Balade nocturne [libreuh]

L'air frai et humide de cette foret revivifiait le corps et l'esprit d'un homme qui n'avait cessé sa longue marche de toute la journée. Sale et fatigué Jauffre fut attiré par la douce mélodie que jouait l'eau en s'écoulant, le bruit de l'eau se heurtant aux rocher , effleurant la berge, se faisait de plus en plus fort, seul le chant de quelque oiseaux et le bruissement de la robe monacale du vieil homme semblait contester la suprématie sonore de la rivière.
Jauffre avançait doucement vers cet espoir de repos, brisant quelques brindilles sous ses pas et écartant les feuillage qui semblait soupirer, comme pour protester de ce dérangement nocturne.

Sa longue marche de la journée lui avait permit de se ressasser l'histoire de sa vie, son enfance, son apprentissage, les multiples aventure, ses voyages mais maintenant il était vieux, s'en était sans doute fini de tout ça. Les gens aujourd'hui fuient la discutions et le débat, cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas eu affaire à une personne cultivé ou au moins intelligente, s'en était presque... déprimant.

Enfin il débouchait sur un espace un peut plus dégagé d'où il pouvait déjà apercevoir le reflet du croissant de la lune dans les eaux calme et chantantes de la rivière. Soudain il aperçut deux faibles lueur, des yeux qui le fixait non loin de là sous le couvert de la végétation. Sa curiosité l'emportant sur tout le reste il s'avança vers la source de son interrogation, plus ses pas l'en rapprochaient plus il pouvait distinguer une jeune silhouette, au visage impassible mais au regards plein de questions sans réponses. Sa démarche, qu'il voulait frêle et boiteuse pour ne pas laisser paraitre un danger potentiel, ralentie. A quelques mètres de l'individu embusqué il s'arrêta, appuyé sur son bâton Jauffre souleva, de sa main gauche, son capuchon dévoilant ainsi son visage à la lune et à l'inconnue. Un visage usé par le temps, un visage fatigué où seul les yeux semblaient encore alertes, son regard analysait la situation, et la silhouette d'un jeune homme. Le poignard serré dans la main de l'adolescent luisait à la lumière de la lune. Il ne constituait pas en soit un danger mais révélait les intentions du garçon.

Un sourire furtif passa sur sa bouche.
- Voyons, voyons jeune homme est ce dont là une façon de se présenter à un vieillard ? Dit Jauffre d'un ton qu'il voulait apaisant et rassurant.

Si ce jeune voyou régnait son couteau la situation serait apaisée, et l'on pourrait enfin discuter et effacer cette vilaine tentions qui régnait entre les deux personnes. Il fallait détendre un peu l'atmosphère, lui faire oublier que le vieil homme pouvait présenter un danger potentiel.
- Dit donc mon gaillard n'est tu pas un peu jeune pour vadrouiller ainsi, seul en pleine foret et à un heure où le soleil à cédé sa place à la lune ? Jauffre avait dit ces paroles le sourire aux lèvres avec l'espoir fou qu'il serait peut être contagieux.

Les deux hommes d'un âge si différent se dressaient l'un devant l'autre, l'un arborait un doux sourire et avait le regard qui pétillait de vie, l'autre ... et bien l'autre n'avait aucune expression sur son jeune visage mais une lueur d'intelligence et de concentration se lisait aisément dans ses yeux...

De ses yeux immiscés au sein de son capuchon, Celieno conservait son attention sur la démarche de la silhouette qui se muait vers lui avec une certaine nonchalance. Serrant fermement son poignard, le jeune garçon ne s'apprêtait à l'utiliser seulement si une menace se dégageait de l'arrivant, qui se retrouvait désormais à quelques mètres de lui. Habiter au sein de Dinak et subir quotidiennement son atmosphère était tout sauf aisé et mettait constamment Celieno en garde, qui appréhendait suffisamment ce royaume à l'heure d'aujourd'hui. Le mystérieux personnage qui s'était, à l'instar de Celieno, acheminé vers la rivière disposait du même sorte de capuchon que le sien mais finit néanmoins par l'ôter de sa tête lorsqu'il engagea la conversation.

Sa voix était très avenante et ne dégageait pas la moindre partielle de danger, tandis qu'elle était auréolée d'un faciès vétuste aux rides fortement significatifs qui stipulaient l'âge avancé de celui qui s'apprêtait à être son interlocuteur. Vraisemblablement, Celieno n'aurait pas recours à son armement qui nimbait sa ceinture et venait tout simplement de tomber sur une présence inopinée qui ne lui voulait pas de mal. Rassuré, -et suite aux deux questions qui lui furent adressées- Celieno prit un léger moment avant de répondre, le temps de se défaire de son poignards, de laisser la nouvelle brise agiter les quelques feuillages, rendant la vacuité qui entourait les deux hommes davantage significative. Une fois que le silence revint, Celieno gagna un mètre par quelques pas très lestes et hâtifs qui contrastaient de toute évidence avec ceux du vieil homme et imita ce dernier en retirant de la même façon son capuchon pour dévoiler totalement son visage. L'expression de Celieno s'altéra et se défit de cet air absent qui devint plus intéressé alors que ses fines lèvres tentaient d'édifier un léger sourire comme pour adresser une réponse aux questions qui lui étaient posées.

Dès lors, Celieno entreprit à son tour la parole, tentant naturellement de reproduire le même entrain que celui du vieil homme.
-Eh bien, veuillez m'excuser, mais lorsque le ciel s'enténèbre de cette façon, il est peu habituel de rencontrer une présence aux abords de cette rivière. J'ai été un peu surpris. Répondit-il, sincère et quasiment enjoué. Outre sa surprise, Celieno se trouvait au royaume de Dinak, et il savait qu'il n'était pas impossible qu'une fielleuse présence ce soit immiscée ici avec des desseins néfastes. La vigilance du jeune garçon s'était dès lors dissipée et il tenait ses mains éloignées de ses poignards, sentant que l'occurrence qui le verrait les utiliser était inexistante en cet homme. Une nouvelle brise se dévoila mais Celieno ne prit pas le temps de l'entendre se finaliser, reprenant immédiatement la parole pour dévoiler les motifs qui se rapportaient à sa présence.

-Un peu jeune ? Qui sait ? Lança Celieno d'un air désenchanté qui paraissait le désintéresser mais qui attisait sa réminiscence, ses parents l'ayant toujours considérer comme un jeune enfant, avant de reprendre avec un peu de vitalité. Outre la physionomie, la jeunesse n'est-elle pas relative ? Ce n'est pas facile de vivre à Dinak en restant éternellement jeune. Les multiples bruits qui avivent sa capitale sont des fois insupportables et il m'est nécessaire de recouvrer un peu de calme en m'immisçant dans la pénombre et à l'abri de la populace. Dit-il, tout en se remémorant le dernier évènement de Criméa où il avait vu un marchand se faire attaquer par un bandit, ce qui avait engendré un lourd tumulte.
-Enfin, je veux bien croire que mon apparence montre une personne jeune. Pour tout vous dire, je suis venu m'adonner un peu à la chasse par la même occasion, mais la chance ne m'a pour le moment souri. Reprit Celieno, laissant cette fois-ci quelques secondes de silence qui lui avait définitivement rappelé le véritable motif de sa présence en ces lieux. Mais, vous, dites-moi, que vous amène donc aux abords de cette rivière ? Je me doute que vos raisons ne sont pas conformes aux miennes. Finit-il par dire, rendant machinalement le même sourire que lui offrait son interlocteur.

Le garçon se dirigeât vers lui d'un pas souple et rapide puis, face à lui le jeune homme retirât le dernier obstacle à un dialogue, son capuchon, une foi cela fait Jauffre put contempler le visage encre épargné par le temps et la vie. Il lui trouva un air efféminé, sans doute à cause de ses fines lèvres qui arboraient maintenant un sourire encouragent. Outre son visage, Jauffre remarqua c'était tout son corps qui s'était détendu, et cela lui apportait la confirmation que le jeune homme ne lui voulait aucun mal. Cela devient une certitude lorsque ses paroles vinrent étayer ses actes. Le sourire au lèvres l'adolescent s'excusa de l'avoir menacé avec son poignard et justifia son acte par la surprise de la venue tardive du vieil homme.

Son interlocuteur ne présentant plus aucune source de danger, Jauffre fit faire à ses yeux un large tour d'horizon dans l'objectif de repérer une quelconque présence, humain ou non, hostile ou non. Ses yeux gris ne distinguèrent rien dans la pénombre et la foret alentour aurait caché quiconque. Et mis à part le doux son de la rivière et de quelques oiseaux nocturnes rien ne retint l'attention du vieillard.

-Un peu jeune ? Qui sait ? Les paroles de son jeune interlocuteur le sortirent de ses réflexions et il fixa son attention sur lui.

-Outre la physionomie, la jeunesse n'est-elle pas relative ? Ce n'est pas facile de vivre à Dinak en restant éternellement jeune. Les multiples bruits qui avivent sa capitale sont des fois insupportables et il m'est nécessaire de recouvrer un peu de calme en m'immisçant dans la pénombre et à l'abri de la populace. continua le garçon, le regard dans le vide et une petite lueur dans celui-ci indiquant qu'il se remémorais quelque chose.

*Hmmm une garçon intelligent ... néanmoins quelque peu imprudent, cependant, je le comprend*
Puis vient l'inévitable question, "que faite vous là ?".

- Cette question à t'elle réellement une importance quelconque pour toi mon garçon ? Mais bon soit considérons que oui, je suis venu ici, aux abords de cette rivière pour chercher le repos que mérite tout homme ayant marché sur les chemins du pay toute la journée. Cette rivière m'a attirée par sa douce et calme mélodie, l'entend tu ? c'est agréable n'est ce pas ? Jauffre venait de répondre à la question du jeune homme avec un air enjoué, ce n'est pas souvent qu'il pouvait discuter avec une personne un tant soit peu intelligente, et ce garçon l'était.

L'envie lui prit de répondre également à cette problématique de la jeunesse et il le fit avec grand intérêt

- Mais si tu le veut bien revenons à la jeunesse, il est indéniable que tu est jeune de corps, mais comme tu l'a si bien dit le corps seul fait il la jeunesse ? L'esprit n'a t'il donc pas son mot à dire dans cette histoire ? Mais dans ce cas là il ne faut pas confondre ce que tous mélangent, la jeunesse qui se rapporte au corps et la maturité qui se rapporte à l'esprit, tu me suis ? Or tu es sans doute mature mais ton corps reste jeune et ne te connaissant pas je ne peut pas présumer d'une maturité ou non chez toi, je me suis donc fié à ce que mes yeux me rapportaient, ta jeunesse. Les paroles de Jauffre avaient coulés comme la rivière voisine, claires et fluides.

- Oh fait comment t'appel tu mon garçon ? Moi je suis Jauffre.

Sans même y avoir porté attention, Celieno avait longuement parlé par rapport à son interlocuteur et avait par la même occasion ouvert quelques sujets de conversations qui pourraient être intéressants. Ainsi, sa prise de parole relativement élevée amènerait pareillement une durée de réponse du même acabit, dans la mesure où il était en face d'une personne qui était de toute évidence largement ouverte à la conversation. Avec attention et sa méticulosité habituelle, il scrutait le visage ridé qui lui était présenté en face de lui et laissait la totalité de ses mots s'immisçaient au sein de ses propres écoutilles auditives. Écoutant prudemment, Celieno pensait apercevoir les nombreuses années qui avait confectionné une telle limpidité dans son élocution. Sa première pensée qui demeurait constamment spéculative fut qu'il se trouvait en face d'un homme qui avait décidément bien pris de l'âge, un homme aux antipodes de ceux qui se trouvaient au sein de Criméa, grandement responsables de sa présence aux abords de cette rivière.

Avant de rompre la parole, Celieno avait effectivement renvoyé la question qui lui était posée, demandant de la même manière qu'elle était le motif qui pouvait l'amener en ces lieux. Comme il lui fit remarquer, cette question n'était que sans importance, elle était seulement appliquée dans un but de sympathie, voire de fausse sympathie. Avec le temps, Celieno s'était amené à utiliser pleinement des codes sociaux pour mieux s'insérer dans la norme et ainsi éluder habillement les problèmes anodins de discourtoisies qui l'useraient de son temps. Ses yeux, ses fines lèvres ainsi que sa manière d'énonciation dégageaient une expression affables qu'il s'était antérieurement forcé à utiliser et qui étaient devenus, aujourd'hui, un caractère machinal qui s'était intégralement ancré en lui. Lorsqu'il lui demanda la considération que Celieno adonner à cette futile question, celui-ci se souvint de ce qui l'avait poussé à se comporter aussi courtoisement, sans toutefois fourvoyer l'intérêt qu'il paraissait octroyer aux paroles de son interlocuteur.

