bondit, sur les vauriens dont l'un d'entre eux lui faisait déjà face,un air glacial et funeste venait d'apparaitre sur son visage. Il n'eut pas le temps dégainer totalement sa lame et se servit donc du pommeau pour heurter le ventre de son opposant. Ce dernier se plia en deux de douleur et étouffa un cri. Alderic l'acheva alors en abattant sa lame sur sa nuque tandis qu'un nouvel attaquant apparut sur son côté, il para son attaque, le désarma d'un coup sur le poignet, qui se brisa, puis enfonça son épée dans le cœur de son ennemi qui s'effondra au sol sans un bruit.

* Encore un ... encore une mort. *

Pendant ce temps les vieux mercenaires s'étaient débarrassés de ses opposants sans difficultés et surtout sans dommages. Après avoir essuyé sa lame avec attention Alderic alla voir Rosie et Thalys pour s'assurer de leur santé.

- Rosie ? Vous allez bien, vous n'ête pas blessé ? Alderic avait fait disparaitre son air glacial destiné aux situations sérieuses et avait retrouvé son sourire charmeur et son air chaleureux.

- Thalys, tu as été ... incroyable, je suis impressionné, tu fait une mercenaire talentueuse. Il se tourna de nouveau vers Rosie. Bon, Rosie, nous on va faire le ménage, on s'en voudrait si on te causait des ennuis. Puis il se retourna et saisi un cadavre qu'il traina jusqu'à la sortie du village où ils commencèrent à creuser les tombes pour les défunts brigands. Après plus d'une heure et demi de dur labeur, les tombes, à présent occupés, furent rebouchées et camouflées. Tous restèrent debout en silence devant les tombes, non pas par respect de la vie de ces hommes mais par respect pour la vie en général, La Vie.

* De nature à nature ... Chacun son heure, c'était la votre. *

En rentrant à l'auberge il ne trouva pas Thalys et considéra qu'il avait déjà bien insisté et qu'il allait la laisser tranquille pour ce soir. Il sortit et alla chercher les chevaux et les emmena dans la grange à l'arrirère de l'établissement pour les loger et les nourrir. Les chevaux sauvages restèrent dans un coin, refusant de manger et Alderic décida de commencer leur dressage et de passer la nuit dans cette grange pour qu'ils s'habituent à sa présence et à la présence les hommes.

Après une nuit plutôt réparatrice, du moins, plus que de dormir à la belle étoile sur un matelas de terre et d'herbe, la jeune demoiselle s'étira. Elle descendit, demandant à Rosie de l'eau pour se faire une toilette, et prit au passage une part de tarte à la rhubarbe.
Après s'être lavée, elle descendit et sortit. Il était très tôt, le soleil venait à peine de poindre au ras des collines, et une légère brume bleutée avait envahie le paysage.
Une odeur d'herbe mouillée, de fougères, d'humidité. L'odeur de son village natal au matin.

Se dirigeant à l'aveuglette pour promener, elle tomba face à la grange des taverniers. Elle entendit des bruits de sabot, de brutaux souffles.
Il y avait une petite porte, coupée en deux, sur le côté de la grange. Prudente, elle ouvrit le battant du haut.
Quelques chevaux se trouvaient là. Elle sourit doucement, les chevaux, créatures du seigneur... Grâce et élégance. Loyauté. Tellement mieux que les humains au fond. Ceci dit, ils avaient l'air tout de même encore très sauvages, vu leur agitation...
Qui avait bien pu les amener là ? L'un des vieux Mercenaires ? Certainement pas la Rosie ni son mari...

Mais alors qu'elle allait retourner à ses occupations, elle aperçu le jeune Mercenaire, dans le foin. Il dormait.
Elle souleva un sourcil circonspect. On lui offrait le gîte et le couvert, cet abruti restait dans le foin...

Thalys se rappelait de son "éloge" d'hier... Talentueuse ?... Vraiment... Qui pouvait-elle bien vraiment impressionner avec sa seule rapidité comme aptitude...

Peut être les Mercenaires, pour certains, avaient confiance en eux et faisaient autant d'éloge en attendant la pareille en retour... ?
Peut être cette jeune femme n'avait juste aucun sens des réalités ni ne croyait en la sincérité d'autrui.

Elle n'avait tout simplement pas confiance en elle. Et d'ailleurs avait au moins encore moins confiance en les autres... Mais après tout. A quoi bon se lamenter d'être "faible" à côté de certains, alors que tant de gens l'étaient bien plus et ne savaient se défendre.
Les bruits des sabots et des légers hennissements la sortirent de sa torpeur, alors qu'elle étaient accoudée à la porte inférieure, penchée, la tête reposant mollement sur ses bras croisés.

Les hennissements et les bruits de sabots lui étaient familiers, ce n'est pas ça qui réveilla le jeune mercenaire, Il sentait qu'on l'observait dans son sommeil. Alderic sauta tout d'un coup sur ses pieds et dégaina le poignard accroché à sa botte. Il aperçu alors Thalys, la belle mercenaire le regardait lui et les chevaux avec un air rêveur. Il rangeât son arme dans sa botte et la regarda dans les yeux. Derrière elle le soleil se levait et commençait à réchauffer l'air. Il regardait la jeune femme, un léger sourire sur les lèvres.

