Rencontre à la choppe d'argent [PV Ciara et Galaad]

[Suite du sujet Trahison...]

Ilyana accepta la veste que le jeune homme lui tendait. Il s'agissait d'une veste relativement sobre en velour vert, d'une taille absolument parfaite pour dissimuler les déchirures et les tâches de sang séchées qui maculaient la tenue de la jeune noble. On aurait dit à la taille qu'elle avait été coupée pour une jeune femme, pourtant sa sobriété laissait plutôt croire qu'il s'agissait bien d'une veste d'homme. Sans trop se soucier de ce détail Ilyana enfila la veste tout en adressant un sourire reconnaissant au jeune soldat dont elle était débitrice.

"Elle sera parfaite, merci infiniment Julien."

fit elle d'une voix douce. Si la jeune femme se montrait rarement affable, elle se devait d'être toujours courtoise envers les individus dont elle était redevable. Dans ces moments, son éducation de jeune femme de la noblesse reprenait ses droits sur son habituelle froideur et son stoïcisme laissait en général place à une humeur cordiale, voire même joyeuse. Quiconque la fréquentait assez pour voir ce changement radical de comportement aurait presque pu croire qu'elle avait deux personnalités radicalement opposées. Ce n'était pourtant absolument pas le cas. Ilyana dressait juste d'ordinaire une barrière avec le monde extérieur. C'était du à une crainte de l'attachement à l'autre qui lui venait de son enfance et de l'éducation paternelle. Seuls ceux qui parvenaient à franchir cette barrière pouvaient découvrir la véritable Ilyana, et rares étaient ceux qui y parvenaient.

La comtesse déchue hocha la tête quand le jeune homme lui suggéra qu'il valait mieux lever le camp avant que ses poursuivants ne reviennent. Son sauveur avait raison sur ce point, ses assaillants n'allaient pas lâcher prise aussi facilement et Ilyana était affaiblie par son combat de la veille et les blessures qu'elle avait reçues. Elle n'était pas sans défenses mais néanmoins extrêmement vulnérable dans cet état. Elle suivit donc Julien et ils descendirent tous deux vers l'entrée de l'auberge puis sortirent et prirent la route vers le sud. Une fois que la jeune femme et son protecteur auraient rejoint l'auberge de "la choppe d'argent", ils n'auraient plus qu'à s'installer confortablement en attendant l'arrivée de Ciara, si cette dernière tenait sa parole tout du moins. Ilyana n'était pas certaine que la Mercenaire se montrerait, deplus, il était dangereux de rester trop longtemps au même endroit, avec les assassins de Yorin à sa recherche mais la jeune femme était prête à prendre le risque. Elle n'allait pas laisser filer une telle occasion, quand bien même sa propre vie était en jeu.

Alors qu'ils étaient encore à la moitié du chemin, Ilyana remarqua un groupe de gens en armes au loin. Julien sembla l'avoir remarqué également puisqu'il l'aida à se dissimuler derrière un buisson touffu qui bordait la route. Le groupe se rapprocha peu à peu de leur position. Ilyana reconnu bien vite certains de ses agresseurs de la veille. Elle s'immobilisa totalement, évitant presque de respirer afin qu'ils ne la repèrent pas. Les hommes passaient à quelques mètres à peine lorsque le sort voulu qu'un oiseau se perche sur un arbre non loin. Le volatile choisit une branche morte depuis longtemps. La branche, sêche et rongée par les termites, ne supporta pas le poid de l'animal et céda dans un craquement sonore avant de dégringoler sur le sol dans un bruit de feuilles écrasées. L'oiseau parvint à s'envoler, évitant la chute et alla se poser sur une autre branche, plus solide celle ci.

Ilyana s'était figée en entendant le l'horrible craquement derrière elle. Elle n'était malheureusement pas la seule à l'avoir relévé. Ses anciens camarades de l'Ordre de la Lune d'Argent s'étaient eux aussi immobilisés, libérant leurs armes de leurs fourreaux. Les hommes échangèrent un regard puis deux d'entre eux s'avancèrent vers le bord de la route par acquis de conscience. Les deux spadassins avançaient droit vers Ilyana et Julien. Dans quelques instants ils seraient découverts et les agents de Yorin étaient trop nombreux pour qu'Ilyana et Julien ne puissent les vaincre. Pour comble de misère, il était évident que la jeune noble ne parviendrait pas à semer une nouvelle fois les assassins avec sa blessure. Les hommes de l'ex-commandant de l'ordre quavait fondé son père n'avaient que quelques pas à faire pour sceller son destin. Julien eu l'air d'être arrivé au même conclusions qu'Ilyana puisqu'il la regarda en levant son index devant ses lèvres, lui intimant de se taire après quoi il se leva brusquement et se mit à courir droit vers le nord. Les chiens de garde d'Isalen Yorin furent décontenancés un instant par cette soudaine apparition. Julien avait déjà de l'avance quand ils reprirent leurs esprits. Ils s'élancèrent alors en choeur à la poursuite du jeune homme.

