étrange rencontre

Ciara s’était levée tôt, plus tôt que d’habitude, trop tôt. Aujourd’hui encore elle allait parcourir les terres à la recherche de nouvelles têtes voulant bien intégrer la corporation, qu’elle-même avait intégrée il y a à peu près deux ans. L’un d’eux lui succèdera un jour, mais Ciara était décidée à se battre pour la paix jusqu’à sa mort.

Ciara s’habilla rapidement, enfila tout son attirail guerrier, de son épée à ses poignards, en passant par sa machette, qui se révèle très utile quand elle parcourt les broussailles, et ses quelques bijoux auxquels elle tient énormément. Enfin, elle s’empara de sa veste, posée sur une chaise et quitta sa mansarde aux murs de pierre. Dans un silence de mort, elle longea le long et sombre couloir encore désert, percé de portes en bois épais, toutes numérotées, et alignées sur la paroi rocheuse.

Elle descendit un escalier un peu raide et à force de descendre, l’escalier s’élargit, devenant moins casse-cou. Elle longea à nouveau un couloir, mieux éclairé et plus large que le précédent. Quelques fois, elle passait un carrefour creusé dans la roche, menant à des salles diverses. Ciara passa rapidement dans ce qui était la cuisine de la cité des Mercenaires. Déjà quelques commis s’affairaient à préparer ce qui allait être le petit-déjeuner de toute la confrérie. Murmurant un bonjour à peine audible, Ciara se faufila dans la grande salle et prit au hasard une pomme, une orange et une demi miche de pain toute fraîche. Pour l’eau, elle en prendrait quand elle sera dehors. Elle fourra ses victuailles dans un linge propre et quitta la pièce, le pas lent mais décidé.

Elle était maintenant arrivée dans l’immense vestibule, aussi haut qu’une cathédrale, aussi large qu’un fleuve. Quelques couloirs des étages supérieurs donnaient sur ce hall aménagé dans la roche, d’autres balcons étaient réservés aux chambres des mercenaires les mieux logés. La chambre de Ciara était là, au troisième niveau, close comme toujours. Ciara ne chercha pas à s’occuper ici et fila directement vers la sortie, qui la conduirait à l’extérieur. Elle ne décida même pas par où exactement elle sortirait. Elle laissait ses jambes la conduire dans ce long tunnel où résonnaient les infiltrations d’eau. Enfin, le tunnel remontait en pente douce, Ciara allait revenir sur terre, sur le plancher des vaches, comme on dit communément.

Sans prendre vraiment garde, Ciara remonta l’étroit escalier en colimaçon et sorti d’un arbre gigantesque, au tronc aussi creux qu’une cabosse vide. Elle était sortie du côté de la chaîne de Yarkol. Elle était juste en face d’une petite rivière et se laissa littéralement tomber à genoux pour s’humidifier le visage. Elle but aussi un peu et remplit son outre qu’elle avait vidée la veille. Prenant appui sur ses mains, elle se releva mais son sang ne fit qu’un tour avant de sembler se glacer. Là bas, se tenait un homme plutôt grand et très en forme physique. Sa chevelure blanche sauta aux yeux de la jeune mercenaire mais elle fut beaucoup plus touchée par ses yeux d’un gris acier, lorsque le jeune homme se retourna. Oui, c’était un jeune homme, pas un vieillard comme elle l’avait pensé un instant en le voyant de dos. Il avait le visage encore jeune. Lui aussi l’avait vue, et tous deux se fixaient sans ciller, Ciara plongeant ses yeux étincelants dans les yeux durs du jeune homme, qui finalement se décida à lui demander si elle était à la recherche de quelconque renseignement.

Que fallait il faire ? Le descendre immédiatement ? Lui demander s’il l’avait vue sortir de cet arbre ? A ce moment, Ciara ne savait quoi faire. Si jamais cet homme l’avait vue sortir de l’arbre… Elle devrait en finir avec lui. Mais elle ne l’atteindrait jamais assez rapidement avec on épée. Lui avait un arc, à ce qu’elle voyait par terre. Il serait à coup sur plus rapide qu’elle à la descendre d’où il était qu’elle à courir vers lui et lui trancher la gorge.

- J’étais à la recherche d’un gibier, menti t elle avec un ton calme. Peut être avez-vous vu quelque chose ? demanda t elle ensuite sur un ton un peu sec, pensant qu’il comprendrait qu’elle lui demandait en réalité si il l’avait vue arriver.

Restant tout de même sur ses gardes, Ciara se rapprocha de l’homme, la main ferme sur la garde de son épée si précieuse.

Tandis qu’elle avançait sur le sol inégal, d’une démarche toujours paisible et assurée, le jeune homme se fit plus méfiant. Il avait ramassé son arc et l’avait mis dans son dos d’un geste rapide, et, après l’avoir regardée des pieds à la tête et remarqué ses armes, enfin sa machette et ses dagues, il dégaina ses propres armes, deux petits poignards fins, en position de combat. Ciara allait devoir être très prudente. Elle laissa finalement glisser sa main de son épée. Elle utiliserait ses poignards si elle en avait besoin. Alors qu’elle était vraiment proche de lui, il l’apostropha d’un ton sans réplique :

- Qu’est ce que vous me voulez ? Je n’hésiterais pas à me servir de mes armes ! Alors dites moi immédiatement ce que vous comptez faire ! Permettez moi de douter que vous chassiez avec une épée. Comme vous pouvez le voir, il n’y a aucun gibier ici !

Il était intelligent, il ne lui faisait pas confiance mais il avait compris le sous-entendu de sa question. Cependant, Ciara ne pu retenir un rire narquois.

- Je n’ai pas l’intention de vous parler de mes projets, jeune homme ! Mais je ne ferais rien de vous tant que vous ne m’en donnerez pas l’occasion.

Elle marqua une pause, prenant le temps de regarder l’homme des pieds à la tête. Il était bien bâti et portait un ensemble noir sous une veste rouge, ancienne, à en voir l’usure de certaines coutures. Ses yeux se posèrent sur la tache rouge sur le flanc de l’homme, toujours en position d’attaