Télescopage dans les quartiers nobles.

La foule était dense ce jour là dans les quartiers nobles de Shaymal. Les odeurs suaves et capiteuses ravissaient autant qu'elles étourdissaient les narines de Loränys. Ce matin elle avait eut envie de ce promener un peu, laissant pour un instant de côté les affaires harassantes qui l'attendaient au palais. En l'absence de son époux elle devait assumer les lourdes fonctions de régente, ce qui ne lui plaisait pas outre mersure. Elle s'était rendu compte de la charge qui pesait chaque jour sur les épaules d'Ibadric et comprenait mieux à présent certain de ses accès de colère. A présent elle était elle même à fleur de peau et cherchait à s'évader un peu. Malheureusement on ne l'avait pas autorisé à sortir seule et elle se retrouvait flanquer de deux gardes du corps. Ils marchaient quelques mètres derrière elle, pour plus de discrétion.

Les yeux de Loränys se promenaient partout sauf devant elle. Ruban, soie, satin, elle avait bien envie de tout acheter ! Ce marché lui rapellait son père qui avait perdu sa santé en travaillant d'arrache pied pour son commerce. Toutes ces fois ou il l'avait enmener dans ses entrepôts pour lui montrer de nouvelles étoffes et bijoux, demandant son avis à la petite sur ci ou ça. Loränys sourit à cette pensée. Elle se sentit immédiatement idiote de sourire ainsi dans la rue seule. Puis elle se rapella qu'un épais capuchon de damas cramoisi recouvrait son visage opalin. Les conseillers royaux lui ayant recommandé la plus grande discrétion, elle s'était habillé de manière sobre. Une robe vert-de-gris, cintrée à la taille par un simple cordon de tissu. La cape laissait s'échapper quelques mèches de crinière rousse. Elle portait égalemment de vieilles chaussures en cuir, usée et molles, très confortable. Elle datait du temps ou elle n'était pas encore courronée. La jeune femme se demanda ce que serai à présent sa vie si elle avait suivi un chemin différent. Surement serait-elle encore dans sa mignonne maison. Ses pensées vagabondèrent ensuite vers sa mère. Celle-ci vivait toujours à Shaymal. Il faudrait qu'elle songe à lui rendre visite.

Loränys tourna brusquement dans un coins de rue. Ici la foule se fit plus condensée. Elle luttait tant bien que mal pour se frayer un chemin. Sa petite taille ne lui permettait pas de pousser sans ce faire éjecter par un passant mécontent. Elle ne risqua donc pas à cet exercice. enfin elle vit le bout de cette dangereuse traversé. Elle déboucha dans un endroit moins peuplé. Son regard fut immédiatement attiré par les lames scintillantes qui se pavanaient dans les échoppes des armuriers. Elle revait d'apprendre l'escrime mais pour l'instant elle n'avait pas un moment à elle, c'était donc exclu. Soudain elle percuta violemment quelque chose. Ses gardes du corps la rattrapèrent de justesse. Tiens ils étaient encore là eux ? Elle les avaient presque oubliés ! Cette fois si ils lui furent néanmoins très utile, lui évitant une situation pour le moins ridicule. Reprenant ses esprits, elle aperçut que l'autre personne, elle, avait eut moins de chance et s'était retrouver par terre. Elle songea à lui tendre la main mais cette dernière c'était déjà relever et la dévisageait. Elle prit quelques secondes pour l'observer. Encore surprise, elle decouvrit un jeune homme au visage poupin, enfantin malgré la grande finesse de ses traits. Sa capuche était retombée durant sa chute et laissait voir des cheveux chatains et désordonés qui jurait presque avec la beauté de son visage mais qui lui confèraient un air sauvage. Loränys se rapprocha de l'inconnu et s'excusa de sa voie chantante, comme toute personnes l'aurait fait :

- Pardonnez maladresse. Il y a tellement de choses à regarder ici que j'oublie de controler où vous mes pieds ! plaisanta-elle.

Derrière, elle entendit un garde grogner, mécontent qu'elle se comporte ainsi. Tant pis pour les codes de la royauté, aujourd'hui elle avait envie de se comporter simplement, sans fioriture ni excès.

Quel choc, décidément... Sa tête était devenue brûlante et lui semblait s'être compressée sur elle-même, obstruant ses facultés de discernement qui le délaissaient dans un état désagréablement indolent. La malchance l'avait accaparé pour faire passer un instant contrariant et douloureux; Celieno conservait néanmoins son acrimonie silencieuse, pensant que son avancée prompte était la seule erreur qui avait fait découler cet évènement saugrenu et risible. Ainsi, le jeune homme se désignait comme le seul répréhensible mais, lorsqu'il comparait parallèlement les façons différentes dont lui et sa victime s'était réceptionnées, il éprouvait une certaine entrave à l'idée de présenter ses excuses, ou même d'adresser quelques formulations polies et cordiales. Le seul à avoir pleinement appréhender la solidité du sol, ce n'était pas la jeune femme, après tout. Celle-ci avait pu bénéficier de la présence de deux personnages qui la convoyaient et qui avaient donc pu lui permettre d'éluder habillement sa tombée vers le sol... contrairement à Celieno dont ils ne s'étaient vraisemblablement pas préoccupés un seul instant. Quel pauvre enfant, en y pensant... Lui qui n'étais venu dans cette ville qu'avec l'intention d'acquérir quelques biens, avait réussi à chuter littéralement et à maculer davantage sa miséreuse cape qui, elle, n'avait absolument rien fait pour mériter un tel traitement.

Oubliant pour le moment ses intentions principales et après avoir retrouvé son visage habituel qui ne détenait que peu d'expression, Celieno considéra la demoiselle en inclinant légèrement ses yeux vers le bas en raison des tailles légèrement différentes et pu distinguer les lèvres rosées qui avaient formulé des excuses affables et joviales qui amenuisèrent la gravité de sa situation. Elle dégageait une impression d'aménité, tournée vers la complaisance et la bonté; un caractère à l'opposé d'un tempérament dur et acrimonieux qui aurait réclamé d'immédiates excuses au risque de faire subir des représailles. Avant de réagir d'une manière un brin plus éloquente, Celieno tapota légèrement et lentement sa large tunique d'un brun très clair ainsi que son pantalon en coton d'un coloris fortement semblable, dégageant quelques poussières qui étaient venues s'incorporer suite à son attristante rencontre avec le sol. Comme neuf, ou presque, Celieno observa la rousseur qui gouvernait la masse capillaire de son interlocutrice, ce qui lui fit penser aux chevaux alezans, si particuliers, qu'il avait connus il y a de cela quelques années, et dont il ne gardait qu'un souvenir laconique et périssable. Il soupira, passa inutilement sa main dans sa chevelure en tentant en vain de l'agencer au mieux, et commença finalement à parler.

Ça risque d'être difficile de vous pardonner, voyez dans quel état vous avez mis mes vêtements que j'ai payé au prix d'un dur labeur... Ah, que diront mes parents et que me feront-ils surtout, quand ils me verront dans cet état si insolent et si insalubre, j'ose même pas l'imaginer se lamenta Celieno sardoniquement mais avec une voix très sincère et une expression soudainement affligée qui le rendait très crédible.

Habituellement, il ne se laissait jamais s'amuser aussi stupidement, mais il était pour une fois curieux de pouvoir voir l'expression de son interlocutrice qui découlerait de l'ironie et de la légère méchanceté de ses paroles. Et, évidemment, bien que peu vindicatif, cela pourrait peut-être le rendre un peu plus joyeux si cela réussissait. Capable de masquer ou de dévoiler les expressions sur son visage, il put assez aisément réussir à exhiber cette ridicule tristesse. Ainsi, sans excès, Celieno conserva son visage abattu et se mit une nouvelle fois à tapoter ses vêtements mais avec plus d'entrain et de préoccupation, comme s'il risquait quelque chose de considérable. Quelques poussières s'y échappaient, mais rien qui pouvait redonner un faux semblant de plaisir au jeune garçon; les taches d'insalubrités ne s'étant pas dissipées. Ensuite, avant de reprendre la parole, Celieno altéra sa tristesse en une expression plus habituelle, plus fastidieuse et insipide. Un visage éteint. Il parla avec monotonie, mais de manière toujours intelligible.