Ilyana attendit quelques minutes sans bouger d'un pouce, puis, une fois qu'elle fut certaine qu'il n'y avait plus personne dans les parages, elle sortit de sa cachette et reprit sa route aussi vite que sa blessure le lui permettait. elle eu une pensée pour Julien de Beaufort. Cela faisait deux fois d'affilée que le jeune soldat lui sauvait la vie. Elle espéra de tout coeur qu'il parviendrait à fausser compagnie aux hommes de Yorin. Si il lui arrivait quelque chose par sa faute, alors qu'elle n'avait pas eu l'occasion de lui rembourser sa dette, elle ne se le pardonnerait sûrement pas de sitôt...

Lorsqu'Ilyana retrouva enfin l'auberge elle ne pu s'empêcher de lancer un regard derrière elle, espérant voir le jeune homme au loin, mais il n'en fut rien. La jeune femme s'engouffra dans l'auberge, filant directement vers sa chambre. La noble entra en trombe dans sa chambre puis en ferma la porte à clef. La jeune femme retira la veste que lui avait prêtée Julien et la posa avec délicatesse sur le dossier d'une chaise puis se débarassa de sa robe en lambeaux. La jeune femme enfila une nouvelle tenue avant de tirer une lourde sacoche de sous son lit. Dans la sacoche se trouvaient, soigneusement enroulées dans des pièces de tissu, les pièces de son armure de plates. La jeune femme contempla un instant l'emblème de son ordre, gravé sur le plastron. Le souvenir de la trahison qu'elle venait de subir lui remua les entrailles et une larme coula sur sa joue avant de tomber droit sur la pièce d'armure. C'était tout autant une larme de tristesse que de rage. Se reprenant, Ilyana étouffa les larmes qui lui montaient au yeux et se redressa avant de commencer à enfiler son armure. Mettre une armure seule, avec une blessure à l'épaule n'était pas une mince affaire, mais la jeune femme ne se découragea pas pour autant. Au bout d'une longue et laborieuse demie heure elle avait enfin réussi à enfiler son plastron, ses épaulettes et ses jambières. Satisfaite, Ilyana passa de nouveau ses fourreaux à la ceinture et rouvrit sa porte avant de redescendre au rez de chaussée de l'auberge. Elle n'avait aucune intention de bouger de là avant que Ciara ou Julien n'aient réapparus. Et si les hommes de Yorin la retrouvaient avant cela elle serait prête à les accueillir.

Lorsqu'elle s'installa à une table qui faisait face à la porte, Ilyana pu sentir tous les regards des badauds se poser sur elle. Il faut avouer qu'une jeune femme visiblement d'origine noble équipée comme si elle partait à la guerre était un spectacle pour le moins rare dans une petite auberge tranquille dans les chaînes de Yarkol. La jeune femme ignora les autres clients de l'auberge qui se mirent à chuchoter entre eux. La comtesse fit un signe à l'aubergiste et lui commanda deux verres d'hydromel. Ce dernier s'exécuta sans tarder, ne sachant trop quoi penser de cette étrange jeune femme armée comme un chevalier. Ilyana mit l'un des verres en face d'elle et disposa l'autre devant la place qui lui faisait face. Elle ignorait pourquoi mais elle était persuadée qu'elle n'aurait plus longtemps à attendre avant de savoir qui de Ciara, de Julien ou de ses ennemis passerait la porte en premier...

Alors que s'égrainaient les minutes une foule de pensées se bousculèrent dans la tête d'Ilyana. Elle savait à présent que les rumeurs sur son ordre étaient en partie réelles mais restait persuadée que son père n'avait rien à voir dedans. Elle devait convaincre les Dominants Mercenaires que sa famille n'avait jamais ordonné la chasse et purger son ordre des traîtres menés par Isalen Yorin. Sa quête pour laver l'honneur des siens venait de prendre un nouveau tournant. Les choses s'annonçaient difficiles mais elle n'abandonnerait jamais tant qu'il lui resterait un souffle de vie. Elle devait également rembourser la dette qu'elle avait auprès de Julien. La destinée de ce dernier la préoccupait et ne faisait qu'alourdir encore le poid qu'elle avait sur les épaules. Remarquant la tension dont elle était victime, Ilyana soupira et se força à vider son esprit pour se calme. C'est à ce moment précis que la porte de l'auberge pivota sur ses gonds dans un grincement sonore. Ilyana plongea son regard vers l'ouverture, prête à accueillir le nouvel arrivant...

[Désolé d'avoir fait jouer Julia mais comme ce sujet est la continuation d'un que nous partagions et qu'elle ne vient plus je me suis permis cette petite entorse au réglement, cela ne se reproduira évidemment plus!]

Dernière édition par Ciara Mefilena le Mar 1 Sep 2009 - 15:08, édité 1 fois

[pardon si j'ai mis un peu de temps à répondre, j'ai écrit en pointillés jusqu'au texte final ^^' ; sinon c'pas grave, de toutes façons Julia/Julien n'est plus passé(e) depuis longtemps...]

suite au sujet Recherches

Ciara avait presque oublié le rendez-vous avec la comtesse d’Hallanéliria avec tous les récents événements qui venaient de se produire. Des coups durs pour l’Organisation, trop durs peut être pour les deux jeunes Mercenaires et Dominantes qu’étaient Alys et Ciara. La Dominante prit encore quelques jours pour faire quelques menues recherches sur l’Ordre de la Lune d’Argent, la province d’Hallanéliria et la famille à qui appartenait le domaine.