Lorsque celui-ci rompit la parole, finissant par dévoiler son prénom, Celieno inclina légèrement sa tête sur la droite, ferma ses yeux enjoués et lança un momentané sourire à son interlocuteur. "Jauffre", il n'avait jamais pu entendre un prénom semblable jusqu'à présent, celui ne lui dit rien et ne put lui permettre de faire un quelconque commentaire. Toutefois, il n'allait pas rester sans voix et se contenter de ce misérable sourire, préférant évidemment reprendre la parole et émettre une réponse.
-Concernant la jeunesse, je suis d'accord avec ce que vous dites, il n'y a rien qui me gêne ou qui se rapporte à des palabres insensées. Toutefois, cette jeunesse dont nous parlons, doit-elle être associée à mes aventures nocturnes ? N'est-ce pas justement la maturité qui se rapporte, comme vous le dites, à l'esprit qui devrait davantage être prise en compte ? Dit-il intelligiblement. Son passé où il fut confiné en permanence au coeur de sa résidence l'avait décidément marqué, entravant complètement son désir de liberté dont il disposait aujourd'hui. Ce détail, il préférait bien évidemment l'omettre car les révélations de son passé n'était pas forcément utiles dans ces conditions. Ensuite, il continua.
-Celieno, bien heureux de faire votre connaissance, répondit-il en usant une nouvelle fois des fioritures qui avaient fini par le caractériser, et il est vrai que cette rivière dégage une sonorité suave et reposante. Un véritable contraste avec Criméa et son bruyant quotidien insonore. Je pense qu'elle est celle qui faut pour accompagner une fatigue. Décidément, il éprouvait une certaine rancune envers le lieu où il résidait.
-Criméa... D'ailleurs, y êtes-vous déjà allé ? C'est une ville qui mérite d'être visitée pour pouvoir contempler sois-même tout ce qui peut s'y passer. Finit Celieno, laconiquement.

Après avoir fait mention de son nom Jauffre perçut un changement de comportement, le garçon souriait, un sourira vrai. Passant outre le fait que le garçon soit amusé de son nom le vieillard l'observa avec plus d'attention, désormais affranchit de sa carapace de la lourde vie mondaine, le jeune homme se révélait enfin. Sa réponse sur la jeunesse et la maturité d'esprit était pertinente mais Jauffre ne put s'empêcher de rajouter son grain de sel avec intérêt.

- Concernant la jeunesse, je suis d'accord avec ce que vous dites, il n'y a rien qui me gêne ou qui se rapporte à des palabres insensées. Toutefois, cette jeunesse dont nous parlons, doit-elle être associée à mes aventures nocturnes ? N'est-ce pas justement la maturité qui se rapporte, comme vous le dites, à l'esprit qui devrait davantage être prise en compte ? Dit le jeune homme

- Certes la maturité est à prendre en compte lorsque l'on parle de tes balades nocturnes cependant elle ne suiffait pas. Une telle promenade nécessite, de par les danger potentiel qu'elle peut révéler, un corps plus solide que le tien, un bras fort et une certaine expérience des armes. C'est regrettable mais les temps sont ainsi, les voleurs et les brigands rôdent. Ces paroles pouvaient vexer le garçon mais elle n'étaient qu'une vérité dont il devait être inconsciemment, ou consciemment, au courant.

Le garçon se présentât ensuite sous le nom de Celieno, un nom citadin, avec sans nul doutes l'éducation qui va avec, une éducation bornée et orgueilleuse. Mais les préjugés sont la mort de la raison et Jauffre les balaya de son esprit aussi sec. Celieno approuva la description quelque peu musicale qu'avait fait le vieil homme de la belle rivière qui coulait à quelques pas de là.

-Celieno, bien heureux de faire votre connaissance. Il était calme, amical, agréable. Un changement de la triste routine quotidienne. Et il est vrai que cette rivière dégage une sonorité suave et reposante. Je pense qu'elle est celle qui faut pour accompagner une fatigue.

