Un invité opportun [Violette, Olörin]

[Après À la poursuite de la justice]

Une fois l'ordre restauré en Arkantis, on se hâta de retourner en Apremont ; les hommes étaient fatigués, les membres ankylosés par le port de l'armure, et la longue cavalcade qu'ils avaient du subir. Les bêtes, elles aussi, étaient épuisées.

Uriel, satisfait d'avoir accompli sa mission, s'empressa d'informer son frère de ses actes. C'était il y a maintenant deux jours que l'ancien moine avait reçu ses ordres, et il n'avait donné aucune indication sur le déroulement de la quête.
Arrivé au château, l'homme ne put qu'apprendre que son frère était partit en catimini, appelé d'urgence par un des villages du comté. Le tocsin avait sonné, et on avait levé la troupe.

Ne pouvant repartir aussitôt à la suite de son frère, pour de simples raisons physiques, la fatigue, Uriel décida d'accorder un jour de repos à ses hommes, et aux montures. Sauf imprévu, il partirait demain, de bonne heure, vers le Nord.

C'est en ces sombres perspectives que l'ancien moine se rendit au repas, qu'il allait partager avec les chevaliers d'Apremont. On avait également gardé un siège, à l'attention d'Olorin, et préparé une chambre à son égard. Les hommes attaquèrent leur repas en silence, après que certains eurent prié. Les conversations furent maussades. On mangea rapidement, et les assiettes ne trainèrent pas longtemps sur la table. Tous regagnèrent leurs quartiers.

Alors qu'Uriel retirait sa cotte de maille, on frappa à sa porte. Un coursier. L'homme semblait épuisé ; il dégoulinait encore de sueur, et on pouvait presque entendre son cœur battre le chamade. Le messager tendit sa missive à l'ancien moine, et se retira.
Au fur et à mesure qu'Uriel parcouru les mots, son esprit fut apaisé : il s'agissait là d'un message de son frère, qui lui annonçait que la village avait été sécurisé, et que les groupes Dinakiens avaient été mis en déroute.
À peine eut il le temps de poser le parchemin, que le coursier revint à toute allure. C'était assez comique à voir ; il faudrait sûrement à l'homme encore un bon moment pour se remettre de sa course.

"Messire ! On vient à la porte !"
En pleine nuit, et sans être annoncé, voila qui avait de quoi surprendre.
"Quelles sont leurs couleurs ?" Demanda Uriel, alors qu'il reprenait sa cotte de maille, et l'enfilait.
"Les armes du seigneur Ephelias, messire !"
"Très bien, allons-y" ajouta l'ancien moine, avant d'emboiter le pas du coursier. il descendit dans la court supérieure, passa la porte intermédiaire, et traversa la ville, d'un pas rapide.
Les gardes l'attendaient déjà à la porte principale, prêts à l'ouvrir, et l'homme n'eut qu'à en donner l'ordre, pour que ce soit fait.
Debout, à l'entrée de son domaine, en tenue de guerrier et l'épée au côté Uriel discerna bien l'armoirie du seigneur Ephelias, à la lueur des torches.

*Que peut bien vouloir La Violette...*

La délégation aux couleurs du seigneur d'Ephelias s'approcha de la forteresse, et en fut bientôt aux pieds. Debout, sous la porte principale, la main sur le pommeau de son épée, Uriel dévisagea les nouveaux venus : gardes, notables, ainsi qu'une dame.

Le jeune seigneur ne connaissait que peu l'histoire de la lignée d'Ephelias ; il savait juste qu'elle était vassale du duché de Yarkolie, actuellement dirigé par Merkus de la Violette. Et bien entendu, les vents de la guerre s'étaient déjà faits entendre, en Apremont ; on savait dans quelle folle croisade contre Dinak le duc s'était lancé. Et si un de ses vassal se présentait aujourd'hui, il y avait fort à parier que c'était pour demander à Apremont d'attaquer également sur son flanc.