L’esprit plein et agité, Ciara passa une dernière nuit dans le repaire. Une nuit affreuse, ou elle ne réussit à dormir que par intermittence. Elle ne rêvait pas mais réfléchissait. Elle réfléchissait à toutes les conséquences engendrées par cette succession de nouvelles, à des plans divers, farfelus, impossibles, pour sortir l’Organisation et le continent de ce qu’elle appelait ce « foutoir indomptable ». La Dominante ne compta plus les fois où elle se tournait et retournait dans sa couche, inquiétée par tous les soucis qui s’accumulaient.

C’est par conséquent fatigué, énervée, mal lunée, que Ciara se leva au petit matin. A ce qu’elle jugeait. Elle bailla longuement et s’étira avant de se lever, pied gauche en avant et premier à toucher le sol frais. Debout, la Dominante s’adonna à quelques étirements afin de réveiller son corps encore fatigué et de le détendre. Puis elle se pencha sur la vasque remplie d’eau fraîche et s’aspergea le visage et se lava les mains. Elle s’empara d’un tissu de coton et l’appliqua doucement sur son visage pour le sécher de l’eau excédentaire. Ciara ferma les yeux et pencha sa tête à gauche puis à droite, faisant craquer son cou, puis entreprit de se vêtir. La Dominante passa en tout premier lieu ses bijoux, cadeaux de son père : le collier en or ouvragé, le raz-du-cou en cuir, et ses bagues. Par la suite elle attrapa un pantalon qu’elle enfila, puis retira sa chemise de nuit pour passer un bustier cintré sur une chemise propre et s’harnacha de ses armes en bouclant sa grosse ceinture à sa taille. Elle termina par ses bottes et se donna un rapide coup de peigne avant de quérir Galaad.

Ciara le secoua brièvement mais fermement puis se redressa, attendant que son apprenti se meuve.

- Galaad, il est l’heure. Nous partons pour Dinak dans une demi-heure.

Elle quitta la mansarde et attendit impatiemment Galaad avant de quitter la chambre pour descendre vers les cuisines, où Ciara voulait prendre quelques vivres pour le voyage. Et même récupérer une bourse remplie par les soins des Trésoriers de l’Organisation.

La Mercenaire entraîna Galaad sans dire un mot et fit une première halte à la Trésorerie où un Mercenaire lui donna deux bourses pleines. Ciara en envoya une à Galaad et accrocha la seconde à sa ceinture. Et le maître et l’apprenti repartirent, à la recherche de vivres. Le réfectoire était étrangement rempli. Ciara répondit par un petit salut aux salutations des autres Mercenaires lors de son passage entre les tables. Au comptoir, on lui donna plusieurs rations de fruits secs et de viande séchée et deux outres. Ciara demanda aussi de quoi se nourrir dès maintenant. On lui donna des fruits et du pain qu’elle partagea avec Galaad.

- Nous n’allons pas nous attarder. Le chemin va être dur jusqu’à l’auberge, les montagnes sont constamment surveillées et vous êtes sûrement toujours recherché. Heureusement que votre blessure est presque guérie, nous allons pouvoir aller à une bonne allure.

Et ils prirent le chemin de la sortie.

Le temps était humide, dans la forêt où ils débouchèrent. Ciara s’avança un peu et tenta de se repérer. Il ne s’agissait pas de se tromper de chemin et de faire un détour inutile. Et Ciara n’était pas d’humeur à perdre du temps. Elle avançait d’un pas rapide, perdue dans ses réflexions. Il lui arrivait de temps en temps de s’arrêter pour vérifier que personne n’était sur leurs traces, même s’il n’y avait aucune raison à cela.

- Galaad, on n’est jamais trop prudent. C’est important d’assurer ses arrières. Nous allons d’ailleurs changer de cap pendant quelques temps. De toute façon, on ne devrait pas tarder à arriver à l’auberge.

Et elle avait raison – forcément. Après plusieurs dizaines de minutes de marche, le bâtiment de l’auberge faisait son apparition devant la Mercenaire et son apprenti. Encore quelques centaines de mètres et la porte de l’auberge s’offrit à eux, sous l’enseigne grinçante représentant une choppe terne. Ciara posa sa main sur la porte et la poussa lentement, tout en s’adressant à Galaad :

- Nous sommes en mission. Tout ce que vous pourrez entendre de la bouche de la dame que nous allons rencontrer pourrait nous être utile pour cette affaire. Ouvrez bien vos oreilles et vos yeux. Votre attention me sera précieuse, ainsi que votre discrétion, vous vous en doutez. N’hésitez pas à me faire part de vos pensées si cela vous semble nécessaire… Sans éveiller trop de soupçons, la Dame d’Hallanéliria n’est pas tout à fait notre alliée.

Elle avait avancé d’un pas léger et méfiant, jetant quelques regards autour d’elle. Presque dès son entrée dans la sombre auberge, Ciara avait remarqué la présence d’Ilyana, assise à une table, seule, face à la porte. Ciara se dirigea aussi directement que possible vers la jeune dinakienne.

Arrivée à son niveau, elle s’inclina devant la jeune noble.

- Dame d’Hallanéliria. Je suis heureuse de vous trouver au rendez-vous.

Sans attendre de prière, Ciara s’assit et appela l’aubergiste d’une voix forte. Elle lui commanda deux choppes de bière qu’il lui apporta quelques minutes plus tard. Ciara regardait Ilyana avec intensité.

