Un drôle d'attachement [ PV Ciaa de la Meraviglia ]

Les rues marchandes, le lieu de prédilection de la jeune Alïya Ceavyan, étaient innondées de monde. Des éventaires de textiles de toutes les couleurs, bleu royal, rouge vermeil, vert jade donnaient l'impression d'égayer les visages. Les fruits et les légumes coloraient également ce décor de foule, grouillante, cherchant les meilleurs articles et les meilleurs prix. Aussi, la musique de la cohue, pour des oreilles étrangères à ces ruelles, était un brouhaha dérangeant. Mais pour la jeune orpheline habituée, c'était une mélodie rassurante.

Les yeux pétillants, elle regardait chaque boutique, chaque étalage avec envie. Elle dévorait des yeux, avec le regard d'un enfant convoitant un jouet, chaque bijoux, chaque étoffe, et chaque bourse. Observant aussi les visages des acheteurs, la jeune fille imaginait leur nom, leur émotion, leur impression vis à vis des vendeurs. Elle essayait de repérer les escarcelles les plus remplies, ainsi que les citoyens suceptibles de courir moins vite qu'elle. Elle aimait beaucoup ce jeu de semi-hasard, essayer de deviner ses futures victimes de vol à la tire. Elle souria en imaginant une somme d'argent, dans ses mains, gagnée avec peine, mais avec amusement. Elle se vit aussi acheter des pommes, rouges, les plus belles, non parce qu'elle aime ces fruits, mais juste pour la couleur. Malheureusement, ne sachant pas compter, elle se faisait souvent, pour ne pas dire en permanence, escroquer par les marchands. Absorbée par sa rêverie, elle avançait sans faire vraiment attention, et bouscula doucement plus d'une personne.

Puis, plus loin, elle vit un homme. Un homme qui semblait légèrement différent des autres. Il était mieux habillé que le reste de ce grand rassemblement, et son visage plaisait à Alïya.

*Plus des habits sont beaux, plus la personne a d'argent...*

Ses yeux pétillèrent de plus belle. Elle s'approcha doucement de lui. Elle le voyait marcher sans s'arrêter au milieu de la foule. Ne sentant apparemment pas sa présence, elle se félicita pour sa discrétion inhabituelle.

*Pour une fois, je n'aurais peut être pas à courir.*

Elle continua à le suivre, se tournant temps à autres vers les marchandises, pour être plus discrète, mais souvent car elle était attirée par toutes ses couleurs. Son poignet la démangeait, elle voulait prendre tout cet argent. Elle approcha sa main de la ceinture de ce jeune homme et empoigna sa bourse, tirant vers le bas pour la décrocher le moins brusquement possible. Une fois décrochée, elle s'arrêta net et inspecta le contenu de l'escarcelle.

*Courir. Vite !*

Alïya courait aussi vite que ses jambes et la foule le lui permettaient. Elle se dépêchait, en essayant de bousculer le moins de monde. L'affluence de citoyens était dense, et elle devait serpenter entre les gens, la ralentissant énormément. Elle sentait son coeur battre de plus en plus vite et le sang lui battre les tempes. Elle serrait la bourse le plus fort qu'elle pouvait. Si elle la laissait tomber,elle était pratiquement sûre qu'elle ne pourrait pas manger de la journée. Jamais elle n'avait chapardé autant d'argent ! Elle se demandait combien de pommes elle pouvait acheter avec ça.

*C'était quand même amusant !*

Elle jettait de temps en temps des coups d'oeil derrière elle mais ne parvenait pas à voir le jeune homme. Le jeune fille n'osait pas s'arrêter car elle savait qu'il la suivait. Elle entendait des esclamations de gens du peuple qu'elle avait malheureusement percutés. Des "Faites attention !" et des "Oh !" s'élevaient dans les airs, mais s'évanouissaient rapidement dans le bruit constant du marché. Ses joues étaient devenues rouges et elle commençait un peu à être essoufflée. Elle ressentit son ventre se tordre. La faim s'ajoutait à la fatigue. Alïya avait l'impression de courir depuis des heures.