Ce n'est pas facile de ne pas avoir le contrôle sur son avancée... C'est comme une maladie. Ca doit nuire, comme ça vient de me nuire. Je veux bien accepter vos excuses, mais pour cela, il faut inciser vos jambes le plus hâtivement possible pour vous guérir. Je peux vous apaiser de cette maladie ? demanda-t-il en sous-entendant évidemment qu'il se proposait de lui couper les deux jambes, et certain qu'il provoquerait une réaction auprès des deux gardes qui ne l'avait pour le moment pas très préoccupé.

L'inconnu la toisa d'un regard hautain. Loränys s'amusa de voir une créature si fière dans cette position dérisoire. Il paraissait aussi quelque peu envieux de la façon dont la jeune femme avait éviter de voir le sol d'un peu plus près. Après quelques secondes de silence, troubler par les échos de la foule, pendant lesquels le jeune homme avait fait un rapide constat, il se résigna à parler. Il s'exprimait de façon grandiloquente, dans un langage chatié qui avait le don d'horripiler la souveraine, même si elle le savait de rigueur. Néanmoins la voix de l'étranger n'était pas désagréable. Il se plaignit, son visage prenant un si air accablé que Loränys faillit si tromper si elle n'avait pas déceler une pointe sarcastique dans ses paroles. Elle eut un léger sourire. Si il le souhaitait elle pouvait lui racheter une cape, ce n'était point un problème.

Soudain son ton se modifia et devint plus sardonique encore. Quand il proposa même de lui couper les jambes, Loränys écarquilla les yeux tant ces paroles lui avait parut audacieuse et déplacées, puis elle se rapella qu'il ne connaissait pas son identité et que par conséquent il ne se doutait pas de l'effronterie qu'il venait de commettre. Cette remarque ne manqua pas d'arracher aux deux gorilles qui lui servaient d'escorte un grondemment mauvais. Ils allaient se jeter sur l'inconnu mais Loränys les stoppa d'un vif geste du bras. Plissant le regard de manière inquisitrice, elle scruta les traits de l'individu. Ce dernier n'arborait aucune émotions notoires à moins qu'elles soient si subtile que la jeune femme était incapable de les déchiffrer. Ce sentir perdue, sans contrôle, elle détestait ça et en cet instant elle se demandait bien pourquoi elle retenait ses gardes.

Elle secoua la tête pour se ressaisir et déclara :

- Je doute que vous ayez réellement envie de sectionner mes deux petites jambes, aussi malhabile soit t'elles. Je tiens à mes guiboles et les défendraient au prix de ma vie si il le faut, ironisa t'elle, êtes vous si parfait pour n'avoir jamais commit d'erreurs Mon sieur...? Tenez vous ne m'avez même pas fait l'honneur de partager votre nom ! Est-ce ainsi que vous vous comporter avec une dame ?

Elle avait prit une voix théâtrale que qu'arboraient les femmes nobles de la cour quand elles se sentaient offensées ainsi que les amples gestes des orateurs. Sa vue fut à nouveau attirée par les épées flamboyantes qui paradaient dans les échoppes. Qu'est ce qui l'empêchait d'un prendre une et de pendre ce gringalet par les doigts de pieds ? Rien sinon qu'elle n'avait pas de corde et que l'intéréssé se serai surement défendu avec vigueur.
Elle se demandait égalemment ce qui l'amenait ici , dans les quartiers nobles de Shaymal. D'après sa manière de s'exprimer, ce n'était surement pas un rustre et de part ses habits encore moins un marchand. Un noble peut être ? Il n'était pas Ellandyen puisqu'il ne l'avait point reconnue. Cette réflexion interne lui prit quelques secondes. Elle relava ensuite son visage tandis que ses pensées convergeaient encore vers son point d'attention. Peut être savait-il manier l'épée avec subtilité. Peut être même pourrait-il lui apprendre. Un éclat brilla dans ses yeux, elle rangea cette idée dans un coin de sa tête, armoire sur le point de déborder.

