Un long voyage s'annonce

Sara avait quitté Angol avant le lever du soleil, accompagnée de serviteurs. Elle allait se rendre à Shyamal voir sa famille, et tenter de faire passer la peine qu’elle éprouvait toujours d’avoir perdu Aivan, et qu’elle ne pouvait vraiment montrer. Cela faisait un an. Et ces grandes landes vides paraissaient vraiment…vides. Sara avait besoin d’animation, et elle allait en trouver. Rien qu’à l’idée de voir la foule, Sara se réjouissait.

Mais cela n’arriverai que d’ici une semaine, voire plus. Car la route qu’ils empruntaient d’ordinaire avait été très endommagée par le passage d’un violent orage. La voie était accidentée et pratiquement inutilisable. Du moins jusqu’à réparation en bonne et due forme. Donc, la caravane avait pris la route « du sud », longeant les forêts yarkolliennes.

Le climat était frais et menaçant, une chape grise s’était abattue dans le ciel, menaçant de déverser une pluie torrentielle et qui n’aurait rien d’agréable. Le chemin était aussi beaucoup moins régulier, voire aussi accidenté que l’était la voie ordinaire. Les voitures avançaient plus lentement qu’à l’ordinaire. Désormais il était près de midi, du moins Sara en jugeait par les grondements de son ventre.

- Roland, on s’arrête ici, afin de manger un peu. Mon ventre crie famine.

Le fils de son intendant fit arrêter la voiture et les victuailles vite sorties afin de ripailler de bonne charcuterie et quelques fruits.

[pardon pour cette chute médiocre mais j’suis pas franchement inspirée pour l’instant xD]

Sara avait négligemment suivi du regard la voiture à fière allure qui avançait le long du chemin. Et elle la regardait toujours lorsqu’elle s’arrêta non loin de la sienne. Il n’y avait pas à dire, à voir les deux voitures, on remarquai sans peine la différence de classe de leurs propriétaires. Sara ne prêta aucune attention aux personnes qui descendirent, dont faisait partie une femme à l’allure noble, droite et fière. Une jolie femme parée comme une princesse. Sara leva un œil vers elle, méfiante. Elle tiqua encore plus lorsque la femme lui donna son nom.

- Joysword ? Le même nom que notre bon roi ? demanda Sara avec stupeur.

Elle avala une bouchée de viande froide et regarda la jeune noble qui pataugeait dans la boue. Sa belle robe se trouvait salie.

- Nous avons trouvé ce coin d’herbe encore humide mais pas boueux. Venez donc au lieu de rester dans ces flaques.

Sara était assise sur les racines d’un arbre, à la toute limite de la forêt. Elle se poussa un peu pour faire place à sa compagnonne de ripaille. Leur laissant le temps de s’installer, Sara lança la discussion.

- Qu’est ce qu’un joli minois comme le votre fait dans ces terres peu accueillantes ? Les fastes de Shyamal doivent être bien plus appréciables que le temps incertain qui plane sur ces régions. Mes serviteurs et moi même nous y rendons également. Mais je dois vous avouer que ma famille est certes d’origine bien plus modeste que la votre.

Sara sentait un certain malaise entre elle et ladite Elixiana, une bourgeoise et une noble… Puis la jeune veuve se rappela qu’elle avait manqué de se présenter, comme l’avait fait la Dame.

- Pardonnez mon impolitesse, ma Dame, mais je me nomme Sara Malcombe, épouse de feu Aivan Malcombe.

Sara respecta le choix de la femme de ne pas s’épancher sur sa royale et noble descendance. La bourgeoise remarqua cependant que la Dame Joysword n’était pas totalement à l’aise, surtout de devoir passer du temps avec une roturière et sa clique. Mais Sara admirait un tantinet la noble, par sa prestance malgré la situation qu’elle ne semblait guère apprécier.

Sara Malcombe affichait un sourire aimable, et faisait de son mieux pour paraître distinguée et polie en tous points, pendant la fin de son repas. Merkus de la Violette ? Inconnu au bataillon. Il devait faire partie de cette foule de nobles toujours à festoyer.

Curieuse jeune femme. Elle était de sang noble, apparentée à la famille royale, mais dépourvue de toute l’arrogance de ces nobles écoeurants. Sara ne put s’empêcher d’émettre un petit rire. Elle se reprit rapidement.

- Pardonnez-moi, ma Dame. Mais je suis si peu habituée à fréquenter des nobles… Ou du moins je me contente de les voir de loin. Ils sont très tatillons lorsqu’il s’agit du tissus qu’on leur vend pour qu’ils y cousent leurs vêtements.

Sara regarda d’un œil alerte et critique le vêtement dont le domestique de Dame Elix venait de l’envelopper. Une belle pièce, taillée dans un tissu fort beau et coûteux. Il lui apporta aussi son déjeuner. Mais la jeune femme ne s’empêcha pas de s’emporter. Végétarienne. Elle était végétarienne.