- Alors on espionnes les gens qui dorment ? Alderic lui offrit un sourire charmeur. Ou peut être préfère tu les chevaux ? Ils sont magnifiques hein ? je les aient capturés hier dans les collines, ça n'a pas été de tout repos mais ça valait vraiment la peine ils sont splendides. Il lisait un certain intérêt dans ses yeux et décida de l'inviter à venir les voir. Viens, viens les voir si tu veux, ils sont un peut ... disons sauvages ... mais ils vont pas te manger. Voyant qu'elle hésitait beaucoup à venir Alderic ouvrit la porte, saisit le bras de Thalys et l'attira à l'intérieur avant de refermer. Il la tira derrière lui et approcha des chevaux sauvages, il lacha la jeune femme et alla chercher un des étalons.

- Aller viens là toi, viens mon beau. Le cheval se cabra. - Oh ... oooh du calme, viens voir la demoiselle, allé viens. Il réussi à calmer le cheval et l'approcha doucement de Thalys.

Le magnifique cheval noir s'approcha de la mercenaire et sembla d'un coup plus calme, il pencha la tête sur elle et poussa doucement Thalys. Alderic eu la très agréable surprise de voir le jeune femme sourire, un franc et large sourire qui ravit le mercenaire.

* Alors tu sais sourire ... et quel sourire. *

- Oh Thalys, tu souri ? ça fait vraiment plaisir à voir, et ce cheval à l'air de beaucoup t'aimer, il a du gout. Alderic avait dit ça avec un air amusé, il était vraiment ravi qu'elle laisse son armure de glace au profit de ce beau sourire.
- D'ailleurs j'ai vu toi cheval, il n'est pas dans un très bon état, il est très vieux même, et je me demande si c'est une bonne idée que lui fasse continuer les long voyages comme tu le fait, c'est dangereux pour lui. Je m'étonne même de le voir encore en vie, il doit être une brave bête. Si tu veux je peut dresser celui là pour toi. Dit il en montrant l'étalon noir. - Tu es mercenaire, tu ne peut pas continuer avec ton cheval. et je pense que ma mère sera d'accord avec moi pour te dire que tu n'aura pas à sortir un sous de ta poche. Le mercenaire vit le sourire de Thalys s'effacer quelque peu lorsqu'il parla de son canasson.
- Tu y tiens à ton canasson hein ? il va vivre encore un peu mais il ne faut plus qu'il fasse de long voyages. Tu peu le laisser ici, au repaire ou encore au domaine de ma mère. Alderic lui fit cette proposition avec affection en posant sa main sur l'épaule de la jeune femme.

Après ça Alderic laissa Thalys avec l'étalon et alla nourrir les autre chevaux et les abreuver. Après quoi il alla s'allonger dans la paille, les yeux plongés dans ceux la jeune femme.

"-Alors on espionne les gens qui dorment ? Ou peut être préfères-tu les chevaux ? Ils sont magnifiques hein ? Je les ai capturés hier dans les collines, ça n'a pas été de tout repos mais ça valait vraiment la peine ils sont splendides. Viens, viens les voir si tu veux, ils sont un peu ... disons sauvages ... mais ils vont pas te manger."

La capacité à aligner autant de mots d'affilées du jeune était réellement surprenante.

"Je sais qu'ils ne vont pas me manger, mais je n'ai juste pas envie de les déranger. Comme tu le dis, ils sont sauvages. Et les créatures sauvages n'aiment pas être dérangées outre mesure."

Si subtiles paroles... Elle appréciait les métaphores.
Mais, alors qu'elle allait se résigner à retourner à l'auberge, elle fut tirée d'un coup et entrainée dans la grange.
Le Mercenaire se dirigea vers les chevaux.

"- Allez, viens là toi, viens mon beau. Oh ... oooh du calme, viens voir la demoiselle, allez viens."

C'était un magnifique cheval sombre. Une sublime bête. Et, en s'approchant, il donna un petit coup de tête à la jeune femme qui se mit à esquisser un magnifique sourire, caressant la bête qui se retourna et repartit avec ses congénères.
D'aussi loin qu'elle s'en souvenait, elle avait toujours eu une facilité à approcher les animaux et se faire apprécier d'eux. Et notamment les chevaux.

Thalys aimait monter à cheval, depuis son enfance. En fait, elle ne considérait que son amitié silencieuse avec ceux-ci. La jeune fille avait toujours été seule, du moins le pensait-elle, et elle trouvait son réconfort avec leur compagnie. Et elle s'oubliait, sa froideur en partie annihilée, son air sérieux et préoccupé disparaissant doucement.


"- Oh Thalys, tu souris ? ça fait vraiment plaisir à voir, et ce cheval à l'air de beaucoup t'aimer, il a du gout."

Elle bloqua un instant, il lui parlait encore.

"Hein ?
- D'ailleurs j'ai vu ton cheval, il n'est pas dans un très bon état, il est très vieux même, et je me demande si c'est une bonne idée que lui fasse continuer les long voyages comme tu le fait, c'est dangereux pour lui. Je m'étonne même de le voir encore en vie, il doit être une brave bête. Si tu veux je peut dresser celui là pour toi. Tu es mercenaire, tu ne peux pas continuer avec ton cheval. et je pense que ma mère sera d'accord avec moi pour te dire que tu n'aura pas à sortir un sous de ta poche."