Tout à coup, elle se heurta à quelqu'un ou quelque chose, elle n'eut pas le temps de voir. Elle se retrouva assise par terre, légèrement sonnée. Elle observait un homme devant elle, assez gros, lui crier des injures, sûrement la personne bousculée. Elle resssera les doigts de sa main droite et ouvrit de grands yeux. Elle avait laché la bourse. Elle murmura un juron et regarda autour d'elle. A environ un mètre devant elle, elle voyait la bourse, dont quelques pièces s'étaient échappées. Elle se précipita dessus et se retrouva à quatre pattes en train de ramasser son trésor. Une fois fait, elle se releva, difficilement, et épousseta ses habits. Elle releva la tête et tomba nez à nez avec ce cher jeune homme. Elle réfléchit vite. Elle ne pouvait pas courir, elle n'irait pas bien loin, et puis il la rattraperait. Ses muscles chauffaient, elle n'en avait de toute manière pas le courage. Son joli minois ne l'avait jamais sauvé, mais, qu'est ce qu'elle risquait de bien plus grave ?

*Qui ne tente rien n'a rien... Ca peut toujours marcher.*

Elle essaya de faire son plus beau sourire, un sourire timide et désolé, qui semblait faux, mais néanmoins attendrissant. Elle avait l'air d'un enfant venant de faire une bêtise et qui essayait de se faire pardonner. Mais malgré ce petit sourire, elle se préparait mentalement à encaisser un coup. Elle se demandait d'ailleurs pourquoi il ne l'avait pas encore frappé.

Il l'avait suivie à travers la foule rapidement, ne la quittant pas des yeux une seule seconde. "Alors, c'était une voleuse ? Je suis toujours attiré par les mauvaises fréquentations apparemment." Elle était douée pour se faufiler et courir au milieu de l'océan humain. Il avait du mal à la voir directement mais la suivait par sa percée et les réactions qu'elle provoquait chez les passants. La jeune fille bousculait certaines personnes, entraînant injures et insultes. Cette situation amusait tout de même le saltimbanque. Un peu d'action ne lui faisait pas de mal ; et courir après cette mignonne voleuse lui plaisait. Il s'avança encore. Les étals se succédaient vivement et les passants l'empêchèrent de continuer à un tournant. Il perdit la fille du regard et passa en forçant l'amassement à se séparer, écartant quelques personnes avec son bras. Quelques mètres plus loin, il la revit.

Cette fois, elle reçevait une déferlante d'agressivité de la part d'un homme corpulent prêt à en venir aux mains. Elle était tombée par terre et ramassait les pièces éparpillées de son butin qui venait apparemment de chuter aussi. Ciaa s'avança dans sa direction et, une fois qu'elle fût debout, se retrouva face à face avec. Elle sembla réfléchir un court instant. Les choix étaient limité. Fuir ou faire face en étaient effectivement les seuls. Ainsi, elle choisit. La jolie fille se mit à lui sourire, telle une enfant, d'un sourire peu sincère mais tellement séduisant. Il s'était encore fait avoir par une femme, et il le savait très bien, mais n'y pouvait rien. Il baissa la tête dépité, et se mit à sourire en coin. Sa faiblesse...

"Vous m'avez eu avec votre sourire, dit-il en lui donnant une claque si légère qu'elle aurait pu être une caresse. Je vous pardonne si vous m'accordez un rendez-vous, tout de suite."

La voleuse rouvrit les yeux et les écarquilla avec étonnement. Elle fit une légère moue et pencha la tête sur le côté, comme un animal qui ne comprend pas, ses cheveux tombant sur son épaule. Le saltimbanque n'avait pas prévu cette réaction. Il s'était attendu au recommencement de la course poursuite et au retour à zéro pour les deux protagonistes. Au lieu de ça, la jolie fille l'avait regardé, étonnée et lui avait répondu en éclatant d'un petit rire discret. Elle semblait étrange, mais celà ne faisait que renforcer son charme.

"C'est quoi votre nom ?
- Ciaa de la Meraviglia. Mais, appellez-moi juste Ciaa. Et le vôtre ?"

"Ciaa de la Meraviglia. Mais, appellez-moi juste Ciaa. Et le vôtre ?"