Si Uriel savait la géopolitique actuelle, il ignorait cependant les évènements qui avaient frappé le comté d'Ephelias, et l'état actuel de leur lignée. Il était donc à cent lieues de se douter que devant lui se trouvait l'actuelle détentrice du fief. Aussi s'exprima-t-il en ces mots :

"Bienvenue en mon humble demeure, hommes d'Ephelias ! En l'absence de mon frère, Ethan d'Apremont, c'est moi, Uriel, qui suit en charge de cette cité. Si vos intentions sont nobles, considérez vous comme mes invités. Vous pouvez séjourner ici tant que vous le voudrez."

Cette dernière phrase, si hospitalière qu'elle fut, avait tout de même un goût amer ; on approchait en effet des premières neiges, et bientôt, les routes ne seraient plus praticables, où du moins très risquées. Le temps était rude, durant l'hiver Apremontais, et bien que ces personnes viennent des hautes terres Ellandiennes, il aurait été dangereux de les laisser repartir dans la nature, à une telle période.

Tout chevalier qu'il était, Uriel se devait d'être courtois ; alors que la délégation pénétrait dans la cité, l'ancien moine marcha à la rencontre de la dame d'Ephelias. Il arriva en quelques foulées à son niveau, et la salua d'une révérence à 90 degrés

"Bienvenue en Apremont, Dame d'Ephelias... Puis-je avoir l'honneur de connaître votre nom, ainsi que les raisons de votre venue ?"

[Je ne fais pas souvent des posts de longueur démesurée ; le but était de privilégier l'interaction... C'est un peu comme au basket, faut faire des passes ~~]

L'acceuil fut louable et comme il se devait jugea t-elle sans vraiment savoir, les courbettes et autres signes de révérences étaient pour elle une référence assez lointaine, même si elle eut besoin d'en user lors de son passage à la cour d'Alsaria.

Alors ce fier jeune homme n'était pas le comte lui même, mais celui-ci étant absent, la petite délégation était tout de même reçue par le frère cadet, Uriel d'Apremont. Il s'était adressé à eux dans une forme de généralité qui amusa Violette bien emittouflée dans sa cape de laine blanche, on ne voyait paraitre d'elle que ses yeux et quelques mèches dorés.

En effet, il faisait bien froid en ces montagnes, tout autant qu'en Yarkollie d'ailleurs et l'approche de l'hiver n'améliorait pas cette sensation. Les cavaliers composant l'escorte de la dame ne pipèrent mots, lui laissant tout l'honneur de s'exprimer comme cela sied à son rang.
Et elle attendit qu'il franchisse les quelques pas qui les séparaient encore pour le faire.

"Bien le bonsoir messire Uriel, je me nomme Violette Ephelias et je suis envoyée par la délégation du Duc de la Violette afin de former une alliance qui ne nous a pas été accordée par votre grande reine. Cependant, elle m'a chaudement recommandée de rechercher une noble âme en ses vassaux" expliqua t-elle d'une voix clair sans arrogance. "A cela je souhaite ajouter mes remerciements pour votre hospitalité et vous suis dans votre demeure de bon gré, mes hommes ayant besoin de repos".

Elle n'avait pas divulguer son rang, tout simplement parce qu'elle souhaitait le faire plus tard, ou bien qu'il le découvre lui même au détour d'une converastion.
A vrai dire, elle avait également omis de dire que ce n'était pas vraiment Merkus qui l'avait envoyée elle, puisqu'elle s'était volontairement détachée de la véritable délégation par intuition et à grand renforme de renommé du fameux Uriel.
Soit, elle se laissa guider au sein de la demeure de ce chevalier noble pour profiter d'une pitance, d'un lit douillet et d'un bon bain avant de commencer à traiter sur le devenir de la guerre contre Dinak.

Ainsi, Uriel ne s'était pas trompé : la dame d'Ephelias, dénommée Violette, était venue jusqu'en Apremont pour demander un soutient militaire, suite à la réponse négative de la Reine Alina.
C'était évident que cette dernière eut refusé... Cela faisait déjà plusieurs années que ses propres vassaux lui demandaient l'autorisation de porter une guerre préventive, mais elle avait toujours préféré privilégier le dialogue.

