Lendemain brumeux [PV Maëlanne, Dan]

[Après Affamé et perdu]
[Petite précision : en héraldique, "lampassé" est relatif à la langue d'un animal, et "armé" est relatif à ses griffes. "De gueules" est synonyme de la couleur rouge. Ainsi, "armé et lampassé de gueules" signifie que l'animal a la langues et les griffes en rouge. C'est un symbole souvent présent sur les blasons guerriers]

*Armé et lampassé de gueules... le blason d'Azyrith Dan... Les mercenaires de Dan... Gylen, le noble de la court... Sa figure livide... Mais lampassé de gueules, lui aussi !*

Uriel continua de s'agit dans son sommeil, visiblement mal à l'aise. Seul lui savait quels songes fumeux il subissait, mais on pouvait facilement dire qu'ils étaient relatifs au Roi félon, Azyrith Dan, son ennemi. Et sûrement à sa faute, son départ d'Apremont, son échec.
Le moine continua de divaguer, en rêve.

*Partis... Dans la gueule du loup... Le loup lampassé de gueules... Partis... Quitter Apremont... Pour les soldats d'Azyrith Dan... Une trahison, un échec...*

L'homme se réveilla en sursaut, le front en sueur. Il n'étais pas encore le jour, et l'air était encore frais. À l'estimation, il devait être entre quatre et cinq heures du matin. Le temps était humide, brumeux. Une pluie s'annonçait. Elle devrait s'abattre sur ces terres dans l'après-midi.
On entendait que peu de bruits, dans la campagne ; la nature était encore dans les bras de Morphée.

Ayant pris la décision de quitter ses hôtes, Uriel hésitait. Il ne savait pas s'il devait leur annoncer son départ, ou partir comme un voleur. Il était maintenant évident que le dénommé Gylen faisait partie des proches du roi, si ce n'est de ces hommes de mains... Ou encore le roi lui même -Uriel frémi à cette pensée-
S'il les quittait en les prévenant, il affichait clairement ses desseins de rejoindre les siens, et laissait tout le loisirs aux soldats Dinakiens de suivre sa piste, ce qui impliquait de se faire forcément coincer, tôt ou tard.
Mais s'il les quittait maintenant, sans se faire voir, il pourrait bénéficier d'un temps d'avance. Il pourrait effacer ses traces, fausser les pistes, et rejoindre Apremont en vie. Là il reprendrait l'œuvre de sa vie, le combat ouvert contre Auyrith Dan, le Roi renégat.
Le pire aurait bien entendu été de se faire prendre, alors qu'il partait en douce. Cette hypothèse, il ne fallait pas trop négliger, aussi Uriel se leva, et, sans faire de bruit, poussa la porte annexe, qui donnait sur l'intérieur du manoir. Il inspecta rapidement les lieux : tous dormaient. Les soldats étaient l'écart, et certains ronflaient. Le dénommé Gylen dormait, lui aussi, au côté de sa compagne, l'elfe Maëlanne Wijda.
Le moine referma la porte, qui grinça légèrement. Espérant que ce bruit n'eut pas réveillé ses hôtes et leurs gardes, il tourna les talons, et ramassa ses armes. Il roula sa couverture de fourrure, et la fixa à son paquetage, ainsi qu'à ses armes.

Prêt, il jeta un œil en contrebas ; la courtine était ridicule. Haute de juste deux mètres, elle s'était affaissée un peu plus loin, créant ainsi un passage jusqu'à la basse court. Là bas étaient les écuries, qu'on pouvait distinguer à travers la brume, grâce à la lumière chancelante d'une torche, sûrement oubliée ici la veille.
Le moine descendit de la courtine, par l'affaissement, son paquetage sur l'épaule. Il se dirigea vers l'écurie, où il fut accueilli par le réveil des chevaux. Il flatta l'encolure de quelques un, et ressortit de la cabane en bois. À la droite de celle-ci, était un abreuvoir, remplis d'eau la veille, à en juger par sa clarté. Uriel en prit dans ses mains, et s'aspergea le visage.

Il ne lui manquait plus que des vivres ; les soldats ne devaient pas tout avoir sortit hier soir, pour un seul repas, aussi Uriel décida de chercher des paquetages dans l'écurie. Il trouva en effet plusieurs sacs, qui contenaient des viandes séchées, des miches de pain, et des racines. De quoi subsister pendant un bon bout de temps.
Le moine s'en saisit, et les glissa discrètement dans son sac. Il sortit de l'écurie, et contempla une dernière fois la campagne, à la lumière naissante de l'aube.

Le coc chanta. Il devait être cinq heure du matin.

Il était temps de partir.

- Que je ne te surprenne pas à batifoler avec lui …
Ces mots restèrent gravé dans la mémoire de l’elfe. Quand est-ce que Dan apprendrait à lui faire confiance ? S’il persistait à jouer dans cette voie là, Maëlanne ne le supporterait pas.