Elle le regarda dans les yeux un court instant. Elle inspectait chaque trait de son visage. Il était beau ! Il semblait plus vieux qu'elle. Il avait des cheveux vraiment foncés, parsemés de tresses attachées avec des perles, comme elle. Ciaa... Ce nom lui paraissait bizarre.

"Ciaa. Moi c'est Alïya."

Elle se tourna vivement et commença à marcher, sans se presser, en entendant ce Ciaa la suivre. Elle rangea l'escarcelle dans une des poches de sa ceinture et continua sa promenade au milieu des éventaires.

*Un rendez-vous ? Pourquoi faire ?*

Alïya n'y avait pas souvent pensé. Etant restée très infantile, elle n'avait jamais été interressée par les hommes. Elle ne regardait plus où elle allait et réfléchissait. Il était derrière elle, non loin, mais tout de même derrière. Elle pouvait courir et ne pas être obligée de parcourir le marché avec lui. Mais elle s'abstint. Elle regardait les étoffes rouges, oranges, jaunes. Elle aimait ces couleurs chaudes. Elle continuait de longer la rue, jettant des regards sur les étalages sur les côtés. Elle cherchait quelque chose qu'elle ne trouvait apparemment pas. Elle semblait commencer à s'ennuyer et observa les bâtiments qui bordaient la rue. Elle ne savait pas quoi faire. Elle avait envie de l'abandonner là, et de partir elle toute seule. Mais elle n'y arrivait pas. Elle sentait que cela ne se faisait pas. Pour une fois, une personne autre que sa soeur était gentille avec elle, et elle voulait en profiter. Elle redescendit ses yeux sur les étalage et ouvrit grand les yeux d'une surprise joyeuse. Elle acceléra vers l'éventaire de pommes. Elle respira cette odeur à fond. Elle les regardait et semblait vouloir en trouvait une en particulier.

*Toutes ces couleurs !*

"Je veux une pomme."

Elle sentait le lourd regard de Ciaa sur elle. Elle était pratiquement émerveillée par ces fruits. Elle regarda le vendeur en demandant le prix d'une seule pomme, et n'écouta qu'à moitié la réponse.

*De toute manière, j'ai assez avec cette nouvelle bourse !*

Elle choisit une pomme, apparemment la plus rouge de l'étal, et ouvrit la poche de sa ceinture, sortant la bourse de Ciaa, qui restait la, sans bouger. Elle prit deux pièces au hasard, celles qu'elle pensait les plus brillantes, et les posa dans la main tendu du marchand. Il la connaissait assez pour savoir qu'elle ne savait pas compter, et lui rendit moins qu'il ne devait, un sourire hypocrite au lèvre. Alïya croqua dans la pomme, ne se préoccupant pas de lui.

Le saltimbanque avait répondu à la fille d'un ton tranquille. Elle avait relevé les yeux et avait soutenu son regard, puis l'avait détaillé, sans gêne apparente. Durant ce rituel, elle avait imperceptiblement souri et il l'avait remarqué. Il la détaillait également. Ses cheveux d'un blond clair étaient brillants, fins et parsemés de tresses retenues par quelques perles colorées et faisaient ressortir son teint bronzé. Sa tunique beige et légèrement transparente voilait peu efficacement son beau buste et ses épaules fines, ainsi que sa peau un peu rebondie.

"Ciaa. Moi c'est Alïya."

Sa réponse surprit le jeune homme, qui était plongé dans son observation. Il leva vivement les yeux et fixa ses profonds yeux couleur émeraude jusqu'à ce qu'elle se retourne. Il la suivit à travers les étals. Alïya.. C'était un beau prénom. Il s'immergea dans ses pensées et réfléchit sur elle. C'était une voleuse, et, de ce fait, presque sûrement une orpheline. Elle était étrangement joyeuse, naïve et souriante pour une demoiselle dont les parents manquaient. Cependant, elle était trop propre pour vivre dans la rue, et avait donc forcément un foyer. De la famille ? Des amis ? Ciaa ne savait pas et laissa ce problème de côté pour ressurgir dans la réalité. Il la vit ranger sa bourse dans sa ceinture et continuer naturellement, ce geste lui semblant normal. Le garçon voulut lui faire remarquer, mais n'en montra finalement rien. De toute façon, il comptait la lui laisser.

Reportant son regard sur elle, il la vit regarder avec envies les étalages aux tissus colorés. Elle avançait dans les rues sans cesser de fixer ces éventaires, mais son air pensif semblait dire qu'elle n'en était plus si passionnée. L'avancée continua, les étals se succédant doucement mais sûrement. Bientôt, les deux jeunes arrivèrent au niveau des marchands de fruits, légumes et tout autres types de nourriture. Là, la voleuse ouvrit de grands yeux et se dirigea avec empressement, en murmurant, en direction des pommes d'un marchand à la moustache large et dense. Elle les examina soigneusement pendant quelques temps et choisit celle qui lui convenait apparemment : la pomme la plus rouge qui s'offrait à son regard. Elle semblait toute joyeuse et heureuse à l'idée de la croquer et l'acheta dès qu'elle put. Elle donna les pièces les plus valeureuses, payant par là bien trop pour une pomme. Lorsqu'en plus de celà le vendeur ne lui rendit pas assez de monnaie, le saltimbanque s'empressa de le réprimander en demandant la monnaie. Le marchand, peu réceptif tout d'abord, résista en démentant son arnaque. La fille s'en fichait bien : elle avait sa pomme et la dévorait avec plaisir. Lorsque le jeune homme réquisitionna avec plus d'insistance, celà n'eût guère plus d'effet. Il découvra alors discrètement son poignard et l'arnaqueur fut bien plus coopératif. Il s'empressa de lui rendre son argent avec un petit dédommagement tout en s'excusant mielleusement.

Ciaa déposa les pièces dûrement récuperées dans sa poche et continua le chemin, appellant la fille pour qu'elle le suive. Ils continuèrent ainsi pendant quelques minutes et arrivèrent sur une place calme entre deux rues marchandes. Le jeune homme s'assit sur un banc tout en amenant la voleuse à venir près de lui. Elle s'assit doucement, finissant sa pomme en souriant. Se léchant les babines, elle jeta le trognon et regarda le saltimbanque dans les yeux. Il parla alors d'une voix douce et tranquille, un petit sourire au coin des lèvres.

"Au fait, vous ne m'avez pas répondu. Acceptez-vous mon rendez-vous ?"

Ciaa invita la jeune fille à le suivre jusqu'à une place, plus calme. Ciaa attira la jeune fille sur un banc. Elle s'assit près de lui et, après avoir fini sa pomme, la jeta au loin. La place n'était pas très grande, et peu de personnes y passaient. Il y avait deux bancs : celui sur lequel ils étaient assis, et un autre de l'autre côté de la place. La pierre dure et assez froide n'était pas vraiment confortable et Alïya ne savait pas comment s'asseoir. La façade des bâtiments, de couleur froide, un gris clair assez sale, était peu accueillante, mais les personnages du décor et les éventaires du marché, un peu plus loin, égayaient ces tons de gris et de marrons. Le temps était clair, et le soleil faisait briller les fenêtres de papier huilé. Elle observa le trognon du fruit sur le sol à quelques mètres, puis se tourna vers lui et le regarda dans les yeux. Il avait des yeux verts, comme la jeune orpheline. La couleur de ses lèvres assez foncées ressortait sur la couleur de sa peau, mat, sans l'être trop. Il semblait musclé, surtout au niveau des bras, et avait une carrure plutôt imposante. Ciaa avait un visage mature et séduisant, mais des joues restées assez enfantines. Elle ne s'attendait pas à faire une rencontre aujourd'hui, elle trouvait cela amusant.

"Au fait, vous ne m'avez pas répondu. Acceptez-vous mon rendez-vous ?"

Elle s'appuya contre le mur en mettant les deux mains derrière la tête. Le jeune homme avait l'air de vouloir une réponse tout de suite. Elle regarda le ciel avant de fermer les yeux, et un sourire se dessina sur son visage. Elle se leva et resta là, debout devant lui, en lui tournant le dos. Les cheveux légèrement en bataille à l'arrière de sa tête, elle passa ses doigts dans sa chevelure dorée. Elle bailla bruyamment en s'étirant.

*Ça pourrait être amusant, un rendez-vous. Et puis... qui ne tente rien n'a rien.*

Elle se retourna et sourit de toutes ses dents.

"C'est d'accord !"

Elle tira le jeune homme par la main, l'invitant à se lever et partit devant lui avec une peu d'avance. Elle continua à avancer, sans trop faire attention à Ciaa. Elle se demandait ce qu'elle pouvait bien faire. Elle choisit de l'emmener vers la foire. Ils traversèrent plusieurs rues, que la foule remplissait toujours. Ils arrivèrent sur une place où l'on trouvait toutes sortes de forains. Acrobate, jongleur et cracheur de feu exécutaient leur numéro comme à leur habitude, entourés d'une foule de citoyens, dont certains leur lançant de l'argent. Elle s'approcha des artistes pour les voir de plus près.

Le jeune homme l'avait suivie à travers quelques rues, ne sachant pas où elle allait l'amener. Il était heureux et souriait : elle avait accepté ! Pendant quelques minutes, ils marchèrent vivement, Ciaa derrière elle, connaissant parfaitement ces rues. Ils entendaient encore le vacarme du marché, un peu attenué à présent, mais là n'était pas la destination qu'avait choisie la fille. Elle avait préferé amener son ami dans un endroit bien particulier : la foire. Là était le lieu dédié aux artistes en tous genres, des souples bateleurs aux drôles bouffons, que la plupart des citoyens aimaient côtoyer pour se détendre et s'amuser en échange de quelques pièces...

"Regardes Ciaa ! C'est beau !"

La jeune fille lui prit le bras, oubliant toutes les manières de politesses et les vouvoiements, et le tira avec elle vers une place où un cracheur de feu impressionait une foule grandissante en lançant des souffles brûlants de plus en plus imposants. Les gens écarquillaient les yeux en voyant celà et jetaient des cris de surprise transperçant le bruit ambiant. Le saltimbanque connaissait l'homme qui causait ces réactions : il s'appellait Ulric et venait d'Ellandy. Son corps était parsemé de tatouages sombres aux formes aîgues et quelques rumeurs lui donnaient une jeunesse passée dans une tribu de sauvages. Nul ne savait s'il en était ainsi. Alïya, après quelques minutes sans avoir bougé, s'ennuya de lui et alla voir l'artiste d'à côté.

C'était un acrobate au crâne rasé dans la force de l'âge et au visage parsemé de multiples cicatrices. Il exécutait ses mouvements torse nu et on pouvait voir la sueur dégouliner le long de son buste. La jeune voleuse le regarda soigneusement. Visiblement, elle tentait d'étudier ses mouvements. Elle n'avait pas lâché le bras de Ciaa, tandis que celui-ci observait également le bateleur. Ce dernier faisait des salti, des roulades et rebondissait partout avec dynamisme. Il jetait de temps en temps des appels au public, voulant visiblement garder avec lui son attention. Cependant, son manège ayant duré depuis plusieurs heures au vu du tas de pièces accumulé à ses pieds, il s'arrêta, fit sa révérence en remerciant la foule puis ramassa toutes ses pièces. Le jeune homme vit une lueur briller dans les yeux de la fille qui l'accompagnait lorsqu'elle vit tout cet argent mais n'y fit pas attention. Il se mit alors devant elle et la regarda en souriant.

"Veux-tu que j'accomplisse un numéro pour toi ?
- Ouiii !"

Le saltimbanque recula alors au moyen de quelques salti arrière et se trouva dans un espace de quelques mètres apparemment libre. Il commenca très fort, tenant en équilibre sur une main et invitant en même temps les passants et les foules environnantes à s'approcher pour assister à son spectacle. Il se projeta alors quelques secondes plus tard en l'air à l'aide de son bras droit et fit un salto suivi d'une roue diagonale, ces mouvements l'amenant face à un mur. Ciaa continua alors, courant contre le mur pour ensuite sauter sur une poutre surpassant le public ébahi. La jolie fille avait les yeux écarquillés et le sourire aux lèvres en découvrant son compagnon si agile ; celui-ci la gratifiant à ce moment-là d'ailleurs d'un clin d'oeil. Il se jeta au milieu de la foule après un cercle complet effectué autour d'une barre de bois. Là, il roula au sol pour mieux se projeter en l'air grâce à une pression de ses jambes contre les dalles en pierre. Ainsi, après un double salto, il atterit dans une révérence et s'immobilisa quelques secondes en écoutant les applaudissements. Des volées de pièces atterrirent à ses pieds alors qu'il souriait à Alïya. Elle aussi souriait.