Le chevalier ne souhaitait pas engager la discussion tout de suite : tout d'abord puisque son frère n'était pas présent, et ensuite, parce qu'après une longue journée, le temps n'était plus aux longues palabres.

"Nous parlerons de cela plus tard, Dame Violette... Vous devez être fatiguée de votre voyage, aussi vais donner l'ordre qu'on prépare vos quartiers."

Uriel mena ses invités jusqu'au donjon, et poussa la porte de la salle communale ; la grande table en U y était encore disposée, et l'homme invita les Ellandiens à s'y asseoir, avant de se tourner vers un serviteur.

"Qu'on apporte de quoi manger nos convives, il sont venus de Dénaros, et doivent être affamés. ajouta-t-il, avant de prendre un siège, aux côtés de Violette Ephelias.
Dame Violette, vous me voyez surpris de vous recevoir à ma table... Jamais, par une situation pareille, je n'aurais cru possible qu'une Ellandiennes se présente ainsi subitement à moi...
Et je n'aurais aussi jamais cru possible que Merkus laisse filer sous ses doigts une si belle créature, quand on sait son amour pour les belles femmes."

Il était vrai, le voyage avait été dès plus fatiguant et l'annonce d'en parler plus tard soit le lendemain convenait parfaitement à Violette cela lui laisserait le temps de connaitre un peu plus son hôte si délicat.

La demeure était modeste et pourtant riche, une bonne organisation de défenses, de vastes salles et d'après ce qu'elle pu juger de la salle de récéption en U, il devait y tenir conseil encore dernièrement. Uriel était sage, elle le vit de suite, il ne faisait pas d'ombre à son frère et ne s'empressait pas de vanter sa condition en son absence.

"Merci encore, je parle plus pour mes hommes que pour moi même, cependant il est vrai que je ne dirais pas non si on me propose un lit moelleux" assura t-elle lui offrant un charmant sourire.

Il ordonna à ses domestiques de servir ses invités en victuailles, les braves compagnons de route de la dame se ruèrent sur la nourriture comme soudainement affamés, mais le froid rendait leur estomac plus grognon et les réserves n'étaient pas de trop en cette période. Elle les observa conciliante et sélectionna les mets qu'elle souhaitait déguster, tout en appréciant la compagnie du jeune comte d'Apremont qu'elle ne se lassait pas de regarder de manière discrète. Un bel homme, bien différent de Merkus, moins triste dans ses airs, plus à même de profiter de la vie et ce qu'elle offrait à ses enfants. Deux hommes différents et pourtant similaires, bientôt tous deux combattraient ensemble contre Dinak, ou pas. Elle l'écouta prendre la parole assez intéressée de sa perception.

"Et bien sachez messire, qu'en pareille situation une femme sait se montrer aussi diplomate qu'un homme et souvent apaise les mœurs. Et la reine a fait tellement d'éloges en votre nom que je voulais voir le valeureux Uriel de mes propres yeux" expliqua t-elle agréablement.
"Son amour pour les belles femmes...." répéta t-elle préférant finalement ne pas s'étendre sur le sujet, faire le compte du nombre de conquête de son amour perdu ne lui donnerait surement pas bonne humeur.

Mastiquant en silence un moment, elle ne savait pas trop que dire ni que faire:
"Et vous? vous remplacez votre frère en son absence? j'espère que je ne dérange pas.... et votre dame?" s'enquit-elle par curiosité

Ainsi donc la guerre était une réalité en ce temps présent bien plus qu'elle ne l'aurait imaginé. *Oh Merkus dans quelle galère te fourres-tu?* pensa t-elle. Il ne lui laisserait pas même le temps de le reconquérir, pourquoi se contrainte pour si maigre récompense qu'un cadavre à pleurer? Violette avait cessé d'être optimiste depuis que son père et sa mère furent tués pratiquement sous ses yeux de jeune vierge innocente, tout juste entendit-elle les cris affolés de la maîtresse de maison avant que le plus âgé des frères ne l'emporte loin de ce lieu de sang.