Galaad dormait à poing fermé quand il sentit qu’on le secoua. Le cœur battant à tout rompre il se tourna d’un coup, prêt à se défendre. Ce n’était que Ciara …
Ciara …
Elle n’avait pas bonne mine. Peut-être avait-elle passé une mauvaise nuit. En tout cas, ce n’était pas le cas du jeune homme, cela faisait une éternité qu’il n’avait pas dormi comme un loire. Ça faisait du bien.

Il se leva, de nouveau seul dans la mansarde . La Dominante était repartie comme elle était venue.
Galaad s’étira avant de faire un brin de toilette. Il sortit, retrouvant la jeune femme, le visage sombre.

Ainsi, ils partaient pour Dinak ? Que diable allaient-ils faire dans ce territoire ? Et surtout, pourquoi maintenant, c’était risqué avec sa tête mise à prix.
Cependant, cela ne lui ferait pas de mal de bouger un peu, sortir de ce « terrier ».

Le jeune homme suivit Ciara, sans broncher. Il ne préférait pas la bousculer en lui parlant pour le moment.
Ils allèrent se restaurer et prendre des provisions pour la route.
La Dominante lui signala que le trajet ne sera sûrement pas de tout repos, Galaad haussa les épaules :

- Ce n’est pas cela qui va nous arrêter, n’est-ce pas ? Sourit-il.

Ils partirent en forêt, il faisait frais. Ciara marchait devant, Galaad la suivait de près. Il observait les alentours, à l’affût du moindre danger.
La Dominante lui signala l’importance de surveiller ses arrières, trop perdu dans ses pensées, elle n’avait pas remarqué que son apprenti était sur le qui-vive.

Ils arrivèrent enfin à l’auberge, Ciara lui parla enfin de quoi il s’en retournait, où du moins de ce qui les attendait.

- Vous pouvez compter sur moi Ciara, je serai aussi vigilant que le perfide serpent qui guette sa proie.
Il sourit de sa comparaison, la mission était importante, il le savait très bien, mais ce n’est pas en y allant contracté comme un nerf de bœuf qu’il réussirait.

Ils entrèrent, Galaad observa tout ce petit monde, enregistrant au maximum les visages présents. Certains portaient des armes à leur ceinture, il y en avait une dizaine. * Espérons que ça ne dégénère pas … *

Ciara s’arrêta devant une jeune femme, richement habillée. Elle s’inclina, Galaad en fit de même.

La Dominante s’assit, commandant deux choppes de bières après avoir hélé l’aubergiste. Quelques visages se tournèrent vers l’étrange trio.
- Ne devions-nous pas être discret ? Taquina Galaad.
Il se ravisa très vite quand il vit le regard de son maître.
- Désolé. Cependant, restons prudent, il y a en tout une dizaine d’hommes armés, il serait préférable qu’aucun incident n’est lieu, surtout à notre encontre.

Le jeune homme se présenta ensuite à la femme qui leur faisait face :

- Ma dame, je me nomme Galaad Zorynder, apprenti de Ciara. Vous pouvez avoir confiance en moi, et si ma présence vous gêne, n’hésitez pas à me le faire savoir.
Quoi de mieux pour rassurer l’inconnue et la persuader qu’il n’est pas dangereux de se confier devant lui.

Lorsque Ciara apparu sur le pas de la porte, Ilyana se détendit. Elle ne s’en était pas rendue compte jusqu’alors mais tout son corps était tendu comme une corde d’arbalète. La vision d’un visage ami…ou plutôt non hostile, lui permit de se relâcher. Un sourire naquit au coin de ses lèvres alors que la Mercenaire approchait et la saluait. Elle était accompagnée cette fois par un jeune homme à l’allure fière et disciplinée. S’il n’était entré avec Ciara, Ilyana l’aurait prit pour un soldat en permission. Le Mercenaire inconnu s’inclina à son tour avant de s’installer à côté de Ciara. On aurait dit qu’il traitait la jeune femme avec déférence, comme si elle avait un grade supérieur au sien. Ilyana se félicita intérieurement pour avoir réussi à obtenir une audience avec une Mercenaire qui ne semblait pas être au bas de l’échelle de son organisation. Ce fut cette dernière qui brisa le silence en déclarant qu’elle était heureuse qu’Ilyana soit au rendez vous.

Je n’aurais raté cela pour rien au monde… Je suis heureuse de constater que vous non plus, apparemment.

Répondit elle alors que son sourire s’élargissait légèrement. Ciara commanda alors deux bières à l’aubergiste qui les amena sans traîner.

J’avais préparé ceci à votre attention, mais il est vrai que je ne m’attendais pas à vous voir accompagnée…

Fit Ilyana en désignant le verre d’hydromel posé près de l’endroit où s’était assise Ciara. Tout en disant cela elle remarqua que le Mercenaire inconnu semblait reconnaître les lieux du regard ou tout du moins jauger ses occupants. Il fit ensuite remarquer à Ciara que chacun d’entre eux était armé et qu’il valait mieux éviter un esclandre. Cela avait été dit sur le ton de la confidence, de sorte qu’Ilyana elle-même avait à peine entendu ses paroles. Il était évident que personne d’autre dans la salle n’avait pu surprendre ce court échange.