Malgré ses talents et ses efforts, Celieno n'avait pas pu obtenir un résultat fructueux. Cependant, il était parfaitement conscient de devoir compter sur une naïveté outrancière de son interlocutrice pour que cette dernière, outre ses yeux béants, soit davantage intimidée. Après tout, il était passé d'un état à un autre, produisant une versatilité peut-être un peu trop soudaine et instantanée. En outre, cela n'avait pas amenuisé son hardiesse et elle paraissait s'exprimer avec une large liberté, sans entrave, ni pudibonderie mais avec des propos beaucoup plus distingués et éminents. Son assurance se retranscrivait davantage lorsqu'elle utilisa seulement son bras pour stopper l'un des deux grands hommes positionnés derrière elle. Pouvoir privilégier de deux gardes... Vraisemblablement, elle devait être relativement bien hiérarchisée, même si le jeune homme faisait largement l'impasse sur ce détail.
Ah... Cet amusement que Celieno employait pour troubler ses interlocuteurs, en utilisant différentes expressions faciales harmonisées à une éloquence ferme et convaincante, venait de se solder par un échec... Aujourd'hui, rien n'avait décidément l'air de lui réussir... mais peu l'importait, finalement, les conséquences ultérieures étaient loin d'être considérables lorsqu'il y pensait; cette rencontre n'en était qu'une comme une autre, se convainquait-il.

Toujours sans exposer d'expression, Celieno remarquait son interlocutrice s'intéresser aux différentes marchandises qui les entouraient, sans pour autant déceler avec précision ce qu'elle paraissait chercher. Vraisemblablement, Celieno ne monopolisait pas sa totale attention; son caractère précédent, méchant et ironique, ne lui avait même pas permis cela, ce qui dénotait davantage l'assurance de la jeune femme... ou peut-être de son infatuation, dans la mesure où elle bénéficiait de deux personnages d'une dimension significative qui lui permettaient de s'exprimer ou d'osciller son visage avec une latitude excessive. Ces deux hommes, de toute façon, n'attiraient pas l'attention de Celieno, qui savait d'ailleurs se défendre s'ils venaient à l'attaquer, et n'empêtraient pas sur sa locution, aussi impertinente soit-elle. D'ailleurs, dans la filiation des paroles de son interlocutrice, il ironisa à son tour, en parlant à la troisième personne.

Oui, effectivement, la perfection est le principal caractère de monsieur Celieno, qui vous parle actuellement ! Le rôle de ce si charmant et de ce si talentueux jeune homme est de voyager pour guérir les pathologies qui peuplent ce monde pour le rendre davantage parfait. Si seulement, vous pourriez un minimum vous apparentez à lui, madame... ? Le monde gagnerait en éclat...
Tenez vous ne m'avez même pas fait l'honneur de partager votre nom ! Est-ce ainsi que vous vous comportez avec la perfection ? dit-il, en reprenant exactement la même phrase précédemment dite et avec exactement le même ton que celui de la jeune femme.

Celieno avait arboré une expression bien plus joyeuse pour ne pas que ses paroles soient insipides, il accentuait ses mots pour mieux accaparer l'attention de son interlocutrice et conservait son intelligibilité qui le caractérisait. Néanmoins, il faisait preuve d'impertinence, mais ces paroles pouvaient aussi être perçues comme plaisantes et facétieuses pour certains. Conscient de son insolence, Celieno restait sur ses gardes et était prêt à recevoir les deux gardes s'ils n'étaient plus retenus et désiraient corriger le jeune homme. Après tout, ses armes qu'il avait pris le soin de prendre avec lui pour venir à Ellandy lui serait peut-être d'un recours non négligeable; mais s'il venait à les utiliser, il devrait par la même occasion abandonner l'objectif de sa venue ici et s'ôter le plus promptement possible. Dans l'idéal, bien évidemment, Celieno tenait à éluder cette occurrence qui lui demanderait inutilement des forces.