Un voile de tristesse passa dans ses prunelles vertes, à l'empourprement du jeune comte qui ma foi était son aîné de quelques années, elle reprit contenance et lui accorda un sourire des plus radieux, se prenant le droit de poser une main délicate sur son avant bras.

"Ne soyez donc pas gêné, un chevalier se doit d'accepter honneur et éloges à son nom" dit-elle d'une voix douce, ne sachant absolument pas qu'Uriel était un moine guerrier. Peut être qu'une fois qu'elle l'apprendrait, s'égarerait-elle à savoir s'il avait fait ses vœux...

Elle l'écouta expliquer l'absence de son frère et renouveler le fait que c'est lui qui s'occuperait d'eux durant leur séjour au sein du comté d’Apremont et en leur domaine familial. Portant un verre à sa bouche des plus roses et pulpeuses, elle manqua de recracher le liquide à sa dernière annonce. Ainsi donc il n'avait connu que la guerre et la vie monacale. Elle ne pu s'empêcher de le détailler un peu plus, un jeune homme de bonne carrure, il était particulièrement grand et la dépassait de plusieurs têtes même assis, une tignasse châtain quelque peu décoiffée, et des yeux magnifiquement bleus, qu’elle ne se lassait pas de contempler quand l’occasion se présentait. Comment n'avait-il pas pu se laisser prendre par les joies de la chair, après tout il était homme et il devait sans doute bien plaire. Elle rougit violemment à pareilles idées qui lui traversaient l'esprit.
Et Dieu la garda de fournir une quelconque justification à son teint rosé, un guerrier entra à cet instant.

Un chevalier se leva, un autre salua et ils échangèrent leur place dans un ballet assez étonnant, Violette observa et ne dit rien, laissant le loisir au maître de maison de présenter son invité puisque cela devait être ainsi en matière protocolaire. Intriguée, elle déposa son regard de petite curieuse sur le nouvel arrivant, un sacré gaillard qu'il ne valait sans doute mieux pas avoir en face de soi en tant qu'ennemi, lui aussi bâtit comme un géant. Elle était arrivée en Alsaria pour négocier une alliance dans le but de porter main forte à celui qui devait être son avenir et elle se perdait déjà dans la sculpture des membres de ses hôtes.

N’allez pas penser qu’elle pu être infidèle, d’ailleurs fidèle à quoi ? Point d’époux et avec un moine et un chevalier, rien ne pouvait lui arriver ici.

Après qu'il eut annoncé avoir passé de nombreux années aux côtés des moines -sans toutefois préciser que c'était parmis les Garants de la Lumière, qu'il avait vécu-, Uriel remarqua un soubresaut de la part de Violette ; cela ne l'étonna guère, comment pouvait-on se douter que l'homme qui portait actuellement une cotte de maille et une épée avait autrefois revêtu une robe de bure ?
S'apprêtant à répondre, l'ancien moine fut interrompu par l'entrée dans la salle d'Olörin, qui, après s'être excusé rapidement pour son retard, pris place à la table.

"Ce n'est rien, Olörin... Par contre, tu devrais prendre un bon bain, car même sans que tu me le dise, j'aurais mis ma main à coupé que tu venais de l'écurie répondit Uriel à son compagnon, le taquinant. Il repris juste après, à l'adresse de Violette : voici Olörin Gwaihir. C'est un de vos compatriotes, qui nous a rejoins depuis peu. Olörin, je te présente Dame Violette, du domaine d'Ephelias, fief du duché de... La Violette, également. Elle restera un moment avec nous, jusqu'au retour de mon frère..."

Un courant d'air siffla dans la pièce, soulevant les tapis aux murs. Un frisson parcouru l'échine d'Uriel, et ses poils s'hérissèrent. L'hiver s'annonçait froid, et l'ancien moine jugea bon d'organiser un grand abattage d'arbres, prochainement. Il en parlerait à son frère, à son retour.

"Voir plus longtemps, si la saison ne permet pas votre départ. La neige ne devrait pas tarder, et cela ne m'étonnerait pas qu'elle tombe d'ici quelques jours."