Ne vous en faîtes pas pour eux, ils ne présentent aucune menace. En revanche certaines personnes à l’extérieur sont à ma recherche et ceux là m’inquiètent bien plus que quelques ivrognes. J’aimerais donc que nous passions directement au fait de cette entrevue. Bien entendu si vous souhaitez discuter dans un lieu plus…intime que celui-ci nous devrions pouvoir nous arranger.

Déclara Ilyana tout aussi bas afin que nul autre que Ciara et son compagnon Mercenaire ne l’entende. Ce dernier se présenta alors, révélant à Ilyana qu’il était l’apprenti de Ciara ainsi que son nom. Ainsi les Mercenaires avaient une méthode de formation similaire à la chevalerie, voilà qui était intéressant… Après tout, plus Ilyana en savait sur les Mercenaires, plus elle serait à même de négocier avec eux. L’information était quelque chose de crucial dans un marché. En effet, la partie qui en savait le moins sur l’autre était souvent dominée au cours des arrangements. Un équilibre d’information était donc préférable dans ce genre de cas. Et Ilyana savait qu’elle atteindrait cet équilibre à la seconde même où elle apprendrait l’identité des Dominants Mercenaires. Non pas qu’elle souhaitait exercer un quelconque chantage, non, ces informations suffiraient juste à ce que sa plaidoirie soit prise au sérieux par les intéressés.

Votre présence ne me gêne point, Galaad. Si Dame Ciara a jugé bon de vous emmener avec elle alors je me rangerai à son avis.

Répondit poliment Ilyana à la présentation du jeune homme. Elle reporta ensuite son attention vers Ciara qui la contemplait avec intensité.

Je propose que nous mettions de côté nos faux semblants cette fois et que nous passions directement aux choses sérieuses, si vous ni voyez pas d’inconvénient bien sûr…

Fit la jeune noble en plongeant son regard dans celui de la Mercenaire.

Qu’en est il de ma demande ? L’avez-vous transmise à qui de droit ? Ces personnes seraient elles prêtes à me recevoir ?

Ajouta t elle, évitant sciemment toute allusion aux Mercenaires et aux Dominants. Ciara n’aurait sûrement pas apprécié qu’elle laisse échapper l’un de ces deux termes.

Ciara ne releva pas la taquinerie de Galaad concernant la discrétion. De toutes manières, elle était bien trop tendue pour cela. Ilyana lui désigna l’hydromel posé sur la table, Ciara inclina la tête.

- Je vous remercie de cette attention, ma dame.

La Dominante aurait à ce moment préféré que son apprenti à la langue bien pendue ne parle pas à voix trop haute de ses observations. Si jamais un voisin de tablée l’avait entendu, ils pourraient être tous les trois dans une mauvaise posture. Ilyana était recherchée, et apparemment pressée d’en venir aux faits. C’était vrai que l’auberge n’était pas le meilleur endroit pour parler des affaires qui réunissaient la Dominante, son apprenti et la comtesse.

- Certes, il traîne assurément des oreilles mal intentionnées par ici. Mais qui prêterait plus attention aux palabres de voyageurs dans une auberge bruyante qu’au beau milieu d’une clairière déserte ? Cependant, le sujet dont nous allons débattre reste bien délicat. N’y a-t-il point d’endroit par ici où nous pourrions discuter sans craindre d’être surpris ?

Elle but une gorgée de bière, et Galaad profita de son silence pour se présenter. Ciara bloqua sa respiration et ferma les yeux. Le stupide animal ! Était-il obligé de clamer qu’il était son apprenti ?! Il donnait sans le savoir des informations à Ilyana, peut être futiles, mais des informations tout de même. Persuadée que Ciara était Mercenaire, Ilyana avait peut être pensé que Galaad en était un aussi, donc plus fort qu’un simple apprenti.

La Dominante soupira et lança un regard enflammé à Galaad. Ses lèvres remuèrent à peine et déversèrent une menace venimeuse à l’encontre de Galaad :

- Vous saurez plus tard pourquoi, mais vous allez en payer les conséquences.

Elle était déjà de mauvaise humeur, et sans faire exprès, Galaad en rajoutait. Il avait certes eu une bonne idée en se présentant, mais elle était trop bonne pour que tout ce qu’il avait dit ne tombe dans l’oreille d’un sourd. Ciara se retourna vers Ilyana, que la présence de Galaad ne gênait point.

- Il restera avec nous, dans ce cas. Une paire d’yeux et de bras supplémentaires n’est jamais de trop. Mais la langue doit rester à l’intérieur.

Elle lança un bref regard hostile à Galaad et reporta son attention sur Ilyana. Elle acquiesça à sa demande de passer à la vraie discussion.

- Oui, bien sûr. Il est inutile de tourner autour du pot. J’ai parlé de votre requête aux Dominants que j’ai pu voir. Et l’un d’eux donna son accord pour vous rencontrer dès le moment où il a croisé vitre chemin.

Elle marqua une pause pour laisser à Ilyana le temps de réaliser les paroles que venait de prononcer Ciara. Elle avouait être une Dominante. C’était un grand aveu, et c’était peut être dangereux de le faire. Mais Ciara était persuadée au fond qu’Ilyana ne lui ferait rien.

- Cela dit, j’ai longtemps étudié ce qui se rapportait à votre famille et votre ordre de chevalerie. Aucune de notre organisation ne s’est rendue coupable de rien à l’encontre de l’autre. Il y a là-dessous une autre affaire bien étrange…

Ciara se pencha en avant.