Soudain elle réalisa qu'en effet, son pauvre cheval devait fatiguer. Son air radieux s'estompa instantanément. Elle se maintint dans un mutisme morose.

"- Tu y tiens à ton canasson hein ? il va vivre encore un peu mais il ne faut plus qu'il fasse de long voyages. Tu peux le laisser ici, au repaire ou encore au domaine de ma mère."

Lorsqu'il posa sa main sur son épaule, elle eut un mouvement de recul brusque.
Ne pas la toucher... Jamais.
Pour elle, le contact était réservé à seuls les membres de sa famille.
Se séparer d'Asyleus revêtait de l'impossible... Mais avait-elle le choix ?

"Désolée... Je... M'enfin..."

S'expliquer de ses réactions glaciales ? Elle même ne les comprenait pas. Le Mercenaire la laissa avec le cheval qui lui mettait des petits coups de tête amicaux, et alla vers les autres. Puis, il s'allongea. Laissant Thalys un peu perplexe. La fixant encore une fois... Et la rendant fort mal à l'aise.
Se raclant la gorge, elle flatta une dernière fois l'encolure du cheval et se dirigea vers l'homme, négligemment allongé dans le foin.
S'asseyant à distance respectable, détournant simplement son regard sur l'étalon noir pour éviter celui du "dresseur" de chevaux, elle lui demanda.

"C'est très impoli de ma part, je n'ai pas eu l'occasion de vous demander votre nom. Vous avez l'air de connaître le mien mais vous m'êtes étranger."

Thalys s'était recroquevillée comme une enfant, assise les jambes repliées, les bras entourant ses genoux, et le regard dans le vide, droit devant elle.

"Pardonnez-moi aussi de parler bien peu comparé à vous. Je ne suis pas habituée aux rencontres ou aux contacts humains."

Il était vrai que d'ordinaire Thalys ne parlait que peu voire pas du tout. Ceci dit, depuis le début de son voyage, elle s'était forcée à lier quelques contacts. Rien dans la durée, évidemment, mais elle avait réussi à échanger quelques mots... Avec ces gens rencontrés sur les routes... Et celui qui avait été son apprenti...
Cependant elle n'avait jamais agi autrement. Était-il seulement possible de changer sa propre nature ?...
Les échanges des hommes étaient tant fondés sur la parole, les mots. Pourquoi avec les animaux seuls des gestes, des expressions suffisaient à se faire comprendre ?

Tout était bien plus simple avec eux.

Thalys s'écarta brusquement de lui lorsqu'il la toucha, Alderic ne le prit pas mal, à vrai dire il s'y attendait, Thalys n'appréciait pas plus le contact physique que le contact oral avec les autres personnes. Cependant il surpris de l'entendre s'expliquer, ou plutôt essayer de s'expliquer, cela fit sourire le mercenaire.

* Un premier pas, c'est encouragent. *

Il s'étonna également de la voir s'avancer vers lui, elle s'assit à la manière des enfants, les bras enlaçant les jambes, le regard fixé sur l'étalon noir. Fuyait elle le regard abyssal du jeune homme ou n'était elle intéressée uniquement que par les chevaux et les animaux en général ? La jeune femme parla alors d'une voix un peut réservée.

"C'est très impoli de ma part, je n'ai pas eu l'occasion de vous demander votre nom. Vous avez l'air de connaître le mien mais vous m'êtes étranger."

Cette phrase, pourtant toute simple, réussi à dessiner un magnifique et franc sourire sur les lèvres d'Alderic. Ce dernier se demandait quand elle allait lui demander son nom, voilà qui était fait à présent. Il songeait que la jeune femme était mal à l'aise avec les conversations et les rapports aux gens.

- Ah ... Depuis le temps que j'attends cette question ... Je commençais à croire que tu ne me la poserait jamais. Alderic avait dit cela sur un ton amusé. Je m'appelle Alderic, mais j'aurais surement du me présenter plus tôt et c'est sans doute moi l'impoli ici. Et j'espère te devenir moins étranger avec le temps.

Il regardait toujours la jeune femme sur laquelle le soleil levant déposait ses rayons et accentuait le côté doré de sa peau, elle le fascinait.

"Pardonnez-moi aussi de parler bien peu comparé à vous. Je ne suis pas habituée aux rencontres ou aux contacts humains." Rajouta t-elle. Ces paroles venaient confirmer ce que le mercenaire supposait déjà, elle n'était vraiment pas à l'aise avec ses congénères humains et à particulièrement avec hommes.

- Tu n'a pas à t'excuser tu sais, c'est pas parce que moi je parle beaucoup que tu dois en faire autant. Mais le fait de parler aux gens montre que tu leur porte de l'intérêt, que se soit en bien ou en mal. Par exemple, là tu me parle et ça veut dire que tu me porte de l'intérêt, que se soit parce que je t'ennuie ou parce que je t'amuse. Et je serais flatté que se soit parce que je t'amuse. Alderic termina sa phrase par un petit sourire amusé. Et pour ce qui est des contacts humains j'avais remarqué que tu ne les appréciait pas beaucoup, mais ne t'en fait pas je ne le prend pas pour moi. Rajouta t-il.