Loränys souriait. Mais ce sourire n'était qu'une facade car intérieurement elle frissonait. Perfection. Ce mot la glaçait tant il lui paraissait dénué de sens. Ce mot n'est qu'une illusion, une chimère à laquelle les hommes s'accroche dans le faux espoir de l'atteindre un jour. Et ce jeune homme présentement devant elle, pensait détenir ce que tant d'être avaient désirés toute leur vie durant. Elle eut un soubresaut quand l'individu reprit ses propres propos et la tira de ses réflexions. Celieno, puisque c'est ainsi qu'il se nommait, en tout cas c'est ce qu' il le prétendait, parlait d'une voix mieleuse, presque enjoleuse.
Malgré son arrogance démesuré, son orgueil vertigineux et sa folle insolence , il l'intriguait. Elle lui rétorqua donc sans se forcer :

- Je me nomme... Malissia, mentit-elle après une très brève hésitation, aurais-je rencontrer un saint ? riat-elle avec le plus de décontraction possible. Si vous voulez mon humble avis Monsieur Celieno, la perfection n'existe pas, mais vous, pourriez vous vivre sans croire que vous la possédez ? Le métier de soignant n'est , encore une fois à mes yeux, veuillez pardonnez mon égocentrisme, une façon de soulager les plaies et les souffrance de notre monde et non de le rendre plus agréable à l'oeil. Je serai néanmoins enchantée que vous me fassiez part de votre théorie à ce sujet.

Puis passant soudain du coq à l'âne elle demanda :

- D'ou venez vous très cher Celieno ? Je ne vous cacherait pas que votre attitude ne manque pas d'attisez ma trop grande curiosité, ajouta t'elle en lui lançant un regard étrange. Ce mode de pensées ne me semble commun et je désirerai que vous me l'expliquiez autour de quelques boissons ou mets qui vous plaira. Vous avez tout droit de refuser, je me trouverai génée de vous retenir contre votre gré.

Ne se rendant plus compte de rien tant elle était aspirée par sa longue tirade que ce furent ses gardes qui la ramenèrent à la réalitée. Tout deux l'attrapèrent vivement par le bras. Ils la serraient si fort que çelà commencaient à être douloureux pour son frêle membre , moins épais que les mains massives de ses cerbères.

- Vous me faites mal ! persifla t'elle.

Aussitôt leurs étreintes se déssererent sans pour autant qu'elle puisse se dégaguer. Furieuse, Loränys s'empêcha de jurer après ses goeliers. Voyant son mécontentement l'un d'eux dit :

- Votre conduite n'est pas très prudente majesté, vous devriez rentrez au château.

Sa voix grave était parfaitement audible. Le teint déjà pâle de la souveraine se délava totalement. Crétin, crétin ! Comprenant son erreur, l'idiot ravala sa bile son le regard assassin de sa maitresse.

Pendant que son interlocutrice, prénommée Malissia comme elle l'affirmait, s'exprimait en énonçant un enchaînement de mots fluides et compréhensibles, Celieno inspectait son faciès en ancrant ses deux perles colorées sur ses traits seyants qui composaient un visage joli et doux à la fois, de manière à préciser son attention. Même en voyant son air sibyllin lorsqu'elle lui demanda d'où il provenait, il n'altéra pas son regard monotone.
Involontairement, Celieno venait de s'immiscer au coeur d'une polémique futile alors qu'il ne faisait que s'amuser à proférer des palabres captieuses. Cette optique l'amusait; défendre un point de vue aussi débauché l'avivait même s'il est, dans cette situation, fortement ardu de parvenir à convaincre ou même à présenter des prétextes un minimum plausibles. Toutefois, il ne se sentait pas dans une impasse obstruée et conservait sa certitude, sans même que la pensée d'une véritable gêne vienne lui susciter de l'ennui. Ainsi, Celieno concevait déjà les formulations qu'il émettrait lorsqu'elle lui permettrait de le faire, mais ce fut les deux gardes qui coupèrent la parole de son interlocutrice, sous l'attention du jeune homme qui ne s'apprêtait à réagir, préférant scruter la petite scène qui se présentait à lui.

Sans marquer un étonnement ostensible, Celieno fut tout de même très surpris de savoir qu'il était devant une personne aussi bien classifiée hiérarchiquement... Il ne l'avait pas du tout imaginé, même en voyant les deux gardes qui la convoyaient. Quelle coïncidence, décidément. Dans la mesure où elle voulait préserver son anonymat, ses deux gardiens avaient fait preuve d'une ineptie qui faisait tout sauf l'enchanter, et cela se constatait au coloris que prenait son visage ainsi qu'à son regard ferme et beaucoup moins enthousiasmé. Avec attention, Celieno avait observé sans réagir, en s'effaçant de la scène en personnage silencieux et attentif, et avait donc bien évidemment pu assimiler les paroles et la situation qui lui confirmaient bien de la personne devant laquelle il était présent. Ensuite, lorsque le mutisme gouvernait malgré une certaine tension, Celieno décida de rompre ce silence.