- Quelqu’un qui aurait voulu porter préjudice à nos ordres respectifs, qui s’est fait notre ennemi.

Ciara se redressa et s’adossa au fond de sa chaise. Elle prit sa chope dans les mains et bu plusieurs gorgées avant de reprendre.

- Si vous voulez que nous en discutions à un endroit plus calme, j’y consens volontiers. Galaad surveillera nos arrières, apprenti ou non, je ne doute pas de ses capacités.

- Vous saurez plus tard pourquoi, mais vous allez en payer les conséquences.

* Qu’ai-je dit qui lui déplaise ? * Galaad repensa à ses seules paroles et ne tarda pas à comprendre. * Okay … je n’aurais pas dû dire que j’étais son apprenti. Trop tard, le mal est fait ! *

La nouvelle réplique de la Dominante vint confirmer sa pensée : « ... mais la langue doit rester à l’intérieur »
* Oui, je crois que j’ai comprit * Galaad renvoya le même regard à la Mercenaire, avant de, comme elle, se focaliser sur les dires de la jeune femme.

Ce fut Ciara qui parla le plus, elle avoua à demi-mot son statut de Dominante.
Ilyana … L’ordre de la Lune d’Argent … oui, ça lui revenait maintenant. Gularen D’Hallanéliria, fondateur de l’organisation de la Lune d’Argent. Le jeune homme en avait entendu parler lorsqu’il était dans l’armée Dinakienne. Il avait fait quelques recherches cachées. Cette organisation devait défendre les peuples, la Royauté … elle a été dissoute il y a peu par la Reine Alsarienne. Et si …

Ciara le coupa dans ses pensées, « quelqu’un qui aurait voulu porter préjudices à nos ordres respectifs, qui s’est fait notre ennemi. » Oui, et s’il s’agissait du Seigneur Dinakien. Et si le Roi Azyrith avait encore concocté un plan ?

Il en parlerait à Ciara, bien qu’il se doute qu’elle soupçonne peut-être elle aussi le même homme.

Galaad se concentra sur la jeune femme. Ilyana, Ilyana … n’était-elle pas la fille de Gulen ?
Dans sa curiosité, Galaad avait consulté des rapports lorsqu’il était encore soldat. Ne s’était-il pas engagé expressément pour cela ?
Tout y était consigné, chaque détails. Il n’avait hélas pas eu le temps de tout lire, au risque de se faire prendre.
Ciara savait-elle qui était la jeune femme qui se trouvait en face d’elle ?

Il aurait l’occasion de le lui murmurer si jamais ils se déplaçaient.

Ilyana hocha la tête quand Ciara lui demanda s'ils ne pouvaient pas trouver un endroit plus tranquille pour continuer leur conversation.

"Suivez moi."

fit elle simplement en se levant de table et en se dirigeant vers les escaliers qui menaient aux chambres, non sans avoir au préalable posé sur la table assez d'argent pour régler non seulement sa consommation mais également celle des deux Mercenaires. Elle les conduisit jusqu'à sa chambre et, une fois qu'ils furent tous à l'intérieur, en verrouilla le battant. Se retournant vers le lit elle aperçu sa précédente tenue, maculée de sang et se maudit de ne pas l'avoir dissimulée avant de descendre au niveau inférieur. Elle s'empressa de corriger son erreur mais il ne faisait aucun doute que les Mercenaires eux aussi avaient pu la voir.

"Cela suffira pour notre petite discussion. La porte est assez épaisse, elle étouffe assez les sons pour que personne ne nous entende de l'autre côté pour peu que nous parlions relativement bas. De plus je ne pense pas que les individus de l'étage inférieur ne songent à nous espionner. Nous leur avons fait bien trop grande impression pour qu'ils s'y risquent."

déclara la jeune femme avant d'écouter la suite de ce qu'avaient à lui dire les deux Mercenaires. Elle ne se préoccupa pas de l'invective de Ciara à son apprenti. Elle aurait fait de même si les rôles avaient été échangés, quoi qu'elle eu comprit que le jeune homme ne pensait pas à mal en lui dévoilant un détail aussi mineur. Ciara continua de parler tandis que son apprenti ayant apparemment retenu la leçon se taisait. Lorsque Ciara dévoila à demis mots qu'elle était l'un des Dominants Mercenaires, le coeur d'Ilyana fit un bon dans sa poitrine. La comtesse eu grand peine à dissimuler sa jubilation en entendant pareille nouvelle. Non seulement elle était parvenue à attirer l'attention d'une Mercenaire qui semblait disposée à l'aider mais en plus la dite Mercenaire était en réalité l'une des Dominantes de l'organisation. Le sourire d'Ilyana s'élargit légèrement alors qu'elle réalisait les perspectives qui s'ouvraient à elle.

"C'est un honneur de pouvoir finalement deviser avec une Dominante."

déclara poliment Ilyana afin de montrer encore une fois sa volonté de simplement avoir une entrevue pacifique avec les Dominants. Ciara lui déclara alors avoir fait quelques recherches au sujet de sa famille et de son Ordre, prétendant croire que ceux ci n'avaient jamais pris les armes contre les Mercenaires.

"Il y a eu quelques développements depuis notre dernière entrevue..."

commença Ilyana, l'air grave.