* Cette fille est vraiment ... Particulière. *

Après cette petite discussion le jeune homme se leva et alla faire une vérification et un inventaire de son matériel et de ses vivres qui se trouvaient dans des sacoches habituellement attachées à Chaussette, son cheval. Laissant Thalys tranquille à regarder les chevaux. Bientôt il repartirait vers le domaine où il commencerait le dressage des nouvelles bêtes, à moins qu'il ne soit appelé à servir les mercenaires.

Communication... En fait, ce n'était pas du tout son fort. Engager une conversation ? Ou du moins tenter de la faire continuer ? Elle trouvait d'autant cela inutile que difficile.

Et, alors qu'elle se dirigeait vers la sortie de la grange, pensant qu'elle avait suffisamment perdu de temps et s'était bien trop égarée avec "Alderic" dont le regard transperçant la mettait plus que mal à l'aise, elle remarqua un détail qu'elle ne pouvait laisser passer au sujet des chevaux. Il lui avait dit qu'ils étaient sauvages et capturés de la veille, ils devaient absolument être ferrés avant de commencer tout dressage, pour qu'ils ne se blessent pas...
La Mercenaire se doutait qu'Alderic le savait, en sa qualité de dresseur, mais il ne connaissait peut être pas la réputation de son père.

Ainsi, elle fit volte-face et se dirigea vers lui.

"Excusez-moi, je suppose que vous devez les faire ferrer... Je m'apprêtait à aller chez mon père, j'ai remarqué hier que mes dagues n'étaient plus très aiguisées, il est forgeron et pourrait vous faire ça assez vite avec l'aide de mon frère... Enfin... Il ne pourrait pas tout vous offrir mais vous faire un très bon prix comme à certains bons clients. Je vous laisse y songer."

Attendant une réaction de sa part, elle se dirigea rapidement vers son cheval, attaché plus loin dans la grange, après une porte donnant sur une autre partie de la bâtisse, et revint, tenant son cheval par la longe, espérant qu'il avait réfléchi.

"Écoutez, pensez-y, je pense qu'il n'y aura pas de problèmes. Cependant je dois déjà aller les voir. La forge et un peu en retrait, après la ferme du Roger, à l'autre bout du village."

Puis, elle sortit à l'extérieur et monta sur son cheval.

"En espérant vous revoir bientôt."

Puis elle disparu, doucement, allant au pas sur les routes cahoteuses de Nehaïa.

***

Arrivant à la forge, elle montra ses dagues à son père. Il sourit, se remémorant le jour où il lui avait donné. Ce dont il était sûr, c'était que sa fille avait toujours été fort soigneuse et n'avait pas changé. Ainsi, les armes étaient en parfait état, mais n'étaient simplement plus très aiguisées. Il fit ainsi tourner sa meule, et s'occupa de cette office pendant que son fils martelait le fer, et que l'un de ses neveux les assistait.
Après quelques heures, les deux dagues furent parfaitement aiguisées, leur métal repoli, et les bois et sobres décors à nouveau bien fixés. Elles étaient comme neuves. Elles en avaient vu en cinq ans...

"Oh, père, j'ai invité une personne à venir te voir pour ferrer des chevaux. J'espère qu'il n'y aura pas de problèmes pour au moins lui faire un prix d'ami vu qu'il en a pas moins de 6..."

Le père la regarda, circonspect.

"Hum tiens, normalement les seules personnes qui viennent me demander des fers sont dame Aisleen, qui connait d'ailleurs la forge depuis ton arrière grand-père, et l'éleveur de chevaux de l'autre côté du village de Lyra... Normalement je suis bien plus reconnu pour mes lames. A moins qu'il s'agisse de quelqu'un qui ne travaille pour l'un d'entre eux." lui dit-il en souriant.

"S'il s'avère être un proche de dame Aisleen ou de sieur Loric, évidemment, leur compensation sera moindre. Et puis ce n'est pas tous les jours que j'ai autant de chevaux à ferrer, mais il faudra prévenir cette personne que pour 24 fers, sachant que c'est Daelth seul qui s'en occupe maintenant, il y en aura pour plusieurs jours."

Alderic faisait l'inventaire de ses vivres et constata qu'il aurait tout juste de quoi rentrer chez lui avec les quelques morceaux de viandes séchée et la miche de pain rassit qu'il lui restait. Il lui fallait également trouver une forge où faire ferrer les chevaux, il en profiterait pour refaire le plein de vivre. Mais trouver une forge dans les colline n'est pas chose facile car les villages y sont rares et les chevaux ne pourrons tenir un rythme rapide sans risquer de se blesser. C'est alors que Thalys, qu'il croyait partie, revint vers lui pour lui faire une proposition, une proposition qu'il ne pouvait raisonnablement pas refuser. "Excusez-moi, je suppose que vous devez les faire ferrer... Je m'apprêtait à aller chez mon père, j'ai remarqué hier que mes dagues n'étaient plus très aiguisées, il est forgeron et pourrait vous faire ça assez vite avec l'aide de mon frère... Enfin... Il ne pourrait pas tout vous offrir mais vous faire un très bon prix comme à certains bons clients. Je vous laisse y songer."
Le mercenaire fut ravit de cette proposition et étira un léger sourire sur ses lèvres et se dit que s'était une très bonne idée. La jeune femme alla dans le fond de la grange et revint avec le cheval qu'il avait déjà vu. "Écoutez, pensez-y, je pense qu'il n'y aura pas de problèmes. Cependant je dois déjà aller les voir. La forge et un peu en retrait, après la ferme du Roger, à l'autre bout du village."