Après avoir souhaité une bonne nuit à leur hôte, elle partit se coucher, près de son « mari ».
Impossible de s’endormir. La fatigue l’avait fuit. Elle avait entendu Uriel gémir durant son sommeil. Les cauchemars l’assaillaient-ils ?

Maël ne bougea pas pour autant. Même lorsqu’elle entendit au petit matin l’invité quitter les lieux. Faignant de dormir, elle restait à l’affût du moindre bruit. Pourquoi partir en douce ? Avait-il comprit le subterfuge ? Ou est-ce que la présence de toute cette garde était pour lui trop incommodante ?
Le final était le même. Uriel partait, mais Dan ne le laisserait sûrement pas s’échapper si facilement. Peut-être Maëlanne allait-elle avoir enfin une réelle mission si le Roi lui accordait sa confiance ?

Le chant du coq se fit entendre, la jeune femme se leva. Ne prêtant attention au Seigneur de Dinak, elle se dirigea vers la porte d’entrée. Ou de sortie, dans son cas, et la poussa.
Uriel était-il encore visible ?

[Je reprends les choses en main... Ras-le-bol d'avoir à toujours attendre qu'on daigne de me répondre.]

Ayant rassemblé toutes ses affaires, et soigneusement chapardé les vivres de certains soldats, Uriel pouvait désormais partir : toutefois, sans une monture, il n'irait pas loin. Heureusement pour lui, il se trouvait dans une écurie, et celle-ci contenait de nombreuses bêtes. Ces chevaux étaient des plus beaux, et pour des mercenaires, ils étaient d'une qualité trop élevée. Encore un point, qui menait à penser qu'il s'agissait d'un groupe de gardes d'élite.

Uriel sélectionna la plus belle monture, un roncin à la robe d'un noir de jais. Venant d'Apremont, il s'y connaissait en chevaux, et c'était normal : le comté était réputé pour avoir les meilleurs coursiers de tout l'ancien Alsaria réunit.
L'ancien moine fixa son paquetage à la selle de la bête, et l'enfourcha.

Aussitôt, ses pires craintes furent confirmées : sur la selle était représenté le sceau officiel du roi Azyrith Dan. Il y avait diverses représentations, tantôt formelles, tantôt ésotériques, comme l'image de sa tristement célèbre épée, Abaddon, et d'autres marques qui ne pouvait désigner que lui.
Uriel chevauchait la monture de son pire ennemi.

En écho à la terreur qui l'avait précédée à l'instant, la rage se déversa dans le corps de l'ancien moine : c'était aujourd'hui le jour de mettre fin à la tyrannie. Il dégaina son épée, et s'apprêta à courir à l'intérieur du manoir, avec la ferme intention d'égorger le seigneur félon dans son sommeil.
Mais il s'arrêta, et souffla. Se reprenant, Uriel constata qu'il avait manqué commettre un meurtre de sang-froid. Et viscéralement, il savait qu'il n'était pas un assassin. Certes il avait souvent tué, mais ce n'avait jamais été de son plein gré.
Il ne pouvait pas aller étriper le roi noir dans son sommeil. Il n'y arriverait pas.

L'ancien moine rengaina son épée, et sortit de l'écurie. Devant lui, sur le pas de porte, se tenait l'elfe Maëlanne Wijda. Il était désormais également manifeste qu'elle était au service d'Azyrith Dan, amante ou non. Mais elle non plus, alors qu'il la voyait comme ça, frêle et désarmée, il ne pouvait se résoudre à la tuer.
En gardant une distance respectable, Uriel s'adressa à l'elfe :

"Vous êtes bien matinale, dame Wijda. Mais vous vous êtes réveillée trop tard : je connais votre vraie nature, ainsi que celle de l'homme qui voulait me faire croire s'appeler Gylen.
Je ne peux vous occire ici, et ainsi, vous et votre sombre maître. Sachez toutefois que notre affrontement est à venir, mais sur le champ de bataille. Transmettez à Azyrith Dan qu'Uriel d'Apremont l'y attend."

L'homme tira sur la bride de l'animal, et le fit se retourner sur la droite. Là, il se saisit de la torche, qui était restée attachée au mur, et la jeta dans le foin. Il tourna la tête une dernière fois vers l'elfe

"N'essayez pas de me suivre, ou il vous en coutera. De toute façon, je doute que vos montures coopèrent. Maintenant, adieu."

Aussitôt, Uriel talonna sa monture, qui partit au grand galop, direction plein Ouest. Le Garant de la Lumière s'enfonça dans un brouillard épais, tandis que les chevaux, affolées par l'incendie, se précipitait terrorisées dans la forêt. Et les flammes commencèrent à lécher le manoir entier.

*Je doute qu'Azyrith Dan n'apprécie ce geste, mais qu'importe. D'ici quelques jours, je serais chez moi, et ce sera lui qui aura à craindre mes coups.*


[Topic terminé, pour ma part
Suite : Pas de répit pour les braves]