L'apprentissage commence par la découverte

Trois mois s'étaient écoulés depuis que Schneizel avait prit Key sous son aile. Depuis, le maître et son apprenti avaient systématiquement évité les villes. Non pas que Schneizel ait craint que l'on puisse les y rechercher, mais plutôt pour commencer son enseignement. Key était un citadin, noble qui plus était. Il n'avait nul besoin d'être formé aux intrigues ou à la dissimulation en milieu urbain. En revanche la survie en pleine campagne, la chasse et la traque étaient loin de lui être aussi familières. Schneizel l'avait donc traîné parmi plaines et bois, l'obligeant à se débrouiller seul pour trouver sa nourriture et s'abriter des éléments. Les débuts furent durs pour le jeune Key Watson, mais il s'adapta rapidement en prenant exemple sur les techniques de chasse et de construction d'abris provisoires de Schneizel.

Quand il le jugea plus apte à se débrouiller seul, Schneizel l'emmena dans les bois de Moniek et ensemble ils descendirent le long du fleuve Diadeehu. Durant leur périple, Schneizel continua à dispenser son enseignement à Key. Le Mercenaire enseigna tout d'abord le Code ainsi que les us, coutumes et hiérarchie de l'organisation à son apprenti jusqu'à ce que celui ci les connaisse sur le bout des doigts. Il porta un soin tout particulier à ces leçons. Le Code était ce qui faisait l'âme de l'organisation, aussi se devait il de l'inculquer correctement à son élève. Il lui fit également travailler ses nouvelles aptitudes à la survie en milieu naturel et lui apprit à connaître et respecter son environnement direct. Enfin il compléta cette formation par un entraînement au combat, car si Key était déjà doué avec une lame, il pouvait encore progresser. Peut être serait il d'ailleurs un jour à même de surpasser son maître dans ce domaine... En tout cas, tant que ce jour ne serait pas arrivé, Schneizel le pousserait à s'entraîner toujours plus.

Au bout de trois mois d'errances, les deux hommes parvinrent sur les côtes du lac Balassy. Schneizel n'avait jusqu'alors jamais dit à Key où ils se dirigeaient. Ils bivouaquèrent durant deux jours devant les eaux miroitantes du lac.

"Tu te demandes ce que nous faisons là, n'est ce pas? Pourquoi nous restons ici? Et bien rassure toi car je compte bien satisfaire ta curiosité. Durant ces trois derniers mois je t'ai éprouvé à de nombreuses reprises et t'ai enseigné ce qu'il y a à savoir sur les Mercenaires. A présent je vais pouvoir juger si tu as vraiment bien retenu mes leçons. Nous allons rentrer au repaire et je t'y présenterai aux autres membres de l'organisation. Taches de t'y sentir à l'aise, car à partir de maintenant, ce sera ta nouvelle maison, et les gens qui la peuplent seront ta nouvelle famille."

déclara Schneizel lorsqu'il décela la lueur de curiosité qui habitait les yeux de Key.

"Si nous sommes restés ici durant ces deux jours, c'était pour que je puisse m'assurer que nous n'étions vraiment pas suivis. Nous prendrons le chemin du repaire dès cette nuit."

conclut il.

La lune était haute et pleine cette nuit là aussi Schneizel et son apprenti n'eurent ils pas besoin de torches pour se repérer dans le noir. Ils progressèrent doucement sur la rive alors que Schneizel cherchait les points de repère qui lui permettraient de retrouver l'entrée dissimulée qui menait à l'île des Mercenaires. Finalement, après deux heures de tâtonnement, Key et Schneizel parvinrent devant un vieil arbre noueux aux racines imposantes. Schneizel se glissa entre deux des racines hypertrophiées de l'arbre et se mit à déblayer l'amas de feuilles qui s'y trouvait. Key lui vint en aide et, à eux deux, ils eurent vite fait de révéler une vieille trappe. Schneizel l'ouvrit, révélant une échelle qui descendait dans l'obscurité. Il fit signe à Key de passer le premier, ce que ce dernier fit sans protester. Avant de passer à son tour, Schneizel amassa les feuilles que lui et Key avaient retiré derrière les planches de la trappe. Ainsi, une fois qu'il eut commencé à descendre et referma la trappe, les feuilles se déversèrent entre les racines du vieil arbre, dissimulant à nouveau la trappe aux regards. Une fois en bas, Schneizel alluma une torche pour illuminer un étroit tunnel de pierres qui descendait en pente douce puis la tendit à Key. Le tunnel était à peine assez large pour leur permettre de passer et sa faible hauteur de plafond les obligeait à se tenir baissés. Malgré ces dimensions modeste, Schneizel avait toujours été fasciné par ce tunnel, celui là même que Callan lui avait fait découvrir alors qu'il n'était lui même qu'apprenti. Le Mercenaire s'était toujours demandé comment ceux qui avaient créé l'organisation avaient pu creuser un pareil accès courant sous le fond du lac Balassy. Comment diable avaient ils pu calculer la profondeur nécessaire à l'édifice? Comment avaient ils pu creuser autant sans se faire remarquer et comment avait ils fait pour y amener toutes ces pierres taillées? Et comment par tous les dieux, pouvait il y avoir en permanence de l'air respirable là dessous?
Les deux hommes se mirent donc à progresser aussi vite que leur permettait leur désagréable posture. A intervalles réguliers étaient bâties de petites pièces suffisamment vaste pour leur permettre de se redresser ou de s'y allonger pour prendre un peu de repos car la route était longue et éreintante. Très vite Schneizel perdit la notion du temps comme à chaque fois qu'il empruntait ce passage (ce qui, il faut bien avouer, ne lui arrivait pas si souvent). Il y avait fort à parier que Key soit tout aussi perdu que lui. Au moins n'était il pas claustrophobe...
Finalement les deux homme arrivèrent au pied d'un long escalier en colimaçon. Le repère se trouvait tout juste au dessus d'eux.

"Bien, nous y voilà! Il n'y a plus qu'à remonter à la surface."

anonça t il d'un ton encourageant. Il ne précisa cependant pas que l'escalier en question comptait plus de cinq cent marches, ni qu'à la fin les attendait une grille gardée en permanence par deux Mercenaires. Après tout, il ne s'agissait que de détail qui auraient tout au plus put ternir l'enthousiasme de Key qui ne semblait pas vraiment fâché de quitter enfin le souterrain.

"Bienvenue sur l'île des Mercenaire, Key Watson, bienvenue chez toi."

Durant trois mois Key vadrouilla sur les routes de campagne, suivant Schneizel comme son ombre. Observant et apprenant au fur et à mesure de leur avancée. Longues furent les premières semaines d’adaptation. La ville, ça il connaissait ainsi que les petites intrigues de cours, Dénaros avait été son terrain de jeu et autant qu’il s’en souvienne il ne s’en était jamais très éloigné. Pourtant il trouva rapidement ses marques, la nature lui semblant une alliée plus fidèle que les rues de la capitales.
Après avoir passé quelques temps en pleine campagne, Schneizel lui fit découvrir l'abri des bois et le lit d'un fleuve. Il n'avait pas retenu leurs noms, cela était le dernier de ses soucis

Il passait ses journées à apprendre, s’entraîner à l’épée, s’orienter en pleine nature, se rendre invisible pour chasser le gibier, traquer, reconnaître les empreintes que les êtres laissaient derrière eux, chercher sa nourritures parmi la grande diversité des plantes. Reconnaître le comestible du poison, apprendre les techniques qui lui permettait de trouver de l’eau en (presque) toutes occasions. Construire des abris surs et facile a protéger, invisible si possible. Et toujours s’entraîner, façonner son esprit et ses sens. Le maniement de l’épée lui avait déjà été enseigné, pourtant avec Schneizel cet art passa à un autre stade qu’il n’avait encore jamais expérimenté. L’arc était un instrument précieux dans la nature et il l’utilisa a bon escient, il appris à créer lui même ses flèches. Il découvrit d’autres fonctions utiles à ses couteaux et sa dague. En un sens un nouveau Key Watson était entrain de naître, plus robuste, plus agile, plus entraîné a parer toutes les éventualités. Pourtant le soir son esprit oubliait les heures de concentrations et d’apprentissages…

Les nuits froides, les étoiles et leurs lueurs traversant le couvert des arbres, l'odeur de l'herbe fraîche que l'on aplatis sous soi pour trouver en vain une position plus confortable, le doux éclat de l'astre lunaire se reflétant dans les prunelles bleutées d'un gamin encore trop jeune pour comprendre comment tourne le monde. Comme une gifle pris de plein fouet, son enfance lui fit face avec autant d'intensité qu'un voyage dans l'eau trouble de cette vie qu'il s'était efforcé d'oublier. L'air frais faisait trembler ce corps frêle, recroquevillé sur lui même comme autrefois, les images du passé lui défilèrent sous les yeux. Aucun espoir à l'époque, juste la peur de ne pas survivre, de ne pas voir de nouveau le soleil se lever. L'enfant rejoignait souvent les petits parcs ou jardins, public ou privé, l'abri d'un arbre était toujours plus réconfortant que le froid glacial de la pierre. Dans les jours de chances un feu brûlait près de lui comme aujourd'hui, les dessins des flammes pareils a des animaux venu d'un autre monde dansaient et évoluaient, de ces mouvements il se créait des histoires qui s'envolaient avec la fumée au petit matin. Voir ses souvenirs enfouit remonter a la surface lui permis de mieux s'accoutumer à sa nouvelle vie et des gestes qu'il pensait avoir oublié furent de nouveau machinaux.

Les jours passèrent, son maître lui enseigna les règles de l'organisation. Il fut très exigent, lui faisant répéter le Code à toutes heure du jour et de la nuit jusqu'à ce qu’elles imprègnent son esprit plus jamais il ne serai en mesure de les oublié, comme marqué au fer rouge a l’intérieur de sa tête.
Alors qu’ils s’étaient établie au bord d’un immense lac, dont il connaissait le nom grâce aux cartes et aux légendes le peuplant, Schneizel lui déclara qu’il allait lui présenter sa « nouvelle demeure » si l’on pouvait exposer les choses de cette manière. Brûlant de curiosité, l’apprenti attendit avec plus d’impatience qu’un âne devant sa carotte que le chemin vers ses rêves les plus fou lui soit dévoilé.

Le soir venu, ayant débusqué un vieil arbre vermoulu, entre ses racines ils libérèrent une trappe, le cœur de Key battait la chamade comme lors des chasses au trésors (ou plutôt courses poursuite avec les commerçants) de son enfance. Key descendit par la trappe le premier sous l’incitation de son maître. Il avait atterri dans un tunnel à en jugé par la proximité des murs de pierre. Schneizel apparu à coté de lui peu après, apportant avec lui les ténèbres. Rapidement une torche lui fut tendu et il s’en empara avec plaisir. ils dévalèrent alors la galerie en pente douce, l’un derrière l’autre. Ses flammes mouvantes ne lui permettait pas d’apercevoir le bout du tunnel. Ils marchèrent et marchèrent encore, le jeune noble aurait bien été incapable de dire le temps qu’ils mirent à cheminer ainsi, s’arrêtant parfois dans des alcôves mis à disposition des rares voyageur, avant de reprendre leur avancée. L’exiguïté de se lieu mettait Key mal à l’aise. Il se demandait où il devait se trouver maintenant, en dessous de quelles terres et vers ou menait se chemin caché, vers quelles contrées se dirigeait-il et qu’allait-il y découvrir. Il n’osait cependant questionné Schneizel, il y avait une part de mystère et de secret la dessous.

Ils arrivèrent enfin à un escalier. Quitter cet effroyable et pourtant énigmatique tunnel n’était pas pour lui déplaire. Tandis qu’il gravissait les marches en pierres l’excitation et l’émerveillement le gagnait. "Bien, nous y voilà! Il n'y a plus qu'à remonter à la surface.". La surface, il dut attendre encore longtemps avant de la discerner, il cru finir de grimper sur les genoux. Fatigué au possible par cette longue traversé, oui car s’il pouvait encore discerner une chose en se moment même c’était bien la longueur du temps.
Des grilles apparurent, gardées par des mercenaires. A la vue de Key, ils se mirent sur la défensive. Trop abasourdit par l’architecture hétéroclite qu’il pouvait apercevoir à travers la grille, il ne se préoccupa nullement d’eux. Lorsque Schneizel arriva, les gardes reprirent leurs positions habituelles, son maître discutât avec eux quelques instant puis les grilles s’ouvrirent.

"Bienvenue sur l'île des Mercenaire, Key Watson, bienvenue chez toi."