- Et bien justement j'y réfléchissait et voilà une offre que je ne peut refuser, j'irais donc à cette forge y rencontrer ton père et avec grand plaisir et ne t'inquiète pas pour l'argent, je paierais la somme qu'il me sera demandé si elle est résonable. Et soit dit en passant, je trouve personnellement qu'une dague qui tranche la main d'un homme est une dague très bien aiguisée.

La jeune Thalys mit le pied à l'étrillé et s'éloigna doucement de la grange. Elle se retourna et lança "En espérant vous revoir bientôt." Alderic ne pouvait dissimuler sa joie et un sourire radieux se dessina sur sa bouche. Il continua de la regarder s'éloigner quelques instant, les yeux rêveurs.

Un peu plus tard il prépara son destrier et s'en alla vers l'autre bout du village, vers la forge. Il y vit un homme, qui devait être le père de Thalys, en train de battre le fer au centre de la forge. Il mit pied à terre et vint se présenter à lui.

- Bonjours monsieur, je m'appel Alderic Karnesta et Thalys m'a parlé de votre forge, je viens ici pour savoir si il serait possible de ferrer 5 chevaux qui sont encore sauvages et refaire les fers d'un qui ne l'est pas. Bien entendu je vous paierais votre du.

- Hmm ... Karnesta tu dis, je connais ta mère, Dame Aisleen est une cliente régulière, c'est toujours chez moi qu'elle vient. Pour le prix ne t'en fait pas gamin ça sera pas trop chère. Par contre c'est mon fils Daelth qui s'occupera de ferrer tes chevaux, ça devrait lui prendre quelques jours pour forger et placer les fers. Lui répondit le forgeron.

- Très bien c'est entendu alors, il ne me reste plus qu'à trouver où loger. Je vous remercie monsieur.
Le vieil homme s’exclama :
« Eh bien voyons, j’offre le gite et le couvert à votre mère, mon grand père le faisait aussi pour cette noble dame et comme je le fais pour les gens qui vivent loin et attendent la fin de mon office, vous ne croyez pas que ce sont quelques patates et quelques morceaux de pains et de viande qui vont me ruiner ? Allons, vous avez l’air de connaitre Thalys, je ne peux qu’avoir confiance. Allez la trouver, elle aussi doit rester quelques temps ici, elle vous trouvera une place chez nous. C’est très grand. »
Puis il se tut et continua à forger l’une de ses lames, souriant à Alderic de façon bienveillante.

Alderic était ravi de pouvoir séjourner ici et gratifia le forgeron d'un sourire radieux et le remercia chaleureusement. Il prit ensuite le chemin de la maison de celui-ci pour y trouver Thalys.

- Re-bonjours Thalys, ton père m'a très généreusement proposé à venir séjourné chez vous et j'ai accepté, il m'a également dit que tu me montrerais où je dois m'installer. Nous aurons l'occasion de nous revoir, peut être apprendrons nous à mieux nous connaitre.

Le jeune homme attendait qu'elle lui montre où se décharger de ses affaires. Il irait ensuite chercher les chevaux qui étaient restés dans la grange pour les amener à Daelth afin que celui-ci puisse s'en occuper.

Cette vieille chaumière. Sa chaleur, la même marmite qui pendait inlassablement dans l'âtre, les mêmes instruments de cuisines.
La maison de son oncle, de sa tante, était toujours là. Mais vu qu'il se faisait vieux il vivait désormais dans la chambre qu'occupait Thalys avant son départ.
Quelques mètres de gagnés s'il n'allait pas bien. Quelques secondes de gagnées si son état empirait.

Mais son mal n'était en réalité que passager s'il continuait à suivre la médication prescrite par l'apothicaire. Il lui restait donc la grande maison qui avait été désertée par les cousins, partis à l'aventure, trouver des maîtres de métier ailleurs, fuyant la forge ou l'agriculture.

Elle installa donc ses affaires là bas, dans cette maison à quelques trentaine de mètres de celle de son père, et à même distance de la forge. Asyleus se vit son harnachement retiré, et fut placé dans la grande écurie où se trouvaient les chevaux de trait de son oncle pour le travail de la terre. Elle plaça sa monture dans l'une des grandes parties cloisonnées, et se dirigea vers son nouveau domicile provisoire. Cette maison qui l'avait vu grandir.

Alors qu'elle était tournée et perdue dans de vagues pensées, elle se fit alpaguer et sursauta :
"Re-bonjour Thalys..."

Encore lui ?... Quelle peur bleue. Il avait vraiment fallu qu'elle soit dans un autre monde pour n'entendre ni pas, ni quoi que ce soit d'autre. Avant toute invective de la jeune femme, il continua :

"Ton père m'a très généreusement proposé à venir séjourner chez vous et j'ai accepté, il m'a également dit que tu me montrerais où je dois m'installer. Nous aurons l'occasion de nous revoir, peut être apprendrons nous à mieux nous connaitre."