Après avoir récolté toutes les pièces qui lui avaient été offertes, Ciaa se leva. Il ne trouva pas la jolie fille près de lui. Il entendit alors un petit cri féminin correspondant à sa voix ainsi que des grognements et des injures jetées par une voix d'homme violent et corpulent. Le jeune homme se précipita dans la direction du bruit aussi vite qu'il pût. Là, il découvra son amie par terre, une bourse dans la main et l'acrobate qu'ils avaient regardé plus tôt penché sur elle, la menaçant de son poing. Ciaa courut, mais ne put empêcher un lourd premier coup de poing de l'atteindre sur la joue. Le deuxième n'eût pas lieu d'être, le bateleur au crâne rasé s'étant pris un rapide et puissant coup de pied en plein milieu du visage. Le nez en sang et le front contre terre, il reçut sa dure et lourde bourse sur le crâne et, le temps de reprendre ses esprits, ne vit nulle trace de ses agresseurs.

Quelques rues plus loin, s'étant enfin arrêtés, les deux jeunes gens s'arrêtèrent. Ciaa posa un sévère regard sur la jeune fille. Il la réprimanda sans concessions et ne la regarda plus durant quelques minutes. Cependant, celà ne dura pas plus longtemps car il lui offra un sourire et un regard sympathique peu après.

"Excuses-moi. Maintenant, veux-tu bien discuter avec moi, dans les rues ? Ensuite, je soignerais le coup qu'on t'a infligé."

Elle aquiesça en esquissant un sourire. Ils parlèrent ainsi pendant plusieurs heures, se racontant leurs vies et apprenant à mieux se connaître en arpentant doucement les rues. Puis la nuit tomba...

Un sourire désolé apparu le visage d'Alïya, destiné au jeune homme. Elle le regarda dans les yeux, mais son regard ne lui plut pas. Il la regardait d'un regard lourd et sévère. Réprimandée par son nouvel ami, elle sentit la colère monter et elle eut envie de bouder. Ciaa, voyant la mine déterminée à ne plus parler de la jeune fille, lui sourit et l'observa, plein de compassion.

"Excuses-moi. Maintenant, veux-tu bien discuter avec moi, dans les rues ? Ensuite, je soignerais le coup qu'on t'a infligé."

Ils repartirent, se baladant dans les rues, sans vraiment de but. Pour la première fois, ne rien faire l'amusait presque. Ils commencèrent à parler d'eux, chacun leur tour. Ciaa de la Meraviglia était un noble, qui avait quitté sa famille. Il ne l'apprenait à personne, ce qui fit de Alïya quelqu'un de privilégié. Depuis tout jeune, il aimait regarder les saltimbanques, et une fois parti, sans source de revenu, il décida de faire des acrobaties pour survivre. Naturellement souple et agile, ce fut pratiquement un jeu d'enfant d'apprendre cet art. Il avait aussi reçu une éducation, intellectuelle et militaire, et savait se battre autant à l'épée qu'à mains nues. Arrivé à Dénaros depuis 3 ans, il connaissait assez bien la ville, ainsi que certains citoyens l'habitant. Alïya, quant à elle, commença par la mort de sa mère. Ne baissant jamais le regard, elle parlait tout naturellement et sans difficultés d'un passé plutôt triste. Elle raconta la mort de son père, et comment elle se retrouva à voler pour survivre. Sa sœur, qui avait garder la maison de famille, s'était mariée, et avait de l'argent de cette manière. Mais la cadette ne voulait pas se marier, ni même chercher quelqu'un, et préférait ce qu'elle faisait. Elle aimait l'argent, et sans penser à sa nourriture et à un toit pour la nuit, elle aimait en avoir. Sa sœur, pleine de pitié, acceptait de temps en temps de l'héberger pour une nuit ou deux. Les autres nuits, elle prenait une chambre en auberge, ou dormait quelques fois, très rarement, dans les rues. Elle avait quelques amis, filous aussi, qu'elle croisait mais ne voyait que rarement. Elle avoua à Ciaa qu'elle l'aimait bien, malgré son sérieux et sa maturité. A ces paroles, le jeune acrobate leva la main vers le visage de l'orpheline et lui caressa doucement et tendrement la joue avec un sourire. Elle eut un petit mouvement de recul et elle frissonna sous la paume de son ami. Le regard de cette jolie fille se changea en un regard légèrement interrogateur. Au fur et à mesure qu'ils parlaient et marchaient, la nuit tombait lentement. Elle ouvrit la poche de sa ceinture contenant la bourse volée à Ciaa, et examina le contenu.