Key regarda tout autour de lui, émerveillé. Une ville s’étendait devant lui. Le ciel était inexistant tel une ville souterraine, pourtant les habitations s’élevait hautes par endroit. Malgré cela la ville n’était pas sombre, des sources de lumières étaient disposées assez régulièrement le long des édifices. Laissant quelques instant à son disciple pour se remettre de ses émotions, il reprit rapidement la tête de l’expédition. S’étant remis en marche, Key tournait la tête de tous les cotés essayant d’assimiler un maximum d’information. Les habitations avaient été taillé dans la roche même de la "grotte" qui les abritaient. Ils croisèrent du monde et son maître répondait parfois à des salutations. Le jeune noble prenait en compte chacun de ces visages par mesure de sécurité.

"Cette ville dépasse toutes mes espérances…. Et beaucoup de gens vous salut, êtes-vous connu parmi les mercenaires ? ah ! et…où allons nous ?"

Plus ils avançaient plus les questions se bousculaient, refrénant ses envies bavardes, il laissa cependant échapper celles-ci, pauvre condensé de toutes ses pensées.

Lorsque Key et lui étaient arrivés en haut des escaliers, Schneizel était allé au devant des gardes. Il n'eut même pas à montrer son anneau d'istal, car il avait déjà croisé les deux hommes à plusieurs reprises de par le passé. Les mercenaires ouvrirent l'accès sans commentaire, se contentant de jeter des regards intrigués vers le jeune homme qui accompagnait Schneizel. Schneizel sentit la question qui brûlait leurs lèvres bien avant qu'ils ne la posent, aussi s'esquiva t il rapidement avec Key, ne leur laissant pas le temps de le faire. Il ne faisait nul doute que la rumeur ne tarderait pas à courir.
Schneizel l'indépendant, héritier de Callan, avait il finalement pris un élève sous sa tutelle?

Pour autant Schneizel ne comptait pas confirmer la nouvelle tout de suite. Mieux valait qu'il fasse découvrir l'endroit à Key avant qu'ils ne soient assaillis par les connaissances de Schneizel. S'ils étaient pris à partie d'entrée, Key pourrait être très vite perdu voire intimidé. Schneizel ne voulait pas que le jeune homme soit partout connu comme son élève avant d'avoir pu prendre ses marques. Le Mercenaire entraîna donc son apprenti dans le dédale des couloirs du repaire.
Très vite, il put s'apercevoir que Key ne cessait de tourner son regard de droite et de gauche, comme surpris ou émerveillé par ce nouveau décor dans lequel le faisait évoluer son maître. Un sourire naquit sur les lèvres de Schneizel alors que ce dernier se remémorait sa propre excitation le jour où Callan l'avait finalement guidé jusqu'au saint des saint. Il avait très certainement du faire la même tête à l'époque... En ce temps là il n'aurait jamais imaginé pouvoir se trouver dans la peau du maître un jour. En ce temps là, il pensait que Callan resterait Dominant durant des décennies encore...
Comme il avait été naïf.
Cette époque était révolue, plus rien ne serait plus comme alors désormais...

Schneizel fut tiré de ses pensées quand Key ouvrit pour la première fois la bouche depuis qu'ils avaient refait surface.

"Impressionnant, n'est ce pas? Ca fait le même effet à tout le monde la première fois. Et pour répondre à ta question, oui je connais un certain nombre des Mercenaires qui habitent le repaire. J'étais le disciple de Callan, l'un des anciens Dominants et j'ai été pressenti pour reprendre le flambeau mais j'ai refusé le poste. J'ai donc acquis une certaine notoriété sans même le vouloir..."

Fit Schneizel omettant volontairement sa récente candidature pour ledit poste. Key l'apprendrait bien assez tôt, il n'était pas temps d'en débattre pour le moment. Schneizel conduisit donc Key à travers le hall central saluant brièvement les Mercenaires qu'ils rencontraient sans ralentir le pas. Ils traversèrent ensuite le salon central pour se rendre en direction des lieux de vie. Une volée de marches plus tard, ils arrivèrent devant la porte de l'intendance.

"Attends moi là un instant."

fit Schneizel avant de s'introduire dans la salle. Il en ressortit une minute plus tard, une clef à la main et tous deux se remirent en marche. Une volée de marche supplémentaire et ils arrivèrent dans les quartiers de résidence du repaire. Il marchèrent encore un peu jusqu'à arriver devant une porte qui ressemblait à toutes celles qui tapissaient le couloir qu'il traversaient. Schneizel introduisit la clef dans la serrure qui s'ouvrit dans un déclic. La porte pivota sur ses gonds révélant une chambre modeste, sobrement meublée à l'instar d'une chambre d'auberge. Schneizel y fit rentrer Key puis referma derrière eux. Il jeta ensuite la clef à Key qui la réceptionna au vol avant de s'asseoir sur la paillasse.

"Voici ta chambre, j'espère qu'elle te plaît. Tu peux en faire ce que tu veux tant que tu vivras dedans. Repère bien son emplacement sinon tu risque de mariner longtemps avant de pouvoir te coucher le soir, et crois moi, il y a des jours où tu ne seras pas d'humeur à tourner en rond..."

déclara le Mercenaire en regardant son apprenti déposer ses affaires.

"Préfères tu te reposer un peu ou continuer directement la visite? Oh et si tu as des questions n'hésite pas surtout."

Il est vrai que cette chambre ressemblait à celle d'une auberge, à celle d'un monastère même avec ce style épuré. C'était très loin de ce que Key avait côtoyé ses dernières années, avec les tapisseries qui recouvraient les murs et le mobiliers finement ouvrager qui meublait ses appartements. Il passa une main le long d'un meuble à trois grands tiroirs, sentir le vieux bois polis par les âges et la poussière sous sa paume le fit sourire. Une autre personne avait vécu ici dans un autre temps... quel genre de personne cela avait pu être, il ne le saurait jamais, mais il se sentait proche de celle-ci dorénavant. S'il se faisait accepter par les Mercenaires, le même genre de travail l'attendait. Il déposa ses affaires près de la paillasse et joua un moment avec sa nouvelle clef.

« Merci, je tacherai de ne pas oublier son emplacement et de faire honneur à ce lieu d'accueil. Je crois que j'aimerais découvrir encore avec vous quelques secrets de cet endroit. A-t-il a nom particulier d'ailleurs ? »

Sans trop tarder, ils quittèrent la chambre, Key pris soin de la fermer à clef et de mémoriser son emplacement dans le couloir. Ils quittèrent le quartier des résidences en empruntant une quantité phénoménale de passage et d'escalier en tout genre, à croire que cette ville souterraine avait autant été faite en longueur qu'en hauteur. Ils croisèrent de temps en temps des échoppes, des forges, le jeune homme cru même apercevoir au détour d'un couloir une immense salle remplit de chaises et de tables tel un réfectoire. Puis il aperçut quelques tavernes et cuisines. Schneizel lui présenta le bâtiment qui abritait l'hospice, en bon guide il commentait la plupart des grands édifices et lui donnait des conseils pour savoir comment les retrouver plus tard dans ce labyrinthe. Ils rejoignirent alors une grande et large rue ou se tassaient les boutiques et autres revendeurs à la sauvette. Schneizel voulait lui présenter le terrain d'entraînement des Mercenaires et passer par cette foule était indispensable si l'on voulait éviter un long détour. Essayant de suivre au mieux son maître, le jeune homme ne pouvait s'empêcher d'observer certains étals tout en continuant d'avancer dans cette masse d'hommes et de femmes. Mais sa curiosité et l'amas grouillant de corps humains eut bientôt raison de lui et il perdit la trace du Mercenaire. Avançant avec empressement, poussant, essayant de se faufiler pour le rattraper, au bout de quelques minutes l'apprenti du bien se rendre l'évidence il l'avait perdu et pire que ça, il s'était fait entraîner par la populace dans des rues plus étroites qu'il n'avait encore jamais vu. Et il n'était pas pressé de regagner le quidam traître.

Jurant contre sa stupidité et sa curiosité maladive, il erra dans les rues souterraines, tournant, montant les escaliers en descendant d'autres. Rien de ce qu'il voyait ne faisait d'étincelles dans ses souvenirs, bientôt il se retrouva seul dans à marcher dans les galeries de pierres. La bâtisse paraissait ancienne et de meilleure facture que ce qu'il avait pu observer jusqu'à présent. Il avait dû entrer dans un lieu respecté, le son de ses pas résonnait dans le couloir bien tenu et décoré de légères sculptures murales. S'il en avait eu la patience il aurait pu comprendre l'histoire qu'elles représentaient, mais quelque chose dans ses tripes lui disait qu'il n'aurait pas dû se trouver là et qu'il ferait mieux de sortir d'ici au plus vite d'ici. Cherchant en vain une sortie, il tourna dans un autre couloir perpendiculaire, la lumière semblait plus vive de se coté-ci. Quelques portes longeaient le couloir à présent. Key entendit des bruits de pas, il ne savait que faire, devait-il se cacher ou attendre que la personne soit à sa hauteur et lui demander son chemin? Mais après tout il était apprenti et dans cette ville il n'avait sûrement aucune raison d'essayer de se dissimuler. Il se força à inspirer une bonne bouffé d'air avant de continuer sa route, advienne que pourra.

Des palabres, encore des palabres, toujours des palabres ! C’était tout ce qu’ils étaient en mesure de faire : parler. Tous les jours, Ciara les entendait lancer leurs revendications, les Mercenaires. Jamais elle n’était tranquille. Que ce soit au lever, aux heures de repas ou tard le soir, ils trouvaient prétexte à venir la déranger. Des comptes-rendus, des questions, des discussions amicales, tout y passait, n’améliorant en rien l’humeur de la Dominante qui avait eu fort à faire depuis plusieurs jours. La rencontre avec Dan l’avait mise dans un tel état de colère qu’elle se montrait plus taciturne qu’à son habitude, à la limite de l’impolitesse. Grognant, pestant, jurant sur son sort et celui de l’organisation, le mot « sourire » était presque banni de son dictionnaire interne. Plus froide, distante et irascible que jamais, Ciara lançait des regards noirs à tous ceux qui se trouvaient sur son chemin. S’ajoutait à cela la fatigue des voyages accumulés depuis deux semaines. A aucun moment elle ne s’était arrêtée plus d’un jour, courant toujours dans tout le repaire et parcourant des miles et des miles à l’extérieur.

Accompagnée d’Alys et de son fidèle apprenti, elle était allée voir Dan, lui-même suivi de près par une mystérieuse Elfe du nom de Maëlanne Wijda. La rencontre aurait pu très mal tourner si Ciara n’avait pas été là pour canaliser les émotions d’Alys et la retenir de s’attaquer au roi. Le voyage avait éreinté tout le monde. Mais là, tout se cumulait, et la tête de Ciara ne désemplissait pas de paroles qu’elle avait entendues de toutes parts. Elle visitait souvent l’apothicaire, afin qu’il lui donne un remède efficace contre ses maux de tête. Mais elle se rendit compte que rien n’était aussi efficace que l’Istal lui-même. Un soir, perdue dans ses pensées, écoutant Galaad parler, elle porta à ses lèvres l’anneau glacé, puis sa langue entra en contact avec le métal froid. L’amère sensation fut bien présente et envahit tout son corps, mais elle emporta avec elle la migraine dont souffrait Ciara. Et ainsi, dès que son esprit s’embrouillait trop, la Mercenaire portait l’anneau sombre à sa bouche pour en tirer le remède miracle contre les maux de tête.

Cette journée ne commença pas mieux. Levée aux aurores après une nuit à la fois interminable et trop courte, elle quitta la chambre pour aller se repaître un peu, et s’était lancée à la recherche d’Alys, avec qui elle avait prévu une conversation pour faire le point de tous les événements. Les heures s’étaient écoulées lentement depuis que les deux Dominantes étaient entrées dans la salle où le son de leurs voix résonnait. Mais enfin, elle sortait, avec la ferme intention de s’isoler et récupérer une paix intérieure.