Parler de la pluie et du beau temps ne ferait pas durer la conversation bien longtemps, aussi Uriel se décida à aborder le sujet de la requête de Violette : celle d'un soutient militaire auprès du duc Merkus, d'Ellandy.

"Dame Violette, est-ce que vous pourriez me parler un peu de votre pays ? Je ne connais guère le Yarkol, mais je sais que la guerre en montagne est une des pires calamités... Savez vous pourquoi le duc Merkus a-t-il ainsi déclaré la guerre à Dinak, rompant la position neutre de tout Ellandy... Aux abord de l'hiver, qui plus est ?"

Les présentations furent faites comme il se devait, ainsi donc le nouvel arrivant se nommé Olörine et venait d'Ellandy tout comme elle, pouvait-on donc considérer Alsaria comme terre d'accueil pour les âmes perdues?
"Enchantée de vous connaitre brave Olörin...et en effet si je puis me permettre, un bain s'impose" rit-elle sans vouloir le vexer mais pour détendre l'atmosphère et plus particulière se détendre face à cette gente masculine dominante. Deux jolies fossettes se creusèrent et rendaient son visage encore plus charmant, plus envoutant et juvénile, douceur du printemps dans la rudesse de l'hiver.

Un vent frais courait à même le sol, la faisant frissonner de la tête aux pieds, elle n'avait pas vu de neige à l'aller pourtant elle jurerait à ses cheveux indomptables, qu'elle percerait bientôt et recouvrirait de son manteau blanc le pays. Le jeune comte confirma ses pensées comme s'il avait pu les lires.

"Rester plus longtemps? c'est à dire? c'est que euh.... je suis loin des miens que je viens à peine de retrouver et mon domaine se verra sans personne pour le diriger..." blêmit-elle. Certes l'idée de rester encore un peu ne l'effrayait pas le moins du monde mais elle était tout de même en terres inconnues, ceux qui l'accompagnaient durant son voyage étaient loin de leur famille et l'idée de passer le solstice d'hiver sans les leur ne leur plairaient sans doute pas beaucoup. Jetant des coups d'œil à la tablé, elle scruta l'humeur de chacun dénotant bien une certaine gêne dans l'assistance.

Uriel relança la conversation alors qu'il était déjà bien tard et qu'elle aurait voulu prendre aise dans ses appartements ou même une modeste chambre, l'estomac remplie, la fatigue et les courbatures se faisaient sentir, quand à répondre à de pareilles questions, elle n'avait pas la moindre idée du pourquoi et du comment, ce qui avait motivé Merkus pour déclencher une guerre perdue d'avance. C'est avec un regard vide d'expression qu'elle l'observa comme si elle pouvait lire dans ses yeux une quelconque réponse.

"Et bien, en détails techniques, je ne suis pas un homme et euh...je ne saurai vous dire réellement les motivations du duc de la Violette, cela ne fait que peu de temps que nous nous sommes revus et avant cela bien des années se sont écoulées donc pensez bien qu'il m'est difficile de retrouver le même ami que j'avais alors quitté" expliqua t-elle sans se laisser décourager, prenant même un air sur d'elle "Il me semble juste qu'il s'est mis en tête de récupérer les terres dont ses pères avaient été amputés, à la gloire de la Yarkollie passée. C'est une question d'honneur, je ne sais rien de plus..."

Elle avait parlé et trouvait s'être plutôt bien débrouillée malgré quelques hésitations, elle verrait pour le reste le lendemain.
"Votre demeure est dès plus charmante et je me dois de vous demander congé car la route fût longue et que mes hommes ainsi que moi même sommes éreintés. Si cela ne vous gêne pas pouvez vous me faire la visite de mes appartements?"

Elle se leva et ses compagnons en firent de même à sa suite, accordant un charmant sourire au chevalier Olörin
"Je vous souhaite la bonne nuit, peut être aurons nous la chance de nous croiser demain"

Violette répondit à la hâte, mais de ses paroles, Uriel pu apprendre deux choses importantes : que la Dame était détentrice du fief d'Ephelias, ce qui la plaçait dans une position bien autre que celle de simple délégation, et que de plus, elle comptait le Duc Merkus dans ses amis... Même si, concernant cela, ce n'était peut-être du qu'à la fameuse réputation de ce dernier... Un beau coureur de jupon, disait-on.