"Vous avez entièrement raison au sujet de ma famille. Jamais mon père n'a donné l'ordre à ses hommes de s'en prendre aux Mercenaires. Il est innocent, j'en répondrais de ma vie. Cependant j'ai découvert que son second Isalen Yorin, pourrait bien avoir pris le contrôle d'une partie de mon Ordre dans l'ombre, afin de combattre secrètement votre organisation. Yorin a essayé de me faire assassiner avant notre entrevue. Cela dit cet homme n'a pas l'envergure pour s'être lancé seul dans un combat contre vous. Je pense qu'il a été envoyé pour infiltrer l'Ordre de la Lune d'Argent. Son ou ses supérieurs devaient vouloir utiliser mon Ordre pour s'en prendre à vous sans se dévoiler. Je ne demande qu'une seule chose: que l'on m'aide à me débarrasser de ces traîtres qui ont sali le nom de mon Ordre et de ma famille. Je compte bien récupérer mon titre, mes terres et refonder l'Ordre de mon père. Si vous m'apportez votre soutien alors vous pourrez me compter parmi vos alliés! Qu'en dîtes vous?"

déclara Ilyana en regardant tour à tour les deux Mercenaires dans les yeux afin de jauger leur réactions.

Ciara avait suivi Ilyana sans discuter. Elle les mena dans la chambre qu’elle avait payée et les y enferma à l’intérieur. Le temps qu’Ilyana prit pour tourner la clé dans la serrure de la porte, Ciara l’employa à jeter un regard circulaire dans la pièce, un fin regard d’observateur, qui lui fit remarquer une tenue tachée de sang pas tout à fait séché étalée sur la couche. Ilyana leur assura que personne ne viendrait les écouter ici. Ciara lui faisait confiance, après tout, Ilyana n’avait pas non plus grand intérêt à être entendue.

Ciara fit quelques pas et se posta près de la fenêtre crasseuse pour observer au dehors. Personne, rien d’autre qu’un chemin boueux et vide. Plus loin, commençait la forêt de hauts sapins et autres conifères. La Dominante croisa les bras, et se tourna pour lancer un rapide regard à Galaad. Elle espérait qu’il comprendrait qu’elle l’enjoignait de rester où il était. Cela ne servait à rien de rester collés, et pourrait être avantageux s’il y avait quelque problème, bien que Ciara doute que cela arrive.

Elle était toute ouïe aux dires d’Ilyana. La situation avait évolué. La comtesse avait découvert des indices supplémentaires, mais des informations qui malgré tout engageaient en partie la responsabilité de son ordre. Malheureusement. Sa famille n’était certes pas impliquée, mais le second de l’ordre, oui. L’affaire était compliquée à traiter...

Non, peut être trop simple. Ciara remarqua la mine de Galaad, qui lui faisait croire qu’il savait des choses à ce sujet. Ou alors elle n’était pas passée maître dans l’art de l’observation des gens et des comportements. Ilyana n’avait qu’un but : réhabiliter son nom et son honneur ; mais pour la Dominante, pour les Mercenaires, cela relevait d’une autre paire de manches.

Ciara fronça les sourcils, toujours bras croisés.

- Ilyana… Je vous promets de faire tout mon possible pour vous aider dans votre quête.

Elle se tourna brusquement vers Galaad.

- J’aimerais m’entretenir avec vous, Ilyana. Juste un instant, Galaad, vous me le pardonnerez ?

La Mercenaire estimait normal de parler plus en privé avec son hôtesse. Elle ne faisait pas entièrement confiance à Galaad, il était son apprenti depuis si peu de temps, après tout. Elle ne regrettait pas du tout son choix d'avoir pris Gralaad sous son aile. Elle avait jugé sa proposition envers lui un peu hâtive, il y a quelques jours, mais maintenant, elle était certaine qu’elle avait fait un bon choix et que cette fois, l’apprentissage serait différent. Mais elle n'était pas disposée à parler de tout devant lui. Ainsi, elle lui désigna la porte d'un mouvement de la tête, et il s'exécuta sans mot dire, laissant les deux jeunes femmes seules dans la chambre.

En disant la vérité Ilyana avait pris un risque car les Mercenaires auraient pu juger trop dangereux de rester en relation avec elle. Après tout si son ordre l'avait trahie, peut être était elle sous surveillance, peut être que discuter avec elle attirerait l'attention de personnes indésirables. Si les sbires de Yorin avaient réussi à la retrouver, peut être pouvaient ils filer les Mercenaires jusqu'à leur repaire.
D'un autre côté, si Ilyana avait menti, ils l'auraient sûrement découvert tôt ou tard... Il était évidemment préférable pour la noble déchue d'éviter de perdre le peu de confiance chèrement acquis que lui accordait Ciara. Aussi avait elle décidé de prendre le risque d'entrée de jeu. Il n'y avait plus qu'à espérer que sa franchise payerait.