Eh bien, ce regard offre un disgracieux contraste avec votre joli visage, majesté commença-t-il en faisant une révérence bien exécutée, comme s'il rencontrait une toute nouvelle personne. Ne soyez pas si difficile envers votre convoyeur, n'oubliez pas qu'il est là pour vous protéger et qu'il vous a épargné d'une chute très désagréable, que je déconseille à quiconque... Ce n'est qu'une petite erreur de sa part; n'oubliez pas que personne, excepté moi bien évidemment, n'est si parfait pour n'avoir jamais commis d'erreurs continua Celieno en griffonnant un petit sourire avec ses lèvres fines, en référence à l'une des phrases de son interlocutrice, tout en conservant le sarcasme mensonger qui l'auto-proclamait parfait.

Alors, majesté, que comptez-vous faire ? Retourner dans votre vaste demeure qui vous assure convenance et commodité ou venir avec un inconnu pour l'accompagner vers la sustentation de quelques pitances en discutant en toute tranquillité ? demanda Celieno, affirmant ainsi qu'il serait d'accord pour discuter et manger avec la reine, si elle le voulait et le pouvait toujours. Je me demande si quelqu'un comme vous, sa majesté Malissia, qui séjourne dans un palais, peut s'accompagner d'un simple et jeune voyageur aux moeurs si modiques... conclut le jeune homme, sans répondre aux premières et longues paroles de son interlocutrice, car la circonstance, suite à cette découverte surprenante, lui était difficile.

Au moment où Celieno s'aperçut du temps changeant grâce à la présence des eaux congelées, qui se manifestaient en tombant du firmament sous la forme de flocons blancs et immaculés, il remit délicatement son capuchon sur sa masse capillaire d'un geste indolent et amorphe, sans pour autant s'inquiéter davantage de ses anodines intempéries qui ne froissaient pas sa commodité. Ensuite, tout en maintenant son petit sourire qui demeurait depuis sa dernière tirade, Celieno fut amusé et proche d'extérioriser un rire quelconque lorsqu'il entendit son interlocutrice reprendre l'une de ses phrases à son compte, en se servant du même procédé qu'il venait d'utiliser. Néanmoins, il se rétracta et ne laissa échapper qu'un inaudible soupir allègre qui concordait à la disposition souriante de ses lèvres. En outre, malgré son léger amusement, Celieno fut toutefois légèrement étonné lorsque son interlocutrice parla de s'assurer de son silence, de par son intonation et son expression faciale qui ne paraissait présager rien d'enviable. Par son caractère, il ne prit pas peur mais pensa instantanément que la reine du royaume d'Ellandy désirait peut-être s'assurer de sa mort en le menant dans sa demeure. Le meilleur chemin de s'assurer du silence d'un individu, selon lui, est l'itinéraire qui mène vers un trépas certain. Est-ce si grave d'avoir découvert inopinément l'identité et le visage de la reine du royaume, pensa naïvement mais allégrement Celieno...

Avant qu'il ne puisse même confectionner un amoncellement de mots prêts à être énoncés, son interlocutrice reprit la parole et émit une dernière précision sous la forme d'une restriction qui empêchait Celieno de faire un choix à sa question. D'après ce qu'elle lui disait, Celieno était forcé de gagner sa demeure, ce qui lui permettrait d'être certaine de son silence. Le sourire du jeune homme s'altéra et son visage gagna une expression dubitative qui paraissait peiner à appréhender l'obligation que lui imposait la prénommée Malissia. Cette dernière qui paraissait avenante et ouverte à la conversation venait de restreindre les possibilités d'une jeune voyageur inconnu qu'elle avait abordé par le plus grand des hasards. Eh bien, on peut s'autoriser pas mal de chose avec un statut aussi bien gradé, se disait-il... Celieno, bien que le faciès perplexe, concevait la situation et lança ainsi furtivement une oeillade vers les deux gardes qui étaient de toute évidence l'assurance de la jeune femme concernant l'itinéraire qu'elle soumettait au garçon. Qu'on lui impose un ordre ne froissait pas le garçon résidant à Dinak, son orgueil étant inexistant, cela ne le gênait pas forcément et, en outre, s'aventurer au coeur d'une demeure royale pourrait peut-être lui être avantageux même s'il n'arrivait pas définir dans quelle mesure...