Ciara avançait de son pas rapide et volontaire dans le couloir déserté presque toujours de tout Mercenaire. Tout était calme, pas un bruit. Arrivée là, Ciara avait ralenti l’allure, retardant au plus le moment où elle rejoindrait une artère principale du repaire qui grouillait de monde. Ha non ! Elle n’était pas seule. Devant elle, à plusieurs mètres, errait, seul et apparemment perdu, un Mercenaire. Ou une Mercenaire. Les cheveux longs de la personne et sa silhouette fine et élégante prêtaient à confusion… A voir cette personne de dos. Visiblement déboussolée, Ciara douta qu’il puisse s’agir d’un Mercenaire et son allure s’accéléra. Le faux Mercenaire ne s’était pas tourné, au son des pas de Ciara, qui commençait par trouver cette présence assez louche. Arrivée à hauteur de la personne, elle posa une main ferme sur l’épaule de l’intrus et dit d’une voix glaciale, intimidante et inébranlable :

-Qu’est ce donc qui vous fait partir si vite ? La peur de croiser un supérieur, ou celle de voir un Mercenaire ?

Découvrant le visage de la personne, elle reconnut un homme, aux traits fins et surement d’origine elfique. Il ne manquait certes pas de charme et d’élégance, mais la Dominante était persuadée de ne pas connaître ce type qui errait seul dans les couloirs, et l’absence d’istal sur lui prouvait qu’il devait être apprenti. Il était plus grand qu’elle, mais la dominante parvenait sans peine à faire savoir qu’elle était plus haut placé que d’autres, lorsque la situation l’exigeait.

-Perdu dans ce repaire vous ne pouvez être qu’un apprenti débutant, et doté de peu de jugeotte. D’ordinaire les apprentis perdus se contentent d’errer dans les couloirs emplis de Mercenaires à disposition pour une aide d’orientation. Ils ne vont pas se perdre plus encore dans les tréfonds du repaire, que même les plus aguerris ne fréquentent guère. Qui êtes vous, et quel est ce maître qui a pris sous sa tutelle quelqu’un de si piètre en orientation ?

Exaspérée par ce genre de personnes, Ciara toisa l’apprenti de son regard pénétrant et dénué de toute expression bienveillante. La main sur la pomme de son épée, elle demeura plantée devant le jeune homme.

Sujet: Re: L'apprentissage commence par la découverte Mar 30 Mar 2010 - 19:30

Le léger bruit rythmé d’une marche régulière résonnait avec écho sur les parois rocheuses de la galerie. Alys se déplaçait avec des mouvements économes, acquis grâce à son ancien entraînement en tant qu’apprentie. En plus de son expérience personnelle, et toute aussi importante, comme Mercenaire compétente.
Elle venait de s’entretenir avec Ciara et cela devenait peu à peu une habitude entre elles deux. Surtout ces derniers temps. Dès qu’elles s’étaient séparées, un Mercenaire était venu trouver Alys, l’informant que le forgeront la mandait. Sachant de quoi il s’agissait, et après un léger remerciement envers le messager, la Dominante prit le chemin convenu sans le moindre commentaire.

A son arrivée à la forgerie, un apprenti s’y trouvait déjà, apprenant du regard et de l’écoute la maîtrise que lui enseignait son mentor. Un apprenti qui allait différer de tous les autres. Il apprenait un art supplémentaire, dans un but bien plus précis. Un art qui lui permettrait de servir l’Organisation d’une bien autre manière que tous les autres Mercenaires. Elle espérait qu’au fil des années il puisse devenir l’égal de son maître.
Dès qu’il la vit, l’apprenti commença un salut, qu’Alys lui fit interrompre aussitôt, lui faisant savoir d’un geste qu’il était plus important qu’il suive sa leçon. Le maître ne lui adressa qu’un bref regard, se résignant à grande peine à perdre des yeux son œuvre. La jeune femme attendit patiemment qu’il en termine avec celle-ci. Et dès que cela fut fait, le forgeron lui adressa un salut plus honorable, auquel Alys ne répondit que par un sourire. Il s’absenta un moment, la laissant seule pendant quelque temps avec l’adolescent à la limite de la majorité. Il revint avec une arme qu’il tendit, garde en avant, à la Dominante. Lorsqu’elle la retira du fourreau, un léger chuintement se fit entendre. La lame était neuve et sans la moindre imperfection. Le sabre ne possédait pas la moindre décoration, n’était munit d’aucun superflu. Ce n’était pas un joujou de parade mais une arme pour combattre. Pour tuer.
Elle avait été confectionnée selon les critères de la jeune femme, et sous sa demande. Ainsi ne fut-elle pas étonnée de voir une garde recouvrir une grande partie de sa main lorsqu’elle l’empoignait. Elle fit tourner ses doigts autour du pommeau comme elle le faisait lorsqu’elle se battait. Le passage d’une position à une autre était facilité et peu remarqué puisque cet acte était désormais caché à ses adversaires. Bien que ce soit un sabre, la lame possédait deux tranchants, ce qui rendrait plus pratique l’une de ses pratiques.
Satisfaite, Alys rengaina la lame, le sourire persistant un long moment sur son visage. Et que le forgeront lui renvoya tel un miroir.
Elle se défit de son ancien sabre et du peu de poignards qu’il lui restait et se muni de sa nouvelle possession. De nouveaux poignards lui furent tendus, pour remplacer les anciens, et Alys s’en saisit sans un mot. Elle les testa, les uns après les autres, vérifiant leur équilibre puis les glissa entre les bandelettes en cuir qui lui recouvrait les cuisses.
Pendant cet échange, le forgeron inspecta les armes délaissées par la Dominante, claqua de la langue en secouant la tête lorsqu’il observa minutieusement son ancien sabre. D’après lui, la lame n’aurait plus tenu très longtemps. Ce n’était pas vraiment de la faute de la jeune femme si certain de ses adversaires se battaient comme des bourrins et paraient comme des campagnards. Difficile de garder une lame en bon état face à ce genre de combattants.
Alys remercia l’homme et lança un clin d’œil à l’apprenti, aussi surprit que gêné, avant de quitter les lieux.

Il lui fallut un petit moment avant de s’habituer à ce nouveau sabre, plus léger que son prédécesseur. Elle prit les galeries lui permettant de se rendre vers les bains, évitant les grandes artères et privilégiant les petits tunnels peu, voire pas, fréquentés.

Cela faisait quels temps déjà qu’elle et Ciara avaient rencontré le Roi Dan, accompagnées de l’imprévisible Galaad. Aux côtés du monarque, il y avait eu une elfe, dénommée Maëlenne. Une charmante inconnue mais qui cachait sous ses traits angéliques une menace bien réelle.
Alys avait encore du mal à croire que par deux fois elle s’était tenu face à cet homme qu’elle haïssait tant et qu’elle n’avait pas sut prendre sa vengeance, tel qu’elle l’aurait souhaité. Cela était principalement dut à la présence de Ciara. Mais aussi à son statut de Dominante. En tant que Mercenaire, Alys se devait de respecter le Code. Et désormais qu’elle était Dominante, elle ne pouvait en aucun cas donner le mauvais exemple. Le viol du pacte ancestral, de la part d’une Dominante qui plus est, aurait été inacceptable pour l’Organisation. Alors, malgré toute son amertume, Alys s’était contenu. Elle attendrait le moment le plus propice pour son plan. L’instant où ce traitre de Dan passerait de vie à trépas.
Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, la colère d’Alys avait quelque peu disparu. Et sa monotonie avec elle. Et même si l’envie d’assouvir se vengeance couvait encore en elle, la jeune femme reprenait peu à peu du poil de la bête et laissait à nouveau s’exprimer ce caractère enjoué qui la caractérisait tant.
Cela était certainement dût au fait que, désormais, elle savait réellement ce qu’il était advenu de Selana et de Callan. Elle était libéré d’un poids considérable. Connaître et encaisser la vérité, surtout de la manière dont elle l’avait obtenu, était ardu. Mais moins pénible et douloureux que de s’inventer mille scénarios sur ce qu’il aurait pu se produire.

Perdue dans ses pensés, elle ne remarqua pas que des voix s’élevaient devant elle, de plus en plus proches à mesure qu’elle s’avancer dans une galerie annexe et généralement impratiquée. Lorsqu’elle prit enfin conscience de ce fait, elle reconnu la voix de Ciara et sut à son ton que quelque chose l’irritait.
Continuant son allée d’un bon pas, elle finit par apercevoir sa collègue s’adressant à un jeune homme, qui se retrouva prit entre les deux femmes. Aux paroles de la Dominant, Alys comprit très vite la situation. Un apprenti ? Si c’était bien le cas, elle allait bien rire. Sinon… ça ne l’empêcherait pas de s’amuser non plus.
- Tu aurais dû me dire que tu partais à la chasse Ciara, je t’aurais accompagné avec grand plaisir.
Afin que le jeune homme reste bien entre Ciara et elle, la brunette lui attrapa l’épaule et le força doucement à se tourner vers elle. Elle inclina doucement le visage, tout en observant les traits de l’inconnu. Car c’était bien le cas, elle ne connaissait pas cet homme. Et pourtant elle avait une bonne mémoire quand il s’agissait d’identifier les gens.
A première vue, son visage était fin et sans la moindre égratignure. Elle inspecta les parties visibles de son corps, sans les toucher, comme ses mains, son cou… Ce n’était pas le corps d’un aventurier de longue date. Il était trop… neuf… Sa chevelure était impressionnante de par sa longueur. Rare était les gens qui pouvait se permettre d’avoir les cheveux si longs. Même parmi les nobles :
- Un apprenti qui n’est pas tenu en laisse est un innocent petit agneau qui s’égare toujours malencontreusement.
Avec une douceur feinte, la main de la jeune femme se resserra davantage sur l’épaule de l’elfe, alors que son autre main remontait le long de sa cuisse, caressant la lame d’un de ses poignards personnels. Les yeux d’Alys pétillèrent de malice alors d’un sourire découvrait lentement ses dents :
- Mais vois-tu, petit-innocent-qui-n’est-pas, tu es dans l'antre des loups. Et il serait dommage que tu finisses un jour dans leurs panses.

Sujet: Re: L'apprentissage commence par la découverte Mer 31 Mar 2010 - 19:00

"Un nom particulier? Non. Utiliser des noms communs pour nos refuges et institutions peut sembler simpliste mais c'est l'une des traditions qui a permit de soustraire l'organisation aux yeux du monde pendant plusieurs millénaires. Même un espion suffisamment doué pour surprendre les propos de Mercenaires ne pourrait rien faire avec des informations si peu précises."

déclara Schneizel avec un haussement d'épaule pour répondre à la question de son apprenti.
Le Mercenaire entraîna alors son apprenti à sa suite et la visite pu reprendre. Après s'être occupé de lui avoir montré les principaux lieux de vie, Schneizel décida de mener Key vers les terrains d'entraînement. Il valait mieux que l'elfe retienne le chemin car le Mercenaire comptait bien l'y faire passer la majeure partie de son temps durant les semaines qui viendraient. Key était plutôt du genre studieux, il apprenait vite et se débrouillait fort bien au combat mais il n'était pas encore prêt pour accompagner Schneizel en mission, du moins pas aux yeux de ce dernier. Le Mercenaire comptait en effet se montrer particulièrement sévère concernant l'apprentissage qu'il ferait subir à Key. Il ne comptait pas refaire deux fois les mêmes erreurs. Il ne s'était pas montré assez exigeant la dernière fois et cela ne lui avait valu que des remords. Jamais plus il n'aurait à utiliser la laytis pour corriger sa faiblesse, il se l'était juré depuis qu'il avait abandonné Elestine. Et il comptait bien tenir sa promesse.

Ainsi donc Schneizel et son apprenti s'engagèrent ils dans la marée humaine qui saturait la rue principale. Le Mercenaire enjoignit son élève à ne pas le perdre de vue. S'ils venaient à être séparés, se retrouver serait au moins aussi ardu que de rechercher une aiguille dans une botte de foin. Schneizel se mit donc à se faufiler parmi la foule, devant parfois jouer des coudes pour se frayer un passage. Cela n'était certes guère plaisant mais l'on s'y habituait vite. De plus, tout citadin connaissait ce genre de cohue par coeur. Il suffisait de s'approcher des quartiers commercial de n'importe quelle ville de taille respectable pour se retrouver dans une situation similaire.

"Nous sommes bientôt arrivés. Les terrains sont derrière ces bât... Key??"

Se retournant pour s'adresser à son apprenti, Schneizel venait de se rendre compte de l'absence de ce dernier. Le Mercenaire scruta un instant la foule cherchant en vain le visage désormais familier de l'elfe. Le ne trouvant pas il poussa un grognement d'exaspération avant de se remettre à fendre la foule pour revenir en arrière.