Il finit après cela par annoncer qu'il, comme le pensait Jauffre, venait de la ville, Criméa pour être exact. Celieno lui demanda si il y était déjà allé.

-Un véritable contraste avec Criméa et son bruyant quotidien insonore. Je pense qu'elle est celle qui faut pour accompagner une fatigue. D'ailleurs, y êtes-vous déjà allé ? C'est une ville qui mérite d'être visitée pour pouvoir contempler soi-même tout ce qui peut s'y passer.

Criméa, le vieil homme y était déjà allé de nombreuses années auparavant mais son intérêt est cependant très limité, les vols, les violences, le bruits de fond perpétuel et oppressant de la ville et de ses activités, ces politiciens véreux et ... leur roi ...

- Oui mon garçon, il y a à de cela bien longtemps. Une ville déchue malheureusement, plus rien à voir avec son passé. Le visage de Jauffre s'assombrit quelques instant mais revint vite à un esprit de bonne humeur. Dit moi que compte tu faire maintenant ? La chasse n'est pas très bonne à ce que je vois ... Peut être est t'il temps pour toi de rentrer chez toi.

Tout en disant cela le vieil homme s'installa au pied d'un bel arbre à proximité de l'eau et alluma un petit feu avant de sortir de son sac les quelques morceau de viandes séché qu'il comptait manger ce soir. Tout en dégustant ses victuailles il gardait son regard gris fixé sur Celieno.

Une nouvelle fois, Celieno avait écouté les paroles de son interlocuteur avec une grande attention qui montrait son intérêt. Après tout, il ne rencontrait que très rarement des personnes d'un âge relativement avancé avec qui, il pouvait dialoguer cordialement. Et bien que sa dernière prise de parole divergeait avec ses pensées, Celieno ne s'ôterait pas de cette rencontre mécontent dans la mesure où il aurait trouvé un avantage à être sorti aussi tardivement de son habitation. Au moins, il avait pu dialoguer un minimum, ce qui était une large compensation avec sa recherche qui s'acheminait vers une conclusion vaine. Toutefois, il voulut exprimer son désaccord sur leur sujet. Dès lors, avec une voix aussi cordiale et intelligible que celle qu'il usait quotidiennement, Celieno reprit une nouvelle fois la parole, réfutant les dires de Jauffre qui le concernaient directement.

-Je ne suis pas vraiment d'accord lança-t-il pour mettre d'ors et déjà en avant son objection. Pour quiconque, l'image de la corpulence n'est, selon moi, pas essentiellement à prendre en compte pour jauger les compétences qui permettent une défense sûre aux dangers. Ce n'est qu'un jugement hâtif. En outre, ce n'est pas ma première promenade dans des lieux et des heures semblables à ceux-ci. Et mon quotidien se trouve au sein de Criméa... Les brigands, les voleurs et toute leur populace, je les appréhende depuis bien longtemps maintenant. L'âge n'est pas constamment à prendre en compte pour évaluer l'expérience.

Et c'était vrai, Celieno le disait sans présomption, il concevait suffisamment les confrontations avec les brigands et autres voleurs, aujourd'hui. La réputation de Criméa lui avait même fait savoir qu'il devait passer par une étape aussi importune avant son arrivée s'il voulait vivre avec tranquillité et placidité. Souvent, il devait leur faire face et cela ne faisait que lui destituer de son temps. Sa petite réputation avait même véhiculer une certaine appréhension autour de son habitation, lui permettant de demeurer davantage en quiétude par rapport à son arrivée.
En passant une main au sein de sa masse capillaire pour agencer une nouvelle fois la petite partie qui était venue obstruer sa vision à cause d'une légère brise, Celieno reprit la parole en s'attardant sur un détail précédemment dit par Jauffre qu'il désirait mettre en avant.