-Ma Dame, notre modeste pitance n’est faite presque que de viande. Acceptez quelques unes de ces prunes et de ces poires pour votre repas, proposa timidement Sara en tendant vers Elix le panier rempli de fruits juteux. Si ce n’est que cela, je vous pardonne. Il n’est pas donné à tout le monde d’être bon hôte.

Sara marqua une petite pause et répondit avec un grand sourire.

-Mes parents sont originaires de là. Je ne les ai pas vu depuis plusieurs années. Et le décès de mon mari m’a décidée à leur rendre visite. Ainsi je profiterais de l’hiver doux de Shyamal, au détriment du rigoureux hiver d’Angol, à plusieurs lieues d’ici.

Le ciel gronda, Sara regarda en l’air et fronça les sourcils.

-Vous feriez mieux de vous dépêcher de vous repaître, le ciel ne va pas tarder à nous tomber sur la tête. Depuis ce matin qu’il nous menace, il semblerait que ce soit maintenant qu’il abatte sa colère sur nous.

La jeune femme avec laquelle conversait Sara était tout à fait charmante en réalité. La bourgeoise fut ravie d’entendre dire Elix qu’elle n’avait pas tout à fait les mêmes mœurs que tous ces nobles pédants. Confortée, Sara adressa à la jeune femme un large sourire.

-Vous m’envoyez ravie ma Dame ! Permettez.

Sara se leva et sautilla pour éviter de se retrouver dans la boue jusqu’aux chevilles. Roland vint l’aider à gagner la route après avoir rangé le panier de victuailles. Sara posa un pied sur le marchepied avant de monter dans sa voiture.

-Je serai ravie de pouvoir converser plus longtemps avec vous, chère dame Joysword. On se retrouve alors à cette auberge ? Je vous laisserai volontiers passer devant, car les environs me sont totalement inconnus.

Sara monta, les portes des deux voitures se fermèrent au même instant. Et bientôt les chariotes s’ébranlèrent, pour reprendre la route. Il pleuvait à présent.

Les quelques lieues qui séparaient en distance le point de pique-nique et le village le plus proche furent parcourues dans un inconfort significatif. Le bruit du galop des chevaux ajouté à celui provoqué par les voitures sur la route accidentée ainsi que le martellement de la pluie et le grondement du tonnerre formaient un bourdonnement désagréable. De plus, Sara était ballottée de tous côtés. Elle ne fut pas fâchée de mettre pied à terre lorsque la voiture s’arrêta et que Roland vint l’aider à descendre.

Sous la pluie battante, Sara rejoignit Elix. Roland et ses autres gens s’occuperaient comme d’habitude du reste, de porter ses bagages et de nourri les chevaux. L’enseigne de l’auberge grinçait au rythme du passage du souffle frais. Sara leva rapidement la tête.

-C’est donc ici que nous apprendrons à nous connaître. Soit, l’endroit me semblerait bien plus charmant un beau jour de printemps, mais bavarder au coin d’un bon feu crépitant n’est pas dénué de plaisir. Nous repasserons pour les balades, dit Sara d’un air joyeux.

L’aubergiste semblait connaître la Dame Joysword. C’est qu’elle devait souvent employer cette route pour Shyamal. Il annonça préparer les deux meilleures chambres pour elle et Elix. Sara les suivit jusqu’aux chambres. Roland s’occupa de monter ses affaires.

-Nous nous retrouverons pour le dîner, dame Joysword, qu’en dites vous ? J’ai besoin d’une bonne toilette pour être plus présentable.

Elle inclina la tête puis s’enferma dans sa chambre. Honorine, la compagne de Roland, qui faisait office de suivante à Sara, vint l’aider à faire sa toilette, et lui tendit une robe propre. Sara se délassa dans son bain chaud. Elle avait rarement eu l’occasion de descendre dans des auberges si accueillantes. Lorsqu’elle fut prête, parfumée et pimpante, Sara descendit dans la salle commune où elle retrouva Elix après quelques instants.

-Les voyages ça creuse ! dit-elle avec douceur en s’asseyant. Un repas chaud par ce temps déprimant ne peut être que le bienvenu.

Sara adressa un sourire à Elix. Cette dernière lui semblait plus jeune qu’elle et étonnait la bourgeoise par sa classe et sa beauté. Elle, à côté, devait paraître fade, avec son apparence quelconque et sans accent noble. Sara se demanda d’ailleurs ce qui pouvait bien pousser la jeune noble à converser et passer du temps avec une femme de rang inférieur. Habituée depuis son mariage à voir défiler sous ses yeux de splendides étoffes, elle ne put s’empêcher de détailler la tenue raffinée de la Dame.

-Vous êtes parée de bien belles étoffes, ma dame. La famille de mon mari a fait fortune sur ce commerce.