*L'imbécile! Je lui avait pourtant dit de ne pas me perdre des yeux!*

grommela intérieurement le Mercenaire.
Schneizel parcourut l'artère principale de long en large, s'engagea dans les rue annexe et scruta même les étals des marchands à la recherche de son apprenti, en vain...
Un bonne heure avait du s'écouler quand Schneizel s'arrêta pour tenter de reprendre calmement ses esprits. Ce fut au contraire la rage bouillonnante, qui couvait depuis un moment déjà en son fort intérieur, qui l'envahit soudain, à tel point qu'il dut se contenir pour ne pas hurler. Crétin de disciple! Ne pas le perdre de vue, c'était pourtant simple, non? Comment pouvait il espérer devenir Mercenaire s'il n'arrivait pas à respecter une consigne aussi élémentaire?
C'est alors que le regard de Schneizel se posa sur l'entrée d'un couloir bien particulier. Un couloir que seuls les Mercenaires les plus gradés ou expérimentés et les messagers avaient le droit d'emprunter. La colère de Schneizel le quitta en un instant pour ne laisser derrière elle qu'un sombre pressentiment.

"Il n'est quand même pas rentré là..."

laissa échapper Schneizel pour lui même. Tenaillé par le doute, le Mercenaire s'engagea dans le couloir. Il n'avait parcouru qu'une centaine de mètres quand il atteignit un croisement d'où s'élevaient des voix. Deux voix on ne peut plus familières. La première, dans laquelle se lisait une profonde irritation, devait clairement appartenir à Ciara; quand à la seconde, où pointait une ironie menaçante, elle ne pouvait appartenir qu'à Alys. Sans même avoir à tourner dans le couloir perpendiculaire, Schneizel comprit à qui elles s'adressaient. Le Mercenaire posa avec lassitude la paume de sa main droite devant ses yeux et secoua la tête, affligé.

*De tous les couloirs du repaire, il a fallu qu'il vienne ici...*

se dit il, partagé entre le soupir et le rire nerveux. Il n'était même plus en colère contre Key, il avait même presque un soupçon de compassion envers lui, presque... Se mettant à sourire légèrement de l'infortune de son apprenti, Schneizel s'engagea dans le couloir où l'elfe était coincé entre les deux Dominantes.

"Je vous prierai de ne pas le dévorer tout de suite. Cela m'affligerait d'avoir à chercher si vite un autre apprenti, quand bien même celui ci n'est pas capable de suivre mon conseil, n'est ce pas, Key?"

déclara Schneizel d'un air décontracté qui tranchait avec le reproche implicite contenu dans ses paroles.

"J'aurais préféré que vous soyez présentés dans d'autres circonstances, mais maintenant que nous y sommes... Ciara, Alys, voici Key Watson, mon apprenti. Key, te voici en présence de Ciara Mefilena et d'Alys Dylamir, les deux Dominantes Mercenaires."

ajouta t il en se délectant à l'avance de l'effet que produirait sa déclaration sur son malheureux disciple.

Key entendit les pas se rapprocher. Au moment où il comprit que la personne se trouvait juste derrière lui, elle lui pausa une main sur l'épaule. Cela lui fit l'effet d'être prit dans un étau de fer. Une voix féminine comme sortit des profondeurs s'adressa à lui. Bien qu'intimidante, le ton qu'elle avait employé lui était familier, plusieurs seigneurs qu'il avait croisé à Dénaros l'utilisait pour bien montrer leur supériorité et cette façon de faire l'agaçait profondément.

-Qu'est ce donc qui vous fait partir si vite ? La peur de croiser un supérieur, ou celle de voir un Mercenaire ?

Key considéra quelques instants la femme qui l'avait interpellé, d'une tête plus petite que lui, ils devaient cependant avoir le même âge. Brune, les cheveux lui arrivant à la hauteur des épaules, elle avait dans le regard une autorité non feinte.

Déjà exaspéré par sa propre stupidité et le fait de s'être perdu dans les dédales du repaire. Il lui répondit sèchement, une lueur glacée dans son regard bleu-gris.

« L'angoisse n'est que pour les lapins. Et à ce que je sache même si nous vivons sous terre nous sommes encore point de cette espèce. Sachez que la peur n'a jamais guidé mes pas et même si c'était le cas, quel homme tournerai de la sorte le dos à un poursuivant ? »

Il était clair que c'était une Mercenaire confirmée pourtant Key, sur le bord de la crise de nerf, n'en avait cure. Elle avait fini par l'agacer sérieusement. Quand la première personne que vous croisez depuis près d'une heure, vous apostrophe froidement pour vous faire des remontrances alors que vous ne la connaissez même pas... Il y a de quoi sortir de ses gonds.

-Perdu dans ce repaire vous ne pouvez être qu'un apprenti débutant et doté de peu de jugeote. D'ordinaire les apprentis perdus se contentent d'errer dans les couloirs emplis de Mercenaires à disposition pour une aide d'orientation. Ils ne vont pas se perdre plus encore dans les tréfonds du repaire, que même les plus aguerris ne fréquentent guère. Qui êtes-vous et quel est ce maître qui a pris sous sa tutelle quelqu'un de si piètre en orientation ?

Prenant sur lui pour ne pas éclater, il ne put cependant s'empêcher de rétorquer.

« Vos sarcasmes ne servent à rien si ce n'est à flatter votre ego. Quand à vos grands airs, gardez les pour vous. Lorsqu'on interpelle un inconnu de la sorte, la moindre des choses c'est de se présenter à lui. De ce fait je ne répondrais à aucunes de vos questions. Et laissez moi passer que je retrouve ma route dans ce labyrinthe ! »

A peine eut-il fini sa phrase qu'une autre main s'abattit sur son épaule. Il n'entendit personne s'approcher trop occupé à se contenir. Serrant les dents et suivant le mouvement impérieux de l'inconnu qui l'avait pris en traître, il se prépara à une nouvelle confrontation.

-Tu aurais dû me dire que tu partais à la chasse Ciara, je t'aurais accompagné avec grand plaisir.

Ainsi celle qui l'avait abordé se nommait Ciara. Et de toute évidence la nouvelle femme qui les avait interrompu était une de ses connaissances. Jetant un dernier coup d’œil à la dénommé Ciara, il détourna les yeux en direction de la nouvelle menace.

Heureusement pour lui, Key savait cacher ses émotions et le masque d'indifférence qu'il portait ne lui fut jamais aussi bénéfique qu'à ce moment précis.
Elle était légèrement plus petite que lui, ses yeux d'ambres le détaillaient. Dans d'autres circonstance le fait d'être observé ainsi aurai pu le faire rougir, mais le masque qu'il s'était appliqué à conserver le préserva. Quelques mèches de cheveux tombaient dans un bel ensemble désordonné sur son visage fin. Les autres étant retenus par un poignard.
Etrange manière de se coiffer nota l'apprenti. Etrange et dangereuse en tout point. Bien qu'elle aurait pu en paraître plus, il discernait chez elle une certaine joie de vivre et une naïveté qui ne lui permettait d'avoir qu'une vingtaine d'année. Key la contempla; la tête inclinée sur le coté, elle semblait se réjouir de cette situation. Sous une emprise dont il ne décelait pas la nature, il se surprit à sourire. Occultant totalement la présence de Ciara dans son dos.

« Ainsi je serais votre gibier ? Je ne saurais dire si cela m'inquiète ou me complais. Etre pourchassé par une femme est toujours un plaisir...»

Adoptant une attitude plus séductrice, le jeune homme ne savait pas s'il voulait la voir rougir ou bien se mettre en rogne contre son impétuosité. Ne savant trop comment réagir avec elle, il n'était sure que d'une chose, il ne restait pas indifférent à son charme naturel.

-Un apprenti qui n'est pas tenu en laisse est un innocent petit agneau qui s'égare toujours malencontreusement.

-Mais vois-tu, petit-innocent-qui-n'est-pas, tu es dans l'antre des loups. Et il serait dommage que tu finisses un jour dans leurs panses.

L'attitude de la jeune femme changea, bien que sa voix et ses gestes restaient doux, ses paroles annoncèrent une menace qui se précisa quand elle en vint à tâter ses lames.
Il avança sa main, frôlant celle de la jeune femme, puis il lui déroba le poignard qu'elle caressait quelques instants auparavant. L'amenant à hauteur de son propre visage, il l'examina minutieusement.

« Vos armes sont de bonnes factures, mais elles n'ont encore jamais servis, seriez-vous une jeune louve inexpérimenté ? Dans ce cas, le-petit-innocent-qui-n'est-pas n'a pas trop à s'en faire... »

Un sourire s'étira sur ses lèvres. Faisant tourner la lame entre ses doigts agiles, il la reposa dans son étuis. Puis prenant la main de la Mercenaire entre les siennes, il y déposa, en prenant un temps infini, un léger baiser. La peau était douce sous ses lèvres, il y sentait également les cals sur ses doigts causés par le long maniement des armes. Ce mélange de douceur, de dextérité et de force l'impressionnait d'autant plus chez une femme. Habitué depuis trop longtemps à ces femmes de la cour, il se méfiait plus de leurs atours et de leurs paroles que de leur puissance au combat.

Key Watson se redressa brusquement, son regard transperça celui en amande de la belle demoiselle. Leurs visages furent soudainement à quelques centimètres l'un de l'autre. La Mercenaire eut un mouvement de recul face à cette présence si proche de la sienne. Il s'avança vers elle, mais en accentuant son maintient, se redressant cette fois-ci de toute sa hauteur. Son geste fut trop rapide, trop vif, il lui percuta l'épaule gauche, la déséquilibrant momentanément. Reculant sous le coup de l'impact, ses pieds s'emmêlèrent. Elle tomba, un bras légèrement ouvert pour rétablir l'équilibre perdu, en vain. L'autre main, prisonnière de Key, ne faisait finalement qu'accélérer l'inévitable. Instinctivement, le jeune noble s'élança.

Tout se passa en quelques secondes. Elle, dans ses bras, un poignard dans sa main libre, une jambe à demi levé. Lui, le souffle court penché sur elle, la portant à moitié. Ses propres cheveux tombant sur le corps qu'il venait de secourir. Puis une douleur, le sang gicla et vint s'écraser en gouttelette sur le bras nu de la Mercenaire. Ses sourcils se froncèrent, tentant de localiser la plaie. La sensation de brûlure s'intensifia au niveau de sa jugulaire. Le sang coulait à présent sur son cou en petits filets, gorgeant la base de sa tunique du précieux fluide.

Un sourire naquit, même si la blessure n'était que le fruit du hasard, ce en quoi il doutait considérablement, elle avait sorti ses griffes et touché un point des plus sensibles. Un poil plus profond et s'en était fini du valeureux apprenti. Il remit sur pied la Mercenaire, se reculant respectueusement cette fois. De nouveau entre les deux jeunes femmes il n'esquissa qu'un geste en direction de sa gorge. Faisant un point de compression sur la blessure pour arrêter le flot léger mais continu.

-Je vous prierai de ne pas le dévorer tout de suite. Cela m'affligerait d'avoir à chercher si vite un autre apprenti, quand bien même celui-ci n'est pas capable de suivre mon conseil, n'est-ce pas Key?

Une voix qu'il n'avait cessé d'entendre ces derniers mois, résonna dans le couloir. Les yeux de l'apprenti trouvèrent le maître. Le saluant d'un mouvement du buste, il garda les yeux rivés au sol en signe de pénitence. Le sang le chatouillait à la base du cou, sensation désagréable dans une pareille situation.

La remontrance de Schneizel le cuisait. Effectivement il n'avait même pas été capable de suivre ce simple conseil, s'en était consternant. Et c'était le Mercenaire qui s'était chargé de le retrouver et non l'inverse, double source d'affliction pour le jeune homme.

-J'aurais préféré que vous soyez présentés dans d'autres circonstances, mais maintenant que nous y sommes... Ciara, Alys, voici Key Watson, mon apprenti. Key, te voici en présence de Ciara Mefilena et d'Alys Dylamir, les deux Dominantes Mercenaires.

Quoi ! La tête inclinée, fixant le sol, ses yeux bougeant à une vitesse folle, remettant en place tous les éléments qui lui étaient révélés. Prise de conscience soudaine, le visage se relevant, scrutant celui de Schneizel dans l'espoir que tout ceci ne soit qu'une farce. Non ! Combien de chance aurait-il put avoir de tomber simultanément sur deux dominantes parmi la masse de Mercenaire qui vivait dans ce souterrain. Impossible et pourtant... Rien dans leurs attitudes ne lui montraient le contraire. Son regard se porta tout d'abord sur Alys, qu'il avait osé agressé et faire tombé. Son masque s'était brisé, elle pouvait lire le regret qui se peignait sur sa figure.