-"Un bras fort" ? Vous savez, il n'est pas facile de pouvoir pleinement concevoir la constitution de mon bras sous ce vêtement dit-il, le sourire aux lèvres, sans pour autant préciser l'aspect que présentait son bras. Toutefois, je peux assurer qu'il m'a aidé à résoudre nombre conflits et qu'il est la principale raison qui fait que je suis en train de vous parler à l'heure actuelle. Que ferais-je sans lui, après tout... Les différentes fois où il avait dû prendre la vie pour se préserver lui revenaient en mémoire indifféremment, sans fierté ni nostalgie. Ah, Criméa... Celieno en avait acquit des souvenirs en décidant de vivre dans cette ville aussi malencontreuse... Lorsqu'il demanda à Jauffre s'il y était allé, ce dernier ne parut pas enchanté, montrant vraisemblablement l'ambiance que la ville reflétait à travers son visage. Ses paroles montrèrent qu'il ne prisait pas la ville où Celieno avait décidé de résider et cela s'avérait compréhensible.
Le temps avançait continuellement et inéluctablement sans connaître de fin tandis qu'ils parlaient toujours tous les deux. Jauffre le lui rappela tout en se mouvant vers un des arbre, se mettant à disposition pour assouvir ses besoins naturels en se sustentant. Celieno lui répondit, toujours à son emplacement initial, celui qu'il avait conservé depuis le début de leur conversation.

-Je pense... En tout cas, je ne compte plus m'adonner à la chasse, cette nuit. Une envie de toucher mon luth commence peu à peu à me submerger, en plus... Par simple curiosité, où comptez-vous passer votre nuit ? Ici, en ces lieux ?

[Gniarf, dans mon premier message, j'avais précisé que mon personnage avait laissé son luth dans son habitation, mais c'pas grave. xD]

En effet, comme il le disait lui-même, les paroles de Jauffre semblèrent toutes bonnement paradoxales pour Celieno qui avait soudainement du mal à appréhender la cohérence du vieil homme. En outre, dormir en ces lieux semblait périlleux, se lancer dans une telle entreprise était risqué malgré toute l'assurance qu'on pouvait détenir. Dinak, comme ses alentours, n'étaient pas un lieu de confort où l'on pouvait sommeiller n'importe où sans s'offrir à un sérieux danger. Toutefois, le voyant certain de son dessein, ajouté à toute son expérience, Celieno ne comptait pas revenir dessus, préférant le laisser faire comme il le désirait. Après tout, il ne venait que de se rencontrer...

-Eh bien, faites comme bon vous semble, dit-il cordialement.

Tout en fixant les deux perles grisonnantes qui encadraient ce faciès ridé, presque hypnotiques, Celieno ne put s'empêcher de refuser la demande de Jauffre, toujours assis près du bel arbre. Lui montrant son approbation par un léger sourire, sans excès, Celieno défit son sac en camocas qu'il avait lui-même agencé par ses propres moyens, pour lui permettre la transportation de différents objets et montra finalement son luth qu'il avait porté sur son dos. D'une couleur verte, de sinople plus précisément, le luth de Celieno était maculé et se faisait un peu vieillissant, preuve qu'il avait parcouru quelques générations, maintenant. Bien que le coloris inspirait, selon les croyances, des qualités comme la jeunesse ou la vigueur, il se rapportait aussi à des défauts comme l'avarice ou la folie. Heureusement -et comme il le savait lui-même-, ce n'était que des croyances et il les obstruait tandis qu'il s'avançait près de Jauffre, prenant place à ses côtés, pour tenter de lui jouer une petite mélodie.

-J'en joue régulièrement, il est vrai mais je suis malheureusement encore loin d'exceller. Enfin, écoutez par vous-même.

Confortablement assis, Celieno débuta sans appréhension. Il ferma ses yeux presque solennellement et commença sans atermoyer. Le cours de l'eau qui se trouvait juste derrière les deux hommes créa un suintement imperceptible qui s'harmonisa avec le son mélodieux qui se dégageait de l'instrument. Méticuleux dans le mouvement de ses doigts peu considérables, Celieno jouait une musique suave et eurythmique, produisant un son doux et cadencé qui se pavanait aisément au sein de cette atmosphère aphone où le silence gouvernait. Quelques minutes plus tard, le jeune garçon ouvrit les yeux et s'aperçut de la fatigue qui gagnait Jauffre; l'heure était tardive, de toute évidence, et une nuit reposante ne pourrait que lui faire du bien. Ainsi, il s'arrêta, pensant devoir partir discrètement pour ne causer aucun dérangement et laisser reposer le vieil homme.