Remettre en ordre. Organiser pensées. Obligation...
Séjourner... chez nous... maison de l'oncle et de la tante comme dernier logement potentiel.
Mieux connaître qui et pourquoi faire ?

Merde...

Thalys lança les bras en avant, comme pour intimer un "pas bouger" à un clébard, ou du moins pour réserver un certain cadre distant à ce qu'elle songeait une entrave à sa tranquillité.
"Attendez... euh... Attendez deux secondes là..."

Puis, tout en contournant Alderic, toujours en suivant le jeune homme des yeux, elle se retourna finalement pour courir au niveau de la forge.

"Papa... Vous avez pas de chambre ici ?...
-Euh... non nous n'avons plus de place, ton oncle malade, ta vieille tante qui doit dormir dans une chambre séparée pour se reposer, moi... Et Daelth vit chez sa femme... Un peu plus loin.
-Alors pourquoi, mais POURQUOI diable fais-tu venir un inconnu dans ta propre maison ?..."

L'expression de Thalys était figée, entre stupeur et incompréhension. Une moue contrariée et dépassée sur son visage, nouant l'orle de sa lèvre dans une grimace. Le vieil homme ne s'était jamais heurté à une réaction si peu détachée... Comme elle le faisait d'accoutumée, comme tout simplement répondre, les yeux dans le vide un "oui p'pa" en s'attelant silencieusement à la tâche qu'on lui avait confiée.

"Thalys ?
-Quoi ?..."
Il souleva un sourcil interrogateur.
"Hum... rien... Écoute, je dois rester là pour ton oncle et ta tante. La maison est assez grande. C'est la présence d'un homme qui te gêne ?...
-Père..."
Elle le regardait avec défi. Il se mit à rire et s'assit.

"Cela fait tant de temps que l'on ne s'est vus... Tu as tellement changé ma princesse. Allez, la maison de ton oncle est suffisamment grande, et je doute que ce jeune homme te veuille le moindre mal.
-Ce n'est pas ce que j'ai dit ! Mais cela ne se fait pas !
-Mais si, mais si, c'est le... fils, ou l'élève, ou je ne sais pas trop d'une personne que notre famille sert depuis des générations. Un peu de tenue et d'hospitalité veux-tu ? Et souris, je n'ai pas envie de perdre une clientèle ancestrale petite !"

Puis elle se résigna... Comme d'habitude, en soufflant.
"Oui... p'pa."

***

Contrariété. Tranquillité avortée pour DES JOURS... Et... Alderic.
Elle expira profondément, tentant de se relaxer face à l'intrusion que pouvait lui valoir cette rencontre. Et quelle intrusion.
Perte de sang froid. Était-ce imaginable dans son monde ? Un mot de travers, un pas de travers, et client ancestral ou pas il finirait avec une courante de tous les diables avec l'aide de ses plantes !
Puis, ce fut avec un air faussement calme et détendu qu'elle arriva au niveau du jeune homme, toujours posté au même endroit, à deux pas de la maison de l'oncle.

"J'espère que cela ne vous dérange pas, nous serons dans la maison de mon oncle. Ce dernier a pris ma chambre. Il est souffrant et a besoin de mon père." Dit-elle, ou même murmura-t-elle tant son ton était bas et gêné.

Et elle l'invita à entrer dans la demeure, lui ouvrant la porte la plus diamétralement opposée à celle où elle avait posé ses paquetages.

La jeune femme semblait troublée de l'annonce que le mercenaire venait de lui faire et ce dernier fut stupéfait lorsqu'elle lui intima l'ordre, par un geste, de ne plus bouger, Il en resta bouche bée. Il en profita pour regarder la grande maison au toit de chaume et sans étage qui allait l'héberger durant quelques jours. Ce n'est qu'au retour de la jeune femme que Alderic sorti de sa contemplation. Thalys lui dit quelque chose qu'il failli ne pas saisir tant le ton était bas, il la senti gênée mais ne voyait pas ce qui pouvait la déranger. "J'espère que cela ne vous dérange pas, nous serons dans la maison de mon oncle. Ce dernier a pris ma chambre. Il est souffrant et a besoin de mon père." Dit elle.

- Cela ne me dérange absolument pas ne t'en fait pas, par contre j'ai l'impression que toi ça te gène. C'est le cas ? Je m'en voudrais de te gêner dans ta propre maison.
La jeune femme le regarda visiblement de travers, se forçant un instant à esquisser un faux sourire qui semblait plus crispé que sincère, et fit un mouvement de la main signifiant qu'il devait rentrer. Après tout, c'était le forgeron qui l'avait invité.

Les deux mercenaires entrèrent dans la vieille et grande maison et Alderic put découvrir une vaste pièce à vivre où trônait une table et une grande cheminée. Toujours sans un mot Thalys lui indiqua une chambre où déposer ses affaires et où il pourrais séjourner le temps que Daelth forge et installe les fers. Le jeune homme poussa la porte et découvrit une chambre simple avec un lit et une vieille armoire, il y posa son manteau et les sacoches de voyage. Il enleva son armure de cuir noire et ne garda que sa chemise, noire elle aussi, puis retourna dans la pièce à vivre où il put voir la jeune femme sortir d'une chambre à l'autre bout de la pièce, à l'opposé de celle qu'il occupait et il ne pensait pas à un hasard et cela l'amusait beaucoup.