Quand soudain, il se rappela l’attitude qu’il avait eu quelques instants plus tôt à l’encontre de la deuxième Dominante, celle qu’il avait presque insulté ouvertement. Son visage perdit le peu de couleur qui lui restait après cette annonce. Il se retourna d’un bloque, doucement en direction de cette femme.
Maintenant il comprenait mieux pourquoi elle arborait ses airs de madame j’ordonne…
Quel crétin fini était-il pour avoir pu en moins de temps qu'il en faut pour le dire, se mettre dans une situation pareille?
Face à la « Dame », il esquissa l’ébauche d’un sourire, crispé à l’encoignure de ses lèvres.

« Enchanté de vous rencontrer... »

Ciara ne bougea ni ne sourcilla d’un pouce lorsque l’impétueux apprenti lui répondit avec une vigueur et une froideur semblables à celles de la Dominante. C’était très rare que quelqu’un s’adresse à elle de la sorte. Seuls des anciens Mercenaires encore habitués à des Dominants bien plus aguerris ou alors guidés pars leurs propres idées l’osaient, mais des apprentis, jamais. Le regard de la jeune femme ne se fit que plus froid et dur, faisant concurrence aux yeux d’acier de l’Elfe qui lui faisait face, la mine renfrognée. Le visage figé comme atteint d’une paralysie chronique, Ciara rétorqua, bougeant à peine les lèvres :

-La peur peut atteindre n’importe quel homme lorsque celui-ci n’est pas en terrain conquis, qu’il est seul et sans presque aucun espoir de s’en sortir indemne. C’est ce même homme, bloqué par sa peur d’une issue sans retour qui tourne le dos à son poursuivant. Mais vous apprendrez cela, lors de votre apprentissage.

Ainsi elle pensait avoir fait taire l’apprenti, et pouvoir passer à autre chose, mais il n’en fut rien. Et Ciara fut outrée de l’entendre à nouveau lui lancer une cinglante réplique au visage. C’était vrai que ces derniers temps, la Dominante avait l’esprit préoccupé, qu’elle pouvait se montrer fort désagréable et taciturne envers ceux qui l’entouraient, alors que parfois ils ne le méritaient pas. Peut être méritait elle qu’on la remette à sa place. Mais son orgueil lui interdisait d’accepter toute critique à des fins bénéfiques, mais plutôt comme une attaque directe liée à un combat mené contre elle. Qu’un Mercenaire lui dise, elle le tolérait mais de justesse, tout dépendrait du Mercenaire en question, un ami, oui, elle pouvait l’accepter sans pour autant l’avouer, mais un apprenti, non. Se prendre une telle claque en plein visage par un jeune homme tout juste embauché et encore novice en matière de Mercenariat, c’était intolérable.

-Sachez, monsieur, que mes sarcasmes n’en sont pas, et qu’ils ne sont qu’une suite de constatations menant allègrement à une conclusion qui est loin d’être fausse. Vous êtes ici au sein d’une société à part, qui est cependant régie par des règles hiérarchiques plutôt simples à retenir, ainsi que des règles de savoir vivre. Vous êtes bien mal placé pour vous aventurer comme donneur de leçons, apprenti. Peut être un jour, lorsque vous aurez fait vos preuves, pourrez vous vous permettre de vous adresser de la sorte à un Mercenaire, même moi, mais à ce jour, vous demeurez un apprenti perdu au milieu d’un terrain inconnu, et il vous serait plus judicieux de vous montrer coopératif, l’aide pouvant être apportée par des pairs est toujours précieuse.

Alys était arrivée juste au moment où Ciara entamait sa tirade. Le regard d’émeraude de la dominante glissa vers son amie qui bloquait toute éventuelle fuite de l’apprenti. L'arrivée de son amie, et ses paroles légères bien que sérieuses, avaient réveillé l'instinct joueur de Ciara. La vivacité d'Alys égayait toujours Ciara, et pendant quelquesm inutes, Ciara était plus d'humeur joueuse que sévère.

-Je ne débusque pas le gibier avec tant de plaisir que toi, Alys. Cet apprenti est perdu, et refuse de répondre à toute question. J’ignore ce que nous pourrions faire de lui. Une si forte tête au sein des Mercenaires, et il n’est qu’apprenti. La Laytis serait un bon remède.

Elle s’adressait à Alys, oubliant totalement le jeune Elfe qui était prisonnier entre les deux Dominantes. Le regard à la fois doux et carnassier d’Alys était somme toute aussi dangereux que la froideur de marbre dont faisait preuve Ciara. Il s’adressa à Alys, oubliant réciproquement Ciara. Cependant, ce n’était pas sur le même ton. Il parlait plus posément, et moins sous le coup de l’irritation. Toujours derrière lui, Ciara rétorqua tout de même :

-Un plaisir lorsqu’il s’agit d’une demoiselle toute poudrée et parfumée à l’eau de rose et qui ne demande qu’à être regardée par l’homme qu’elle chasse. Ici nous ne sommes pas dans un jeu de séduction.

Son ton était toujours froid et cassant. Le torse bombé, même si l’apprenti ne la regardait pas, Ciara avait conservé son air impérieux. Alys le menaça alors, tout en douceur. Mais le jeune homme ne semblait pas la prendre vraiment au sérieux. Quel était ce genre d’homme et futur Mercenaire qui ne prenait même pas au sérieux des menaces proférées plutôt ouvertement ? Il était seul, face à deux Mercenaires pour le moins accomplies, présentes en plus sur leur propre terrain. Quelle chance aurait-il de s’en sortir si jamais l’idée d’une altercation était possible ? Voilà maintenant qu’il examinait les armes d’Alys, découvrant qu’elles n’avaient pas servi. Du moins pas en combat réel, mais plutôt en entraînement. Ciara flairait la menace, et saisit ses petites lames qu’elle gardait sur elle, sans en menacer l’apprenti. Son épée n’était d’aucune utilité dans cet étroit couloir.

Et elle ne s’était pas trompée. Son instinct avait alerté la Dominante, et lorsqu’en une fraction de seconde le novice s’était retrouvé blessé par les dagues d’Alys après menace visible de sa part, Ciara l’avait attrapé par le col de sa tunique, et le tenait en respect par derrière. Il était blessé au cou, et sa main portée sur la plaie empêchait le sang de couler davantage. Ciara susurra quelques mots à l’oreille pointue du jeune Elfe :

-Vous avez fait une grossière erreur, petit lapereau. Que cette blessure vous serve de leçon, on ne menace pas un Mercenaire de la sorte sans en subir les conséquences. Vous aurez tout intérêt à travailler dur et à montrer des aptitudes sans faille pour pouvoir un jour espérer porter un anneau d’istal. Croyez-moi, le jugement de vos capacités sera sévère.

Les muscles de Ciara se détendirent soudainement et elle lâcha prise, sa lame tomba au sol avec un tintement. Etait arrivé du même endroit qu’Alys Schneizel, qui avait disparu peu de temps après leur rencontre avec Thalys Answald, il y a deux ou trois semaines. Complètement déconcertée par cette arrivée, Ciara s’éloigna même de l’apprenti, son apprenti. Son ton léger et mutin montrait clairement qu’il ne venait pas d’assister à la scène qui venait de se dérouler, et à la rencontre entre son nouvel apprenti et les Dominantes, elles mêmes.

-Schneizel, quelle surprise ! Tu as donc pris un apprenti ?

C’était bien la première fois, à son souvenir, que Ciara pouvait lier le nom de Schneizel avec le mot apprenti. La Dominante se baissa furtivement pour ramasser sa dague qu’elle rangea avec soin dans son étui. Les deux poings fichés sur les hanches, elle regarda alternativement Schneizel et le dénommé Key, pendant que le maître faisait les présentations. Ciara distingua une certaine gêne chez l’apprenti lorsque Schneizel avait annoncé qu’Alys et Ciara étaient les deux Dominantes. Le visage blafard, il prononça de brèves paroles polies. Ciara haussa les sourcils et se contenta de répondre, avec un ton beaucoup plus fluide et une once plus chaleureux qu’il y a quelques minutes :

-Gardez votre langue à l’abri, peu me chaux de vos paroles et de vos formules de politesse. Le peu que j’ai aperçu de votre personne me laisse à penser que vous serez bien loti avec Schneizel comme maître.

Ciara n’avait pu empêcher cette réplique complètement sardonique passer la barrière de ses lèvres, mais peu lui importait. Ciara adressa un regard bien plus apaisé à son ami Mercenaire qui venait de les rejoindre.

-Tu n’imagine pas ma surprise de voir que tu as trouvé un apprenti. Cet apprenti. Je te souhaite bien du courage, mon ami.

De vives palpitations animaient l’être de la Dominante, comme un éveil prématuré. Les propos de sa consœur et le sourire si sûr, trop sûr, de l’apprenti, l’amusaient à un point peu raisonnable.
Avec insouciance, l’inconnu cherchait à toucher ses points sensibles de ses mots, et de sa main forte il s’avança vers les armes qu’elle caressait déjà du bout des doigts. Elle ne cilla pas, n’entreprit pas le moindre mouvement lorsqu’il se saisit de l’une d’elles. Se contentant de le fixer de ses yeux ambrés, elle s’amusait à déchiffrer la moindre de ses réactions. C’est avec un sourire d’impudence qu’il lui avoua, qu’à la vue de ses lames intactes, il ne semblait n’avoir aucunes raisons de la craindre. C’est sur le même ton, emplit de sincérité qu’elle lui dit ces mots :
- L’habit ne fait pas le moine, très cher. Et il existe toujours un temps pour se refaire. Quitte à blesser, voire tuer, mieux vaut le faire le plus proprement possible tout en minimisant les risques.
C’est avec courtoisie qu’il lui rendit son poignard, le replaçant lui-même à l’endroit où il l’avait dérobé. Elle ne put s’empêcher de repasser un doigt sur le manche, s’assurant ainsi qu’il était convenablement positionné. Parfait.
Cet acte ne dura pourtant qu’une seconde. L’instant d’après, sa main se retrouvait déjà entre celle du jeune Elfe. Le baiser qu’il y déposa était délicat et bien qu’elle ne l’eut voulut, elle en fut sensible, car elle était peu habituée à ce genre d’attitude. Le sourire qu’elle affichait depuis leur rencontre vacilla et le sang dans ses tempes se mit à battre en un rythme sourd. Elle ne s’était pas le moins du monde attendue à cet acte et en était presque déconcertée. Se haïssant de s’être laissée surprendre si facilement, son amusement se changea en fureur. Envers elle-même. Et lui ! Elle réprima un frisson face à la durée de cette… gentillesse. Frisson qui aurait put bien trop facilement la trahir. Alors qu’elle abaissait son regard noir vers la nuque du galant, il se redressa brusquement. Leurs yeux se croisèrent et cette proximité soudaine était pour le moins troublante. Dans un nouveau mouvement de la part de cet homme, il lui percuta l'épaule, sans violence volontaire, mais pourtant déstabilisante. Avec précipitation, elle recula d’un pas, buta contre son talon. Quand est-ce qu’il s’était avancé si près d’elle ? Elle n’avait pas été assez attentive ! La frustration se mêle à sa fureur.
Instinctivement, son corps voulut reculer de nouveau afin de reprendre les appuis qu’elle venait de perdre. Appuis convenables qu’elle ne pouvait obtenir. Car, alors que le mouvement s’effectuait, l’étreinte autour de son poignet se resserra davantage. C’était pourtant tout l’inverse qu’elle souhaitait. Dont elle avait besoin. Il fallait qu’il lâche prise. Maintenant ! Son corps chutait vers l’arrière et elle avait pleinement conscience de ce fait. Comme si le temps avait ralenti pour jouir pleinement de cette humiliation. Et pourtant, lui, cet Elfe, ne semblait pas prendre bien connaissance de ses actes.
Qu’il la lâche bon sang ! Qu’il la lâche ! Pas assez d’espace. Pas si elle est « enchaînée ». Et pas assez de moyens sous cette contrainte qu’il lui inflige ! La main libre de la Dominante, passe sous sa tunique et retire l’une de ses dagues avec la rapidité dût à l’habitude du geste. Elle n’a même pas le temps de le menacer :
- Lach…
Ses mots se changent en souffle. Une main vint de se glisser dans le bas de son dos, maintenant une légère pression dans le creux de ses reins. Arrachée à l’attraction. Pour être attirer de nouveau vers lui. Lui !
Elle peut sentir son souffle sur sa peau. La réchauffer. Leurs yeux sont si près… Trop près !
Confusion. Trop de pensées à la fois. Elles se bousculent, veulent imposer leur règne dans sa tête. Poison dans ses veines ! Son sang… Il bat bien trop fort sous sa peau. Et elle sent celui du disciple gouter par-dessus. Couler le long de sa lame. Lame qui entame cette noble chaire. Transpercée légèrement dans la cohorte de tous ces mouvements. Elle n’avait pour intention que de le menacer. N’en avait pas eu le temps. Et surtout, n’avait pas prévu ce scénario-là.
Retrouvant ses appuis, elle s’écarte, au moment même où Ciara attrapa l'apprenti par la nuque et lui permit de maintenir une distance entre eux deux. Oui, s’éloigner de lui. C’était le mieux à faire… De la plaie, le sang ne cessait de couler et recouvrait peu à peu la peau de la victime, malgré la pression qu’il exerçait dessus. Par chance, la blessure était bénigne. Il avait évité le pire. Et elle ne savait plus trop si elle devait s’en vouloir. Autour du manche de son arme maculée, ses doigts se resserrèrent avec crispation.
Elle s’apprêta à prendre la parole, mais fut coupée dans son élan par celle d’un nouveau venu. Qu’elle connaissait trop bien pour réussir à l’identifier avec ce seul indice sonore. Elle se tourna vers l’écho de la voix, avant même de pouvoir le voir. Ainsi, Schneizel se retrouvait de nouveau parmi eux ? Et comble de la surprise, l’Elfe qui se tenait encore près d’elle était son apprenti. C’est avec une lenteur reconsidérée qu’elle reporta son attention sur lui, hochant doucement la tête lorsqu’elle fut présentée.
Et reposa rapidement les yeux sur lui, le fixant avec intensité. Observant ce que son visage retraçait de ses pensées, elle esquissa un sourire de satisfaction. S’adressant au maître, sans quitter sa proie du regard, elle lança d’une voie faussement doucereuse mêlée à une assurance nouvelle :
- Pardonnes-moi mais il s’avère que je te l’ai légèrement égratigné. Mais ce n’est rien de grave, crois-moi. Cependant, je ne m’allongerais pas plus longtemps sur cette histoire. Si tu tiens à en connaître les détails, demandes-les lui. Je suis certaine qu’il sera ravi de t’expliquer comment il s’est conduit envers nous.
Elle avait volontairement souhaité qu’il sache que c’était elle qui avait blessé son protégé. Car il devait bel et bien se demander quelle été la cause de l’incident. Et elle ne tenait pas à ce qu’il suspecte Ciara, à tord de surcroit.
Adressant un malicieux clin d’œil à Key, elle se demandera si celui-ci subirait un interrogatoire. Avec un peu de chance, non. Mais dans le cas contraire… Le sourire d’Alys s’allongea.
Tandis que Ciara s’engageait et prenait part à la conversation, la jeune Dominante porta sa dague à portée de ses lèvres, y léchant le sang qui s’y trouvait. Elle ne cachait pas son acte, assumant parfaitement ce qu’elle avait fait. Peut-être même avec un manque de tact. Mais qu’importe.
Tâche accomplie, elle renchérie les propos de sa collègue :
- C’est plus que du courage qu’il te faudra pour éduquer un… noble…
Elle avait presque eu du mal à sortir ce mot. Détournant les yeux de l’apprenti qu’elle avait pris pour cible tout ce temps, elle prit un regard plus vague, tout en se préoccupant de bien lustrer la lame, comme si elle était contaminée :
- Bien que ça ne soit pas ma principale préoccupation. Je suis plus que certaine que tu réussiras à en tirer quelque chose. Mais jusque là…
Rangeant avec dextérité l’arme, elle s’avança vers Schneizel et posa une main amicale sur son épaule :
- Bonne chance.
Elle ne s’était même pas arrêtée près de lui, continuant son chemin et le dépassa en lâchant ces quelques mots, animé d’un petit rire mutin :
- Je te laisse entre les bonnes mains de Ciara.