Avec le soutien des Mercenaires, Ilyana pourrait sans mal débusquer cette vermine de Yorin. Régler son compte à ce sale traître suffirait sûrement à semer la panique dans le rang des chevaliers qui l'avaient suivi. En effet, si Yorin venait à tomber de la main d'Ilyana, ses sous fifres préféreraient à coup sûr se faire oublier.
Une fois les traîtres dispersés, Ilyana n'aurait plus qu'à retourner dans son comté pour en reprendre le contrôle. Il faudrait bien sûr négocier avec le roi Azyrith et évincer l'homme de paille que ce dernier n'avait certainement pas manqué de placer à la tête de la province mais cela n'avait rien d'insurmontable aux yeux de la comtesse. Après tout le droit du sang et sa participation au conflit Alsaro-dinakien lui permettraient sans doute de remonter dans les faveurs du souverain malgré sa disparition inopinée.

Le plus dur serait ensuite de déjouer sa vigilance pour honorer sa partie du contrat envers les Mercenaires. Il faudrait alors s'arranger pour permettre un passage sûr pour les membres de la légendaire organisation circulant sur ses terres ainsi que pour mettre en place un réseau de renseignement efficace, le tout sous le nez et la barbe du roi et de ses hommes. Là serait la partie la plus délicate à mettre en oeuvre des ambitions de la noble.
Renouer ses liens avec la couronne d'Alsaria serait également sources d'épineuses réflexions, mais Ilyana était encore loin d'en être là. Pour l'heure s'assurer du soutien des Mercenaires était sa priorité absolue.

Heureusement Ciara sembla prendre plutôt bien les informations qu'elle venait de livrer puisqu'elle lui promit son aide. Bien sûr ce n'étaient que des mots, pas même un serment ou une promesse formellement formulée, mais c'était déjà beaucoup. Avant qu'Ilyana ait pu remercier la Dominante, cette dernière se tourna vers son apprenti et le congédia. Apparemment, même les membres de l'organisation, fussent ils apprentis d'un de ses dirigeants, n'avaient pas le droit d'avoir accès à certaines informations. Cela expliquait clairement pourquoi Ilyana avait du chercher si ardemment avant de trouver une oreille attentive...

Le dénommé Galaad acquiesça sans mot dire et franchit prestement la porte qu'Ilyana verrouilla de nouveau derrière son passage. Au moins, avec lui derrière la porte, la Dominante et la comtesse étaient elles sûre de pouvoir deviser sans crainte d'être espionnée par quelqu'un d'extérieur. Aussi longtemps que le Mercenaire montait la garde toutes deux pouvait parler librement.

"Je vous écoute, qu'avez vous donc à me dire que même l'un des vôtres ne puisse entendre?"

lança Ilyana, avec une pointe de curiosité dans le ton, pour inviter Ciara à s'exprimer.

Ilyana avait soigneusement refermé la porte derrière Galaad et le cliquetis rassurant de la serrure affirma à Ciara qu’il n’y avait aucune raison de craindre que leur conversation soit entendue. Et puis Galaad ferait un bon barrage, grand et fort comme il l’était. La Dominante se surpris à ressentir une forte confiance envers son apprenti et un puissant sentiment de sécurité. C’était bien la première fois qu’elle se donnait cette impression de sécurité ainsi. Ce n’était qu’à elle, et uniquement elle qu’elle se le devait d’ordinaire.

Heureusement, la comtesse vint troubler cette pensée agaçante qui envahissait la Dominante. Ciara jeta un regard à son interlocutrice et fit volte face. Elle allait dire quelque chose qu’elle pourrait regretter, si jamais elle se trompait. Mais les intentions d’Ilyana semblaient bien sincères et surtout rien, non rien, ne laissait entrevoir la culpabilité de son ordre.

Lorsqu’elle se retourna vers la comtesse, Ciara sourit.

-Galaad n’est pas un Mercenaire, dit-elle d’une voix ferme. Il n’a pas encore prouvé qu’il en était digne. Je suis chargée de sa formation. Il m’est donc légitime de l’écarter d’une conversation dont je juge que le contenu ne doit pas lui parvenir. Il nous aidera, mais n’aura pas forcément à savoir ce qui s’est dit entre nous deux. Ce sera un bon exercice pratique de sa loyauté.

Elle hocha la tête. Voilà qu’elle parlait de la formation d’un apprenti, elle qui n’en avait jamais formé aucun jusqu’au bout, à une inconnue. Plus tout à fait si inconnue que cela.

-Je n’ai rien de plus à vous dire. Je n’ai pas plus d’information que vous malheureusement, faute de temps. Cependant, je veux vous proposer un marché. J’accepte volontiers de vous aider à prouver votre innocence. Je dois me rendre pour Criméa, d’ici plusieurs jours. Là bas nous pourrions retrouver le Sieur Yorin, j’ai entendu dire qu’il s’était rapproché du roi. Vous en déduisez la suite. Par sa capture nous le ferons avouer ses actes, et l’honneur de votre famille et de votre ordre seront rétablis. Comptez sur les Mercenaires, mais n’en parlez pas. Ils viendront à vous, et je vous garantis ma présence et mon aide pour la capture du commandant.

Ciara marqua une pause pendant laquelle elle passa son index sur les lèvres et baissa le regard, comme pour chercher l’inspiration d’une tirade sur le sol poussiéreux. Elle releva finalement la tête et parla plus pour elle-même que pour Ilyana.

-Galaad ne pourra pas venir, ce serait trop dangereux… Pose un pied en Dinak suffirait à le faire pendre. C'est pour cela qu'il ne doit pas savoir. Sa curiosité et sa fougue le pousseraient à vouloir m'accompagner coûte que coûte.

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