- Alors c'est là que tu dors ... Il avait dit ça avec un rire dans la voix. Je vais retrouver mes chevaux et commencer leur dressage, si l'étalon noir de tout à l'heure t'intéresse toujours tu peut venir voir son dressage ou même si tu veux venir le dresser toi même. Dit il, un sourire affectueux sur les lèvres.

Alderic ressorti donc de la grande maison et se dirigea vers la forge où se tenait attachées les cinq bêtes. Il choisi une jument qui, il l'avait remarqué ces derniers temps, s'était très bien habituée à sa présence et qui s'approchait de lui sans aucune appréhension. Et c'est avec étonnement qu'il réussi sans résistances à lui passer la longe, à partir de là il la fit travailler un petit pas puis il la fit monter au trot, redescendre au pas s'arrêter et recommencer. Le dressage ne faisait que commencer, il serait encore long, et sa mère et lui ne seraient pas de trop pour les dresser tout les cinq. Après seulement quelques dizaines de minutes son pantalon et sa chemise se couvrit de poussière. Et c'est après une bonne heure de dressage, les cheveux emmêlés et les vêtements sales et quelque peu transpirant que le jeune homme décida de faire une petite pause, de souffler et de boire un coup.

C'était sans lui avoir répondu, sans avoir dit le moindre mot que la Mercenaire avait laissé Alderic vaquer à ses occupations.
Elle faisait le tour de la maison, frôlant les pierres, appréhendant chacun de leur contour, chacune de leur texture, effleurant les aspérités des roches érodées composant la solide demeure qui avait résisté dès lors à nombre de tempêtes, nombre de pluies et de caprices du temps.
Elle ferma les yeux, sentant le vent glacial transperçant sa peau, humant l'air et captant toutes les odeurs qu'elle savait reconnaître.
Ces odeurs d'antan.

Sans ouvrir les paupières, elle avança, droit devant elle, arpentant le même chemin qu'elle avait arpenté durant des années, son seul souvenir comme guide visuel.
Se remémorant le ciel souvent grisé, se rappelant du vieux chêne à sa droite, n'oubliant pas ce qui avait été sa vie.
Ce qui aurait pu être sa vie... Sans lui.

Elle traversa maintenant le petit fossé où se trouvait toujours le même tronc, en travers, lançant gracieusement ses bras à la rencontre du vide, frôlant presque la ligne de l'horizon.
Enfin, Thalys s'arrêta, et ouvrit ses yeux clos. S'asseyant sur l'herbe fraîche et encore mouillée, elle croisa ses jambes et sortit l'une de ses dagues ainsi que le contenu de la sacoche plate qu'elle portait à la taille, sous les plis de sa jupe.

***

Quelques minutes, puis heures passèrent. Se dirigeant vers la forge, elle vit Alderic commencer à débourrer l'un des chevaux. Il y avait l'une des clôtures qui délimitait l'immense terrain agricole de son oncle, et elle se posta là, accroupie sur l'un des piquets larges et haut, les bras tendus vers le bas, entre ses jambes repliées, pour maintenir son équilibre.

Regard perdu dans le vide, voyant au delà des simples mouvements de l'animal un peu plus loin, regardant le ciel et les nuages, se perdant dans un flot continu d'interrogations sur le sens profond de son être. Dans un dédale de souffrance muet. Souffrance de ne ressentir que le néant.

Si peu de colère, de peur. Si peu de bonheur ou de gaité.
Seules persistaient les sensations de son corps, qu'il fusse meurtri ou reposé.

"Ce sera un jour ta force." Lui disait-il.
La force de l'insensibilité et de la neutralité.
Une force pourtant posée du côté du bien et s'opposant au mal.

Et maintenant, elle se laissait troubler.
Faux-semblants, illusions futiles et éphémères.

Son regard se durcit en un instant. Elle ne faillirait pas.

Assit par terre dos à un poteau de bois Alderic soufflait un peu et buvait une eau fraiche au goulot d'une vieille gourde rappée. Il se rappelait les enseignement et les conseils de sa mère lorsqu'il était encore enfant, "la persévérance est la clé de la réussite dans tout ce que tu entreprend" lui disait elle. Le dressage est vraiment un art qui demande une grande patience, une force de caractère et de emphatique. Le jeune homme aimait le contact de ces animaux, il avait grandit avec les chevaux, ils étaient devenu proches de lui, des confidents parfois. De là où il était il pouvait voir Thalys qui semblait rêver, les yeux perdu dans le vague, l'air songeur. Il la trouvait décidément vraiment ... différente des autres femmes qu'il avait côtoyé. Et le fait qu'il avait commencé à troubler cette armure de glace qui cachait sa véritable nature.

* Le temps viendra. *

Porté par un vent, doux dont la caresse remuait les cheveux du mercenaire et rafraichissait son corps, des bruits de sabots se firent entendre, Alderic tourna la tête en direction du bruit et il pu découvrir un individu sur un cheval qui s'avançait dans sa direction. Le cavalier se rapprochait maintenant assez pour qu'on puisse distinguer sa silhouette, la silhouette d'une femme, pas très grande. Il se passa la main dans les cheveux et les remua, perdant ainsi de vue la femme pendant quelques secondes. Lorsqu'il leva à nouveau les yeux il eu la surprise de constater que ce cavalier n'était autre que sa mère.