La tension dans l'atmosphère était palpable. Schneizel en était tout à fait conscient. Si l'air s'était mis à onduler autour des deux Dominante comme autour d'un feu de camp, le Mercenaire n'en aurait même pas été surpris. Key s'était fourré dans les ennuis et il n'y était pas allé avec le dos de la cuillère. L'intervention de Schneizel l'avait d'ailleurs très probablement sauvé. Sauvé de quoi? Schneizel préféra à la réflexion ne même pas y songer.
Offenser les deux maîtresse du repaire par des temps si durs pour l'organisation relevait quasiment plus du suicide que de la témérité. Bien sûr, cet imbécile d'apprenti l'ignorait et s'était fait un plaisir de s'employer à creuser sa propre tombe. Bref, malgré sa décontraction apparente, Schneizel sentait de nouveau poindre une certaine irritation au fond de lui.

Heureusement, l'arrivée impromptue du Mercenaire avait quelque peu détendu l'atmosphère. En effet, il était certain que Ciara et Alys le laisseraient conclure cette affaire. Après tout, si les Dominantes avaient l'autorité nécessaire pour châtier un apprenti à la place de son maître, elles le faisaient rarement en présence de ce dernier car cela pouvait être fort mal interprété. Un maître dont l'apprenti devait être jugé par une autorité supérieure apparaissait comme faible et indigne de sa fonction (du moins lorsque cela arrivait en public). Quoiqu'il en soit, Ciara et Alys n'auraient jamais fait une chose pareille à Schneizel.

Comme le Mercenaire l'avait imaginé, les Dominantes s'éloignèrent de Key, le laissant respirer et, surtout, méditer sur sa conduite. Le jeune noble ne semblait d'ailleurs plus savoir où se mettre. On aurait dit qu'il tentait de se faire assez petit pour pouvoir disparaître par le premier trou de souris venu.

"Et c'est pourtant vrai... Aussi incroyable que cela puisse paraître, cet homme est bien mon apprenti."

fit légèrement Schneizel quand Ciara exprima sa surprise. L'intervention d'Alys, en revanche, effaça son petit sourire et lui fit porter un regard sévère sur Key.

"Ne t'en fais pas. Il n'est pas douillet au point de craindre une simple égratignure. Mais quoiqu'il en soit, je serai ravi d'entendre sa version des faits..."

La phrase était lourde de sens. Bien sûr, Key était probablement déjà en train de regretter ses élans de fierté mal placée, mais marquer son autorité sur lui était nécessaire, au moins pour rassurer les Dominantes. Ces dernières semblaient avoir retrouvé une certaine sérénité puisqu'elle ironisèrent en lui souhaitant du courage pour l'éducation de son apprenti.

"Que voulez vous, il semble que j'ai même hérité de Callan sa manie de n'entraîner que des cas désespérés..."

lâcha t il en haussant les épaules. Cette fois sa phrase visait également à détendre légèrement Key. L'apprenti était passé à deux doigts de l'incident diplomatique majeur, mais il aurait encore de nombreuses occasions de se racheter en prouvant sa valeur. Faire des erreurs restait la base de l'apprentissage, après tout...

Peu après, Alys s'éclipsa, non sans lui avoir souhaité bonne chance ou sans lui avoir glissé une phrase lourde de sous entendus. Schneizel eut un léger sourire, tempéré par l'attitude subtilement fuyante de la jeune femme. Quelque chose semblait avoir troublé Alys et Schneizel ne pu s'empêcher de s'en inquiéter. Après tout, il appréciait énormément Alys, la considérant presque comme la petite soeur qu'il n'avait jamais eue.

"Allons, Key, viens donc par ici. Nous avons encore une visite à terminer. Nous reparlerons de cette affaire plus tard."

déclara Schneizel avant de reporter son attention sur Ciara.

"J'ignore si tu as un moment de libre, mais si l'envie t'en dit, tu pourrais nous accompagner. J'ai été absent un certain temps. Il y a sûrement une multitude de choses que je devrais savoir. Et puis...cela fait longtemps que nous n'avons pu deviser tranquillement..."

Key ne manqua pas de remarquer la réaction de la dominante Ciara a la vue de son maître, surprise elle laissa carrément choir sa dague. Étrange pour quelqu'un qui était au sommet de leur hiérarchie. Bien que son ton soit toujours cassant à son égard, il avait gagné en chaleur et vu les mots qu'ils échangèrent, ils devaient être amis de longue date.

Entendant qu'il allait devoir lui-même raconter toute l'histoire a Schneizel, il crispa ses mâchoires. Après tout, ce n'était pas entièrement sa faute, elles n'avaient rien fait pour améliorer les choses elles n'ont plus et leur grade, à ses yeux, ne justifiait en rien leurs actes.
Furieux, il riva son regard dans celui malicieux d'Alys, son sourire s'allongeait en le regardant, mais il n'augurait rien de bon, pour lui en tout cas. La voir goûter son sang lui donna des frissons, une jeune personne bien dangereuse en tout point de vue, étrangement, malgré tout, il voulait en apprendre plus sur elle.
Schneizel le remit en place, bien sur il était fautif, mais c'était injuste que tout lui retombe dessus, de frustration il serra les points, sa mâchoire commençait à lui faire mal. Il devait a tout pris trouver le moyen de se calmer.

De nouveau, l'intervention de la dominante brune le surprit. Pas par ses paroles, car elles étaient ironiques à souhait cela ne faisait aucun doute et facile en plus, mais par la façon dont elle avait prononcé le dernier mot. Un mot qui l'avait fait plonger dans ses souvenirs. Sa voix avait complètement changé, cela piqua Key au vif.
Même la phrase de Schneizel ne réussit pas à le détendre, il ne retint que « cas désespéré » ou encore les encouragements que lui lançait les dominantes « courage », « bonne chance ».

Les jointures de ses phalanges blanchirent, d'un coup il bascula dans son passé, alors qu'il n'était qu'un gamin des rues, beaucoup de gens l'avait traité de déchet, de cas désespéré et d'autres choses encore bien pire. Même après s'être fait adopter, certains amis de Lionel, son père, lançaient à celui-ci des bonne chance ou courage pour devoir élever un de ses petits voyous. Dans ses cas là, la fureur de Key réapparaissait et il serrait des dents et des poings comme aujourd'hui, mais la main bienveillante de son père venait toujours se poser sur lui, le calmant aussitôt. Voyant cet état chez son fils, Lionel lui avait apprit a canalisé sa colère.
Mais aujourd'hui Lionel n'était pas là, la colère et la fureur échappait à son contrôle.
La dernière phrase que son maître eut pour lui, fit sauter le barrage qu'il s'était forcé de conserver intact.

« Nous ne reparlerons de rien du tout ! Je ne suis pas le seul a devoir être blâmer dans cette histoire, je concède avoir ma part de responsabilité, néanmoins d'autres aussi devrait avoir à assumer leurs actes! »

Grondant d'une voix assez forte pour que même Alys l'entende, le son de sa voix résonna un moment dans le couloir désert.

« Je pensais que chez les mercenaire on se basait sur une certaine justice, mais apparemment je me trompais, dès qu'il s'agit pour des Dominantes de s'amuser avec un apprenti, on doit fermer les yeux. »

Les yeux brillant de fureur, il savait qu'il en avait trop dit. Mais il était déjà trop tard le mal était fait, tout ce qu'il avait à faire à présent c'était attendre et subir la sanction qui ne tarderait pas à venir.

Les cas désespérés… Ciara inclina légèrement la tête et lança un regard amusé à Schneizel.

-Et Callan a bien réussi sa mission, te concernant.

L’affaire était close. Par Alys, puis par Schneizel. La première avait porté sa dague pleine du sang de l’apprenti à ses lèvres, geste qui fit froid dans le dos à Ciara. Elle avait tout expliqué à Schneizel et Ciara ne voyait rien d’autre à ajouter. Alys semblait vouloir donner à sa manière une petite leçon à l’apprenti, laissant entendre que c’était à lui seul d’expliquer les détails de cette désastreuse entrevue. Malgré son amitié pour la dominante, Ciara trouvait cela un peu injuste de le laisser se dépatouiller tout seul.

Et elle s’éloigna. Ciara se baissa pour ramasser sa lame tombée quelques instants plus tôt, alors que Schneizel tentait de changer la direction de la conversation en rappelant qu’ils devaient finir de visiter le repaire. Il proposa à Ciara de se joindre à eux. Glissant le poignard à sa ceinture, Ciara ouvrit la bouche pour répondre par l’affirmative mais il semblait que le jeune apprenti en avait décidé autrement. La Dominante tourna lentement la tête vers lui, sourcils froncés. Ses yeux, son visage, ses mots étaient emplis de colère. Une colère qui ne se justifiait pas uniquement de ce qui venait de se passer, mais aussi de quelque chose de plus lointain, de plus secret.