Toutefois, en tant que garçon porté à l'amusement, en plus de la situation inopinée avec une personne hautement hiérarchisée qui lui plaisait, Celieno décida d'atermoyer et de ne pas directement se contraindre d'accepter de suivre calmement la reine d'Ellandy. Ainsi, il parla longuement et presque inutilement comme il le faisait si bien habituellement, tout en simulant une crise paranoïaque :
Oh, vous, jolie demoiselle, allez donc obliger un misérable voyageur comme moi à s'aventurer dans vos si jolis habitations au risque de les voir entachées et flétries ? Messieurs, dit-il en s'adressant aux deux convoyeurs, n'est-ce pas là votre rôle d'empêcher une telle calomnie d'être produite ? demanda tristement Celieno, en se foutant du monde, lui qui se caractérisais comme la perfection quelques minutes auparavant, prenait soudainement le statut de misérable. Il continua, devenant soudainement et faussement paranoïaque :
Et puis, quelle méchanceté de vouloir m'obliger à vous suivre ! Mais dites-moi, toute reine que vous êtes, ne cherchez-vous pas à m'ôter la vie en désirant vous assurer de mon silence ! lança-t-il avec plus d'entrain, en accentuant légèrement ses paroles mais en prenant garde de ne pas les dire suffisamment fortes, tant pour éviter de les rendre audibles à la populace que pour provoquer vainement les deux gardes. C'est le meilleur moyen pour obtenir un silence définitif, mais est-ce digne de votre statut ? Et quel serait la réaction du peuple s'il savait ce que vous désirez me faire ? Vous faites une très mauvaise reine conclut Celieno doucement, comme s'il désirait hâtivement s'effacer.

Le jeune homme parut complètement paniqué par son ordre si bien qu'il débita une tirade de foutaises sans queue ni tête. Si il continuait à s'exiter comme ça, leur petit groupe allait attiré l'attention et cela était bien la chose qu'elle s'efforçait d'éviter.
Par opposition les dernières paroles du garçon la touchèrent en plein coeur. Elle était très sensible a ce que l'on pensait d'elle car elle tentait de gouverner le royaume avec le plus de justesse possible. Comment osait-il la juger ? La reine était consciente qu'une décision, aussi réfléchie soit-elle n'était jamais accepter par l'ensemble de la population. Mais c'était là son lot de tristesse quotidienne, un fardeau qui lui incombait.
Loränys fit signe aux deux mastodontes d'empoigner le frêle garçon. Elle s'efforçait d'avoir un faciès détendu, même si elle si révèlait peu douée. Elle se posta devant l'étranger et planta son regard d'azur dans les profondeur de ces yeux. Les flocons tombaient en masse à présent et formaient sur le sol une fine couche de neige poudreuse. Cette dernière donnait une ambiance ouaté à l'endroit. Après quelques secondes de silence elle se décida enfin à articuler :

-Je me suis mal exprimée il me semble. M'assurer de votre silence ne reviens pas attenter à vos jours, non, biensur cela serai complètement indigne et déloyale de ma part. Soyez-en assurer, je m'engage à vous traiter avec respect mais dans ce cas appliquer la réciproque. J'ai pour projet de vous enmener jusqu'à ma demeure, de vous offrir le couvert puis vous pourrez partir ou bon vous semble ! Vous comprenez, juste quelques formalitées auxquelles j'espère votre collaboration. Celieno, vous êtes intelligent, vous devez savoir que ma fonction n'est sans risque. Il existera toujours un fou ou un ennemi qui n'hésiteras pas une seconde à attenter à ma personne si il me sait dans les parages ! Et imaginer le désastre si je ne suis plus là pour gouverner alors que mon époux est à l'autre bout du pays, en train de guerroyer ?