« Alderic qu’est-ce que tu fais là ? » - M'man ?! qu'est ce que tu fait là ? Tout deux avait eu la même réaction, au même moment.

Il n'en revenait pas que faisait elle ici ? Si s'était pour l'auberge elle serait à l'autre bout du village, pas ici, près de la forge. Et, ça l'amusait, elle paraissait tout aussi surprise de le voir là.

- Ben c'est ... une longue histoire. Comme tu me l'avait demandé je suis venu pour trouver de nouveaux chevaux et ... les voilà. Dit il en montrant les cinq chevaux du bras. Ensuite je suis tombé par hasard sur ce village, là j'ai trouvé Thalys, là bas dans son coin derrière moi, et elle m'a indiqué la forge et son frère, Daelth, s'occupe de ferrer les chevaux, mais étant donné que ça va prendre un peu de temps, le maître forgeron m'a invité à séjourné chez lui. voilà. Alderic venait de lui faire ce petit résumé, toujours étonné de la voir là. Mais ... et toi ? Que ... Comment t'es arrivée là ? Dans le ton du mercenaire on pouvait lire de la perplexité autant que de la joie, la joie de revoir sa mère, la revoir après si longtemps.

Un large sourire s'afficha sur ses lèvres, il se leva et la serra dans ses bras un instant, avant d'aller lui chercher les chevaux pour qu'elle puisse juger par elle même de la santé, de la puissance et de la beauté des nouvelles bêtes. Il alla chercher les cinq animaux et les lui présenta, comme un enfant montre à sa mère le résultat de son travail. Alderic avait l'impression de se retrouver enfant, au domaine en fin de journée, à montrer les efforts qu'il avait fait et ses progrès du jour. Il se rappelait de sont ton froid, sévère, qu'elle lui réservait à se moment là. Un ton à l'opposé de celui qu'elle employait avec lui en privé, hors des entrainements.

Le jeune homme put assister à l'inspection minutieuse et experte de sa mère, Aisleen, à son regard inquisiteur et perçant. Encore aujourd'hui il, malgré son long apprentissage durant son enfance, Alderic s'enrichissait des connaissances séculaires de sa mère. Il admirait chaque geste dans sa précision, sa douceur envers l'animal. Il s'imprégnait de son expérience et de son savoir pour pouvoir prétendre à être son digne descendant, pour qu'elle soit fière de son fils. D'une certaine façon le jeune homme avait toujours cherché à la rendre fière cependant il lui arrivait d'aller à l'opposé de sa mère par nécessité de s'identifier, de s'individualiser. Ou peut être est ce là une manière de chercher son père en lui, peut être le mercenaire cherche t-il dans son propre comportement une idée de ce qu'avait put être son père, peut être cherche t-il à faire renaitre son père par sa propre personne, un père qu'il n'a jamais connu et qu'il a renoncer à avoir l'occasion de connaitre un jour. Aisleen vint sortir le jeune homme de ses pensés en le prévenant quand aux anneaux d'Istral et en le félicitant pour les magnifiques chevaux qu'il avait réussi à capturer quelques jours auparavant dans les confins des collines verdoyantes qui entourent le petit village.

« Tien sais-tu qu’il ne faut plus afficher nos bagues d’Istal ? Ce faquin de Dan Azyrith soupçonne quelques choses…
Sinon… Alderic tu as fais un bon début de travail avec ces bêtes, je pense que le temps qu’on s’occupe des fers de mon cheval je commencerai le dressage d’un de ces chevaux »

- Les anneaux ? Oui, j'en ai entendu parlé par Thalys, et c'est d'ailleurs elle qui à découvert les manigances de Dan au péril de sa vie, du moins c'est ce qu'elle m'en a raconter. Mais tu aurais du remarquer que j'étais au courant, je ne porte plus mon anneaux à mon index, dit il en montrant son doigt, il est désormais bien à l'abri suspendu à une chaine autour de mon cou, là dessous, il montra sa chemise.

Sa mère venait de lui raconter qu'elle s'occupait d'un certain Aëlingen de Arkentis et cela le rendait perplexe, un nouvel élève ? Il allait connaitre les mêmes exigences que sa mère avait eu pour lui lorsqu'il était plus jeune. Mais le fait qu'elle ait accepté cette charge l'étonnait vraiment, un membre important de l'organisation devait lui en avoir fait la demande pour qu'elle daigne accepter de le prendre sous son aile.

- Et finalement tu reste combien de temps ici ? Tu rentre avec moi au domaine ou j'y rentre seul ? Cette question n'était pas seulement une question pratique, il voulait savoir si il pourrait profiter d'avantage de la rare présence de sa mère.

Il retourna ensuite auprès des chevaux pour les brosser et les rassurer quand à sa présence parmi eux. Un rapide coup d'œil vers Thalys lui confirma qu'elle n'avait toujours pas bouger de là où elle était. Était elle étonné ou même choqué de le voir se comporter ainsi avec une mercenaire, ou son tempérement froid et imperturbable la rendait elle complètement neutre?