Après avoir répondu aux question de l'ancien moine, la Dame annonça vouloir prendre congé. Cela était compréhensible, car après une journée de voyage, la délégation ne devait rêver que d'une bonne couche douillette. La femme se leva, et salua son hôte. Ce dernier esquissa un mouvement de la main, joint par la parole :

"Je vous prie de bien vouloir m'excuser, Dame d'Ephelias, mais mon humble château ne peut pas recevoir tous vos hommes en ses murs. Ils pourront loger à l'auberge, en ville, durant votre séjour. Quant à vous, vous logerez ici. Elias, notre intendant, vous mènera à vos quartiers, et répondra à vos demandes, si vous en avez. Je vous souhaite désormais une bonne et douce nuit, Dame d'Ephelias." Ponctua Uriel, sur un ton à la fois sympathique mais ferme.

Une fois que les Ellandiens eurent quitté la salle, l'ancien moine congédia ses serviteurs ; ne restait dans la pièce qu'Olörin et lui même. Sans toute cette présence et ces oreilles, Uriel pouvait désormais parler à bâtons rompus. Décontracté, il s'installa plus confortablement sur son siège, et posa ses pieds sur la table, l'un sur l'autre. Il prit un coupe sur la table, but une grande gorgée, et tourna la tête, s'adressant au rôdeur Ellandien :

"Alors, Olörin, qu'est-ce que tu pense de tout ça ?"

Son odeur… à peine s’était-il assis qu’Uriel lui faisait remarquer, Olörin s’en doutait, il avait longtemps hésité à prendre un bain mais après réflexion manger d’abord avait été la meilleur des choses à faire. Pourquoi ? Prendre un bain aurait été une perte de temps puisque cela n’aurait fait qu’aggraver son retard et d’autre part, à table il n’y avait que des soldats compréhensifs et dont l’odeur de foin était une douce senteur comparé à celle putride des cadavres. Seulement malheureusement pour Olörin, en cette si belle soirée s’était présenté une comtesse du fief d’Ephelias très à cheval sur l’hygiène tout comme Uriel puisqu’il se devait être un représentant d’Apremont exemplaire.

Juger par son odeur il n’avait cœur à dire grand-chose, il adopta donc une moue en adressant quelques sourire par-ci par-là. Attentif aux discutions et aux mines des invités, il ne pouvait s’empêcher cependant de regarder cet Uriel si charismatique. Les minutes passaient et le porc salé très goûtu disparaissait petit à petit de son assiette, entres quelques bouchées, quelques gorges de bière d’Apremont encore une fois magnifiquement brassé. Olörin n’était guère habitué à pareil victuailles.
Cependant fut arrivé le moment ou Violette se sentit plus apte à rêvasser dans ses appartements qu’à discutailler de raisons et de suppositions sur l’engagement aux champs de bataille contre Dinak de Merkus de la Violette en Yarkollie. Ainsi elle se leva avec sa délégation en accordant quelques dernières paroles en la personne d’Olörin.

Surpris il baissa la tête en signe de bonsoir, un geste plein de grâces et de politesses selon lui. La soirée avait été bonne et voilà qu’elle arrivait à son terme, Olörin rassasié poussa son assiette et saisi son verre de bière avait de s’adosser au dos de sa chaise. Il leva donc la tête et stupéfait, vit qu’il ne restait plus que deux personnes dans cette salle, deux chevaliers d’Appremont, Uriel le commandant en chef et Olörin récemment arrivé.

Adoptant une tenue contracté, Uriel lui vint querir son avis sur la venue de cette dame. Ne sachant trop comment s’exprimer il réfléchit quelques instants…

« Ce que je penses de cela… » Il prit une longue gorgé de bière, la savoura et attaqua.

« Je penses que si cette dame d’Ephelias détentrice de ce fief-ci est venue sans aucune prévenance, il y a là une raison logique. Si j’en crois ce que j’ai entendu et ce que j’ai vu lors de ce merveilleux dîné, je vous remercie en passant pour cette grâce que vous m’avez accordé et m’excuse pour mon odeur d’esclave.