Elle était quasiment à bout de souffle tant elle avait parlé avec passion. Elle espèrait que son interlocuteur soit sensible à ses paroles car elle ne tenait pas vraiment à l'idée de l'embarquer par la force, tel qu'elle l'avait menacé précédemment.
Une bise glaciale griffait la fine peau de son visage et lui donnait un aspect rougie. Elle sentait le froid mordant prendre possession de son corps. Il était devenu une nécissité qu'il se déplace, au moins pour qu'elle ne meurt pas de froid à rester prostrée ainsi.

Un temps d'arrêt s'immisça au sein de la conversation suite à la longue tirade de la reine d'Ellandy. Celieno avait attentivement écouté, sans faire un mouvement ou altérer l'expression de son visage en faciès déstabilisant, pensant et sentant que son interlocutrice était touchée et agacée par le comportement du jeune homme qui attisait l'irritation. Elle ne parut hésiter en demandant aux deux gardes de happer Celieno, qui, consécutivement, ne manifesta aucun signe de contestation ou aucun mouvement de mise en garde. Aucun étonnement le marqua car il était difficile de demander une autre réaction de la part de ses interlocuteurs en proposant un comportement aussi exaspérant. En outre, il était en face d'une reine de tout un royaume, peut-être était-il en train de dépasser des proportions qui l'amèneraient à quelques entraves dont il n'anticipait le degré, bien qu'il ne comptait causer le moindre soucis à la représentante d'Ellandy dans la mesure où il n'y voyait pas de profit à en tirer.
Ce qui était certain, c'est que le garçon disposait d'un tempérament difficile à appréhender. Lui qui étais en face d'une reine ne marqua pas une forme de respect outrancière dont elle devait bénéficier quotidiennement, mais préféra se comporter aussi paradoxalement que stupidement en vociférant des palabres autant absurdes les unes que les autres.

Recouvert par son capuchon, Celieno remarqua du coin de l'oeil qu'un flocon poussé par une petite brise passagère se dirigeait inéluctablement vers son faciès sur lequel il irait s'écraser et se réduire en petites particules impossible à identifier. Il l'attendit et l'utilisa comme signal pour recommencer à parler et répondre à la dame qui devait peut-être être éreintée de son atermoiement. En prenant un air plus sérieux, sachant que le moment n'était plus forcément orienté à l'amusement, Celieno effaça toute trace de panique paranoïaque ou d'air hébété qui pourrait engendrer de l'énervement, et se mit doucement et tranquillement à parler, en usant d'une voix flegme mais intéressé et sincère qui s'articulait intelligiblement.

-Intelligent ? Vous me flattez, mais est-ce réellement le cas lorsque je me dis être la personnification de la perfection ? commença-t-il, avant d'enchaîner sans attendre de réponse de son interlocutrice. Alors, vous êtes en mauvaise posture ici en ma compagnie alors que je sais votre grade... Et vous ne désirez vraisemblablement pas que je me mette à crier votre présence ? dit-il en répétant plus ou moins les paroles de la reine, pour peut-être les mettre davantage en évidence. Les conséquences attisent ma curiosité, je pourrais peut-être le faire... Oui ? Dites-moi, j'aimerais, par exemple, savoir ce que, outre le repas au sein d'une demeure royale, vous pourriez peut-être m'offrir de plus significatif ? questionna-t-il en prenant une voix un peu plus grave, avec une confiance en soi sûre et imperturbable.

Ce qu'il faisait, certains pouvaient communément l'appeler comme une forme extraordinairement proche du chantage, bien que ce n'était qu'une proposition de sa part et qu'il n'avait pas précisé qu'il était en train d'user d'une quelconque forme de chantage. Toutefois, en parlant ainsi, Celieno paraissait de toute évidence peu touché par la dernière tirade de la reine. Il termina rapidement avant d'attendre une réponse :
-J'aimerais que vous ne fassiez pas appels à vos gardes et que vous répondiez à ma dernière question. De toute façon, je saurais me défendre s'ils tentaient de me causer de l'ennui.