*Je pense que j'ai assez pour une chambre à l'auberge...*

"Il commence à se faire tard. Je devrais retrouver l'auberge."

Elle essaya de sourire, mais elle ne réussit qu'à esquisser un sourire léger et timide.

Après ces longues discussions entre les deux jeunes gens, l'heure se faisait déja tard. Alïya voulut retrouver l'auberge pour allez se coucher. Ciaa réfléchit en l'espace de quelques secondes. Il y avait peut-être assez d'argent dans sa bourse pour qu'elle dorme là-bas. Dans ce cas-là, elle se réveillerait le lendemain matin et retrouverait sa vie, sûrement sans jamais revoir le saltimbanque. Lui ne l'oublierait pas, mais elle peut-être. Il s'imaginait ce futur si amer, et décida d'être égoïste pour cette fois.

"Veux-tu venir dormir chez moi, Alïya ?
- Je voudrais pas te déranger.
- Il n'y a pas assez d'argent dans la bourse pour que tu te payes une chambre à l'auberge. Je ne veux pas que tu restes dehors sans foyer, viens !"

Lui souriant, il tendit la main et l'invita à le suivre. Elle lui rendit son sourire tandis que ses yeux lui prouvaient sa reconnaissance envers lui. Traversant sans se presser quelques ruelles dans lesquelles la lumière semblait avoir été bannie, le jeune homme prit sa main et l'amena devant une porte en bois sombre. Il sortit une clé de sa poche, l'inséra dans la serrure et ouvrit sa maison à son amie, la laissant poliment rentrer devant lui. Là, on vit une large entrée, un peu dérangée, mais néanmoins belle, de par ses décorations bien choisies ainsi que ses couleurs accueillantes et ses quelques fenêtres. Ciaa montra alors sa cuisine aux murs de pierre à la jeune voleuse, remplie de viandes, légumes et fruits saumurés, parsemée ici d'un four, là d'une dizaine de couteaux, et de tout le nécessaire que devait contenir cette pièce. Ils allèrent ensuite à l'étage, auquel on accède par un joli escalier, construit dans un bois plutôt clair et doux. Ici étaient les autres pièces, plus intimes, du gîte. Au nombre de quatre, elles étaient respectivement deux chambres, une salle de toilette et une bibliothèque.

Le saltimbanque montra à la jeune fille sa chambre, dans laquelle se trouvait un large lit recouvert de légers draps et sur lequel reposait deux oreillers en plume. Il y avait également une fenêtre, un bureau vide et quelques chandeliers allumés ici et là. Ciaa lui dit qu'il revint et alla dans la salle de toilette. Elle s'assit sur le lit et sourit : il était moelleux ! Quelques secondes plus tard, le jeune homme revint avec un bocal rempli d'une mixture beige. Il ouvrit le pot, et un parfum de canelle s'en échappa. Il s'assit à côté de son amie et lui fit tourner la tête, puis appliqua avec douceur le baume sur sa joue, bleuie par le coup qu'elle avait reçue plus tôt. Ainsi soignée, elle souffla les flammèches qui illuminaient la chambre et alla se coucher, heureuse de l'attention que Ciaa lui avait donnée. Elle avait l'habitude de dormir totalement nue et ne fit pas exception à celle-ci ce soir-là. Son ami s'était retiré dans sa chambre pour lui-même s'endormir avec sérénité et venait d'éteindre ses chandelles. Bonne nuit, Alïya...