Je reprends donc, pardonnez mon manque de tact mais il est sûr que cette femme n’est nullement venue pour discutailler de choses et d’autres de la vie, y comprit sur les récentes avancées du Duc de Yarkollie contre Dinak.
Alors s’offre à nous deux suggestions selon moi, soit cette femme est en quête d’allier pour son futur époux, soit c’est une femme de joie sous les airs des plus noble dame de la cour à la recherche de mâles. Car tout simplement, le Duc n’est pas à même de combler la femelle qu’est Violette, qui recherche désespérément un époux digne d’elle. Cependant j’en doute. Ou bien vous séduire pour diriger son armée à sa guise. Bien que cela soit invraisemblable selon moi.

Après mure réflexion pendant que je vous énuméré les courbettes de mon humble esprits, une idée me vient. Peut être Violette d’Ephelias cherche en réalité une aide en Apremont régis par une réputation des plus honorant, auprès de votre aîné qui n’hésitera pas s’il tombe sous ses charmes - dont elle ne manque pas - à envoyer ses meilleurs hommes aider Merkus, son bien aimé de toujours.

Une chose est donc sûr d'après mes dires, cette femme est ici pour envoûter un mâle, mais qui et pourquoi?»

Olörin en avait terminé. Serein et légèrement en arrière, il s’enfonça dans sa chaise avec son verre de bière calé sur son genou. Il était enfin près à discuter jusque tard dans la nuit, car la venue de cette dame de la cour était des plus étranges.

Aux paroles de son ami, Uriel éclata de rire. Il ne s'attendait nullement à une réponse de ce type, à propos de leur invitée... Encore moins à des commentaires si osés, alors que l'objet était une noble Dame...

Toutefois, s'il avait ri aux premiers mots de l'Ellandien, l'ancien moine récupéra aussitôt son sérieux, lorsqu'Olörin lui apprit que Violette était l'amante du Duc de La Violette.

"Je parlais de la guerre, Olörin, pas de la femme... commença Uriel, un sourire sur les lèvres mais à ce que tu me dis, la femme et la guerre semblent être désormais bien étroitement liées... Si je te comprends bien, la Dame d'Ephelias seraient, sinon la promise de Merkus de la Violette, son amante... Voila qui en fait donc une femme de poids, si je puis me permettre...


Quant à ton odeur, elle ne me dérange pas le moins du monde" ajouta le chevalier, encore amusé de sa remarque.

Redevenu pensif, Uriel apprécia le calme revenu au château : l'hiver, bien qu'apportant de nombreux maux, évitait au moins aux hommes d'Apremont la crainte d'une attaque Dinakienne. Celle qui avait fait bouger Ethan devait être sûrement la dernière.

"Maintenant que nous savons à peu près qui est vraiment notre invitée, et son importance, il me semblerait judicieux de savoir quels atouts nous pouvons en tirer. Que l'on soit bien clair, j'apprécie sa présence ici, et ne souhaite en aucun cas la manipuler, dans notre intérêt.
Toutefois, je crois bien que nous autres, d'Alsaria, obnubilés, à juste titre, par Dinak, nous avons gentiment oublié ce qui vivait en Ellandy. Aujourd'hui, il nous est donné, et le Ciel en soit loué, la chance d'ouvrir les yeux, et de prendre conscience du monde en son ensemble.

Je crois qu'il est bon de se rapprocher de Dame Violette, et, Dieu me pardonne cette demande pècheresse qu'est de jouer avec l'amour par intérêt, je voudrais savoir si tu accepte donc, de non pas devenir l'allié de Dame d'Ephelias, mais d'en faire notre alliée.

Si ton cœur te dicte un autre chemin, je ne t'en tiendrait pas rigueur, et me chargerais moi même de cette tâche infâme."


La proposition était dite, les dés étaient jetés. Bien que cela ne soit sûrement au goût de personne, des choses devaient être faites.

Sujet clos !

La suite, dans : La voie des révélations