La voix était forte et grondante, aussi puissante que celle d’un homme de caractère. Aussi lentement qu’elle avait remis sa dague au fourreau, Ciara croisa les bras et se tourna véritablement face à Key. Attitude, impénétrable, elle répondit à l’apprenti d’une voix vibrante, dénuée de colère ou de menaces :

-Eh bien, eh bien, eh bien. Il semblerait que nous ayons là quelqu’un doté d’une assez grande force de caractère pour tenir tête à ses ennemis, les ennemis e tous : ses supérieurs. Dommage que ce soit uniquement la colère qui guide vos paroles. Apprenez donc à vous défendre simplement par la force de votre caractère, non par celle de votre colère. Cela pourrait vous causer du tort dans votre avenir de Mercenaire. Mais Schneizel vous y entraînera…

Un dernier regard profond en direction de l’apprenti, et Ciara changea d’interlocuteur.

- Schneizel, pardonne-moi d’avoir malmené ton apprenti. Il est vrai que je l’ai peut être un peu brusqué en usant de mon statut, mais loin de moi était l’idée de m’amuser. Je ne cherche pas à me défaire de ma part de culpabilité dans cette histoire, mais… Les temps sont durs… Me comprends-tu ?

Ses traits s’étaient détendus et adoucis, et Ciara laissait apparaître ses faiblesses, sans savoir si c’était volontaire ou non. Le tournant impitoyable et dangereux dont le monde prenait aspect ces derniers temps laissaient la Dominante en proie à la crainte et poussaient son naturel discret à se refermer à la moindre défaillance ou à la moindre attaque. Tout ce qui n’était pour elle pas habituel était potentiellement un danger direct ou indirect, et elle se méfiait de tout, même au sein du repaire. On pourrait presque appeler ça de la paranoïa.

-Allons, continuons cette visite. Peut être que tu devrais montrer à ton apprenti le chemin de l’hospice. Même si sa blessure est partielle il doit être examiné. Je crois que nous attirons tous les deux des apprentis prompts à être blessés. Mon archer d’apprenti a séjourné chez le médecin dès son arrivée ici.

Fit la Dominante d’une voix rieuse. Elle s’était élancée d’un pas mais fit soudain volte face. Sa voix se refit solennelle et exempte de toute trace de sympathie alors qu’elle s’adressait à l’apprenti. Après tout, il lui avait quand même fait affront en lui répondant comme il l’avait fait.

- Pardonnez-moi.

Un pas après l'autre, en une marche régulière quasi militaire, la Dominante s'éloignait du lieu de rencontre. Son regard était fixe, ne comprenant que ce qui se dressait devant elle. Son esprit était brouillé, plus qu'elle ne l'aurait crut en quittant ses compagnons. Bien trop de pensées, de souvenirs se succédaient. Combien de temps encore cet état durerait-il? Elle avait pourtant crut apprendre de ses faiblesses, avait toujours prit les devants, en avait défié Dan lui-même. Mais dès qu'elle refermait une faille, une autre s'ouvrait aussitôt. Elle n’avait pas le moindre répit!
Un excès de rage se fit entendre dans son dos, animant des phrases qui s'enchaînaient. Elles appartenaient à l’apprenti. Non, ne plus penser à ça. Ne plus penser à lui. Comment un homme pouvait-il la troubler ainsi en si peu de temps? Elle n'était pourtant pas du genre à être aussi influençable. Bien au contraire. Elle encaissait tout. Quitte à en souffrir avec le temps. Mais les soudaines remarques de l'apprenti, alors qu'Alys était encore à vif, ne firent qu'empirer la situation.
La mélodie de ses pas cessa brusquement. Immobile elle déglutie. Ne pas y penser…. Dans ce silence qui l’entourait désormais, seul son souffle se faisait entendre, grandissant. Du feu ardent dans ses poumons. Une envie furieuse de s'en défaire...
La Dominante fit aussitôt volte-face, reprenant sa route en direction de l'Elfe. Qu'importe la présence de son maître et de Ciara. Qu'importe le reste du monde!

Schneizel et Ciara avaient déjà retrouvé le sourire lorsqu'elle les retrouva dans son champ de vue. Et la Dominante s'excusait auprès du disciple. Comble! Alys serra les poings. Pure folie dans son esprit! Elle ne s'adressa pas à ses amis, leur passa purement devant, ne s'arrêtant même pas face à Key. Non. Elle le saisit directement à la gorge et passa son autre main dans le creux de ses reins. Avec violence, le bras tendu, elle exerça une vive pulsion sur la gorge de l’apprenti, tout en ramenant le bassin de Key vers elle. De cette souffrance, on ne peut souhaiter que s’en éloigner. Et c’est dans ces conditions que, prit dans cette position de lute, l’on fini par chuter. Chute qu’Alys ne fit que plus cruelle. Dès qu’il perdit son équilibre, elle l’accompagna, pour l'accélérer et la rendre plus douloureuse. Pas totalement cependant. Jusqu’à être certaine qu’il ne puisse se rattraper. Elle le relâcha alors, le laissant mordre la poussière seul. Quelle ironie, quand l’on pense qu’il s’était comporté avec elle dans l’exact opposé quelques minutes avant.
Lorsqu’il fut à terre, contre ce sol dur et rugueux, bien qu’usé par le temps et les passages, Alys plaqua Key au sol en posant sa botte sur sa poitrine rythmée, mettant tout son poid sur sa jambe ainsi positionnée. Afin d’exercer encore plus de pression sur lui, elle ôta même son sabre de son fourreau et lui mit la pointe sous la gorge. Elle ne tenait pas à s’en servir, c’était seulement de la dissuasion, afin qu’il ne gigote pas pendant qu’elle s’occuper de son cas. Se penchant doucement vers lui, elle parvint tout de même à cracher ces mots entre ses dents :
- Oses encore blasphémer de la sorte et répandre ainsi ton venin et je te jure que je te coupe la langue, vipère.
Elle s'assura que ni Schneizel ni Ciara n'interviendrait avant de reprendre :
- La justice appartient aux plus forts. Que tu le veuilles ou non, la vie est ainsi faite. Si tu crois que Dan t'offrira la victoire parce que tu es honnête et que tu te bats selon les règles de la justice, estimes-toi heureux de seulement survivre. Le monde est bien plus infâme que tu ne peux le croire. Il est très certainement injuste. Mais tu dois apprendre à recevoir les coups avant d'apprendre à mieux les rendre.
Doucement, elle relâcha légèrement son influence sur le torse de Key. Sa lame passa sous le menton parfait et digne du jeune homme, le redressant légèrement :
- Si pour toi je suis injuste, rejoins donc les rangs de ce traitre qui se fait appeler «roi»! Rends-toi donc à Criméa voir de quoi son règne est fait. Et vint me revoir ensuite. Tu me diras alors qui des Mercenaires ou de lui est le plus injuste.
Elle se retira, rangeant sa lame et recula de quelques pas, afin qu'il puisse se relever mais aussi se remette plus facilement de cette agression. La Dominante, avec lenteur, porta un regard en arrière, vers ses deux amis. Silencieuse, son cœur s’apaisant peu à peu, elle ne finit pourtant par murmurer ces faibles excuses qui auraient put l’aider. Son cœur était sourd à ce genre de choses désormais.

Les esprits semblaient s'être apaisés. Il ne restait plus à Schneizel et à son apprenti qu'à reprendre la visite. Leur discussion à propos de cet incident regrettable pouvait attendre. Le Mercenaire voulait entendre la version des faits de son protégé afin de se faire une idée précise de la situation. Après tout, il ne pouvait juger des torts de Key sans connaître les tenants et aboutissants de la situation. Il savait avoir manqué le début de la scène et ne pouvait décemment se montrer trop sévère sans laisser à l'elfe une chance de s'expliquer. Toutefois, cela attendrait. Les esprits étaient toujours plus clairs à froid.

Mais, alors que l'affaire semblait close, Key explosa, s'en prenant avec véhémence aux Dominantes, à son maître et à leur sens de l'équité. Cet imbécile n'avait apparemment pas appris à tenir sa langue quand cela s'avérait nécessaire, et avait, semble t il, la volonté de s'enliser dans les ennuis jusqu'au cou par sursaut d'orgueil mal placé. Schneizel était atterré. C'était à croire que l'ex-noble se faisait une spécialité de mettre les pieds dans le plat par plaisir. Ce petit crétin capricieux était en train de ruiner complètement plus de trois mois d'apprentissage. Et dire qu'il avait juré connaître le code sur le bout des doigts...
Schneizel le gratifia d'un regard si noir que l'on aurait pu penser qu'il cherchait à transformer l'apprenti en poussière par la seule force de son esprit. Le Mercenaire se retint pour ne pas frapper le jeune homme qui le méritait pourtant grandement.
Ce fut Ciara qui réagit la première au crachat de venin de Key. Cette dernière paraissait prendre le ton virulent de l'apprenti étonnamment bien. Ses paroles furent sages et dénuées d'agressivité. Le sang froid que la Dominante montrait parfois ne cessait de surprendre Schneizel. Elle qui, d'ordinaire pouvait avoir, relativement aisément, les nerfs à fleur de peau, parvenait également à garder son calme dans des circonstance qui aurait plongé bien d'autre dans la plus froide des fureurs. Cette maîtrise de soi poussa Schneizel à réfréner sa propre colère pour ne pas envenimer le débat.

"Oh si, nous en reparlerons, Key Watson. Au moins pour que tu puisse m'expliquer ta vision des choses. Ai-je émis le moindre jugement jusqu'à présent? Il te faudra faire preuve de plus de retenue et de patience à l'avenir, si tu entends finir ta formation. Si tu ne me fais pas confiance, je me demande bien ce que tu compte apprendre de moi... Saches que la seule justice qui soit rendue dans l'urgence, sous le coup de la colère, est celle des lâches et des tyrans."

déclara Schneizel, en fixant Key droit dans les yeux, un peu plus sèchement qu'il ne l'aurait toutefois voulu. Le regard qu'il posa ensuite sur Ciara pour lui répondre était évidemment d'une nature plus bienveillante. Le Mercenaire se prit même à espérer ironiquement que Key n'en prendrait pas ombrage malgré son comportement d'enfant gâté à l'ego froissé du moment.

"Comment pourrais je t'en vouloir? Pour ma part, je n'ai subit aucun préjudice dans cette histoire, et je sais bien que les temps sont durs, pour Alys et toi encore plus que pour nous autres."

murmura Schneizel.

"Ciara a raison, nous devrions faire une halte à l'hospice pour examiner ta blessure. Elle a beau être nette, il faut éviter tout risque d'infection."

ajouta le Mercenaire en reportant son attention sur son apprenti. Il se garda de tout commentaire quand aux excuses de Ciara mais jura en son fort intérieur que si Key ne se calmait pas après cela, il le regretterait amèrement. C'est alors, qu'un bruit de pas rapides attira son attention. Alys passa devant lui en trombe sans qu'il puisse réagir et se jeta sur Key.

"Alys, non!!!"

Eut il à peine le temps de s'exclamer avant que Key ne se retrouve à terre, la lame de la Dominante sous la gorge. Le Mercenaire allait s'élancer pour réagir, mais le regard que lui lança la Dominante le figea sur place. Elle ne le laisserait pas intervenir, il pouvait le lire dans ses yeux. Durant un instant, il ne la reconnut plus.
La jeune femme laissa s'écouler sa colère sur le jeune homme impuissant puis s'écarta de nouveau pour se tourner vers Schneizel et Ciara. Le Mercenaire se sentait profondément attristé de cette réaction de la jeune femme. En s'en prenant ainsi à son apprenti, elle l'avait également blessé. Schneizel s'avança, passant à côté d'Alys sans lui parler. Il ne se sentait pas la force de lui adresser la parole, et savait qu'elle n'avait sûrement pas celle de lui répondre. Il s'arrêta devant Key et l'aida à se relever.

"Viens, nous allons à l'hospice."

lui murmura t il juste, son regard suppliant presque le jeune homme de ne pas en rajouter.

La fureur retombait peu a peu en partie douché par la réplique de la dominante aux cheveux plus court. Lorsqu’elle s’excusa il faillit tomber des nues, perdant instantanément la faculté de parler, un comble alors qu’il venait de gronder quelques secondes auparavant. Pour toute réponse, il ne put qu’incliner la tête de la façon la plus respectueuse qui soit. Il se sentit honteux envers Schneizel, son maître avait raison, il fallait qu’il se maîtrise, il s’était laissé aveugler par la colère et cela se retournerai contre lui. Encore abasourdit par ce qu’il venait d’entendre et plongé dans ses propres réflexions, il ne s’aperçut pas tout de suite que les bruits de pas se rapprochaient de nouveau de leur direction.

Tournant la tête au dernier moment alors que son maître poussait un cri, un éclair noir passa devant lui, puis une vive pression sur sa gorge lui apprit qu’il s’était laissé beaucoup trop distraire. Malheureusement pour lui, il n’arrivait pas a s’échapper de l’emprise qui finirai par être mortelle si la dominante s’acharnait encore a le serrer ainsi. Il voulut reculer mais une autre pression dans ses reins l’en dissuada, pourtant se geste instinctif s’accentua pendant que l’une de ses mains essayait d’écarter l’étaux de fer qui l’étouffait petit a petit et que l’autre s’acharnait a pousser l’épaule de la dominante le plus loin possible de lui.. Son esprit perdait peu a peu de sa lucidité tandis qu’elle ne semblait pas vouloir bouger d’un pouce. Pire l'étaux se resserrai , mais d’où pouvait bien provenir cette force ?
C’est alors que son regard vint errer sur ses yeux ambrés, ils brillaient, une flamme semblait les illuminés, magnifique dans leur lueur destructrice. A cet instant précis, il chuta. Et elle l’entraînait dans cette chute, sans savoir pourquoi il la repoussa encore de toute ses forces. Le choc fut dure et sa respiration se coupa. Au moins, il ne sentait plus l’emprise sur sa gorge. Sa tête avait cogné contre la pierre le sonnant a moitié. Toussotant pour récupérer son souffle que la botte d’Alys lui coupa une fois encore. Le contact froid d’une lame sur sa gorge le força a s’arrêter de tousser. Sa position était précaire et la femme au cheveux brun ne semblait pas être d’humeur bienfaitrice.

Avec force, Key parvint a garder son calme. Face a une bête enragé il ne fallait jamais montrer sa peur, il décida d’appliquer ce conseil, peut-être que cela doucherai la fureur de son supérieur comme Ciara avait douché la sienne, mais cela l’étonnerai. Il ne pouvait rien faire de plus que l’entendre lui cracher au visage tout ce qu’elle pensait de sa prétendu injustice. Le jeune apprenti senti derrière toute cette colère un mal plus profond et douloureux que son impulsivité avait fait ressurgir. Son cœur n’avait pas décéléré son rythme et comme souvent dans ce genre de situation une idée saugrenu lui survint, pouvait-elle sentir les pulsation de son cœur sous sa semelle, ses tempes lui semblait-il allaient éclater sous la pression.
Elle finit par se retirer et se détourner. Massant sa gorge, il la regarda longuement, intrigué comme un insecte vers une flamme. Puis son maître l’aida a se révéler, le remerciant intérieurement de bonne grâce. Il hocha une nouvelle fois la tête en signe d’assentiment a sa supplique. Mais lorsqu’il passa une nouvelle fois devant la dominante, le son de sa propre voix calme et ferme chatouilla ses oreilles pointues.

« Contrairement a ce que vous pouvez croire je suis conscient des injustices de ce monde. Ne croyez pas que je suis venu ici pour complaire a une lubie. Je suis désolé que mes paroles aient pu vous faire penser le contraire. Mais c’est chez les Mercenaire que je compte m’engager et non pas chez ce félon de Dan, je sais pertinemment que vos actes n’ont rien de comparables aux siens. Je pense seulement que si nous voulons rétablir un monde juste il faut établir ses règles des le début. Néanmoins ce n’est pas a moi de vous dicter votre conduite. Cela ne se reproduira plus. »

S’arrêtant a sa hauteur, il plaqua son point sur le cœur et s’inclina. Apres des années passé entouré de la noblesse d’Alsaria, les geste de ce genre devenaient une sorte de seconde nature.
Se redressant, il esquissa un sourire timide.

« Par contre je vous serai reconnaissant d’arrêter de vous en prendre a ma gorge… »

Se détournant, il rejoignit la seconde dominante. L’hospice était une bonne idée, la prise d’Alys avait fait recouler son sang, cette femme avait une poigne de fer et sa nuque en subissait encore les frais. Dignement il remit en place ses habits prêt a suivre son maître et son amie.

Ciara avait à peine remarqué le regard noir lancé par Schneizel à son apprenti. Elle avait réagit avant lui. Mais il ne manqua pas de répondre à son tour à cette accusation virulente. Ses paroles étaient claires et sans ambigüité, si Key ne devenait pas un bon Mercenaire avec un maître tel que Schneizel, alors il n’était pas digne d’avoir été son apprenti. La Dominante fut soulagée aussi d’entendre qu’il ne lui en voulait guère pour son excès de zèle. Il acquiesça quand à sa proposition d’aller à l’hospice pour soigner la blessure de l’apprenti.

Tout semblait réglé. Elle et Schneizel avaient semble t il réussi à calmer le jeune apprenti, mais ils avaient tous deux négligé un détail aussi dangereux que l’armée du roi Dan : Alys. Elle avait tout entendu de la tirade de Key. Dirigée par la rage, elle avait fait volte face et s’était littéralement jetée sur Key, ignorant totalement les deux autres Mercenaires.

Aucun d’eux n’eu le temps de réagir que déjà sa colère contre les paroles de l’apprenti sévissait. Ciara regardait, béate, sa collègue proférer sa réponse, le ton grondant et glacial. Jamais elle n’avait vu Alys dans cet état. La Dominante voulut empêcher Alys de continuer, mais elle que ni elle ni Schneizel ne puisse rien faire. Impuissante elle dut attendre que la Dominante se relève. Schneizel passa à côté d’elle sans lui adresser un seul regard et aida Key à se relever. Entre ses deux meilleurs amis ici bas, Ciara ne savait soudain plus que faire. Alys ne disait plus un mot, mais elle ne voulait pas qu’un conflit s’installe entre eux deux. Les choses étaient assez difficiles comme ça.

-Il va falloir qu’on parle, murmura t elle à l’adresse d’Alys, d’un ton inquiet.

Key s’avança alors devant Alys, et lui présenta des excuses et comment il voyait les choses. Toute colère semblait avoir disparu. Ciara se vit soulagée. Elle se rapprocha de Schneizel et posa sur son épaule une main réconfortante, puis elle plongea un regard d’émeraude qui se voulait rassurant dans le sien.

Key termina par une phrase amusée. Ciara espérait que cela détendrait Alys, et qu’elle ne repartirait pas dans un excès de colère parce qu’il osait plaisanter. Lâchant Schneizel, elle regarda rapidement la gorge de Key, qui rougissait à vue d’œil.

-On ne peut pas dire qu’Alys y soit allée de main morte Un peu plus et vous aviez le cou tordu, bon pour la casse. Allons y, mieux vaut ne pas trop tarder.

Un dernier regard vers une Alys enfermée dans un silence pesant, et elle avança la première, en direction de l’artère principale du repaire. L’atmosphère y serait bien moins tendue.

[je serais d'avie de fermer ce topic pour en ouvrir un autre dans l'hospice, non ?]

Le silence. Et leurs souffles. Deux étaient parfaitement identifiables. Celui de Key d’abord, qui prenait peine à retrouver sa respiration, était d’une sonorité plus puissante et saccadée que ceux des trois Mercenaires. Et celui d’Alys ensuite, qui s’apaisait peu à peu, tout comme les pulsations de son cœur. Tel un voile qui se levait devant ses yeux, elle prenait pleinement conscience de son geste. Le regretter ? Non, certainement pas. Mais elle aurait préféré être bien moins brusque, contrôler davantage sa violence. Ses sentiments.
Sa soudaine fureur, aussi indomptable que l’océan, avait laissé place à un semblant de vide dans son cœur. Un peu comme lorsqu’elle se sur-oxygénait. Une impression d’ivresse néfaste, mêlée à un certain bien-être. Et sous cette première vision des choses, un manque énorme en soi. Comme si quelque chose s’était brisé, avait disparu. Ce n’était pas la première fois que cela lui arrivait. La dernière fois, elle s’était retrouvée face à Dan. Mais elle ne pensait pas avoir été autant fragilisée. Elle s’était crut ressortie bien plus forte de cette rencontre.

Un frottement de tissus la fit quitter ses voluptueuses pensées. Schneizel passa près d’elle, sans lui accorder le moindre regard. Elle n’en avait pas besoin pour savoir qu’il lui en voulait. Amèrement. Immobile, elle ne lui imposa pas le moindre obstacle. Elle l’entendit dans son dos. Sa voix, malgré quelle reste neutre, prouvait, par les mots qu’il employait, qu’il souhaitait s’éloigner, ou du moins éloigner Key, le plus loin d’elle. Était-ce un mal ? Par deux fois elle avait blessé son protégé. Certes, involontairement au départ, mais, suite au spectacle qu’elle lui avait donné à l’instant, Schneizel ne pouvait que douter de cette vérité. La mâchoire de la Dominante se contracta instinctivement à cette pensée.
Une voix habituellement ferme, et pourtant soudainement douce, lui fit lever les yeux. Vers Ciara. Parler… De quoi ? Quand faudrait-il agir ? Car il lui fallait agir au plus vite. Son temps à elle lui était compté. Mais qui pourrait le savoir..? Le comprendre. Ces mots, qu’elle aurait aimé prononcer, restèrent bloqués dans sa gorge. Dans le silence. Elle était elle-même prisonnière de son silence.

Nouveau pas, sur sa gauche. Sa voix. A lui. Elle ne voulait plus l’entendre, plus le voir ! Elle se soumit pourtant à son jugement. Favorable en un certain sens. Lui pardonnait-il sous cette tirade ? Son cou exerça une légère rotation vers lui, afin de prendre compte de son expression faciale lorsqu’il s’adressait à elle. C’est à cet instant que Key posa son poing contre son torse et qu’il la salua respectueusement. Alys se força à ne pas réagir, car la surprise était bien là, encrée profondément en elle, prête à faire surface dans l’instant. Se redressant, de longues mèches brunes de l’apprenti glissèrent de son visage sur ses épaules musclées. Le sourire et la phrase qu’il lui adressa ne firent que la faire déglutir difficilement. Réaction étrange en apparence. Puissante en son for intérieur. Son cœur avait reprit ses coups sourds contre sa poitrine. Elle tenait à rester le plus calme possible, quitte à sembler impassible s’il le fallait. Elle ne tenait pas à ce que ce changement ne soit remarqué par l’oreille affutée et l’œil vif de ses collègues.
Ciara tenta alors de plaisanter avec Key, sur la blessure désormais moins bénigne qui ornait son cou. Blessure dont elle était doublement fautive. Son liquide vital y coulait de nouveau. De sublimes larmes vermeilles roulaient sur cette peau si différente de la sienne. Ses yeux coupèrent soudainement tout contact avec ce morceau de chair où le sang se répandait sans mégarde. Ce sang qui répondait si docilement à la punition qu’elle lui avait fait subir.

Le sol fut de nouveau foulé après de brèves paroles, et cette mélodie s’éloignant d’elle, la laissait désormais seule dans son silence. Ce stupide silence… Le visage droit, elle fixa leurs mouvements ondulatoires, jusqu’à qu’ils fussent hors de vue au détour d’une galerie. Presque aussitôt, ses yeux se baissèrent lentement. Pourquoi agissait-elle ainsi, comme une enfant fautive que l’on avait prit sur le fait ? Elle n’avait pas décidé d’être Mercenaire, puis Dominante pour ce genre de comportement. Et de situation. Pourquoi agissait-elle ainsi ? Devant lui ? Cet inconnu. Aux yeux océans… Non, un apprenti, encore en formation, avec l’un des meilleurs Mercenaires qu’il soit. Rien de plus !
Avec une infime douceur, elle prit l’anneau enchaîné de Selana entre ses doigts et en mordit une extrémité. Le goût de l’Istal se répandit sur sa langue, puis cette amertume, aussi douce que cruelle, s’écoula dans sa gorge, jusqu’à se disperser dans tout son corps, réveillant toutes ses cellules avec vivacité. Elle se mit alors à ressasser les paroles de cet apprenti dans son esprit, les mêlant à celles de Galaad. Puis, soudainement, celles de Dan vinrent perturber cette intense réflexion. Son être piqué à vif, elle lâcha subitement la bague qui retomba sur sa poitrine en un éclat métallique. L’anneau roula sur sa chaîne tandis qu’Alys, relevant le regard au loin, emboita le pas au trio qui l’avait déjà devancé.

~> Le calme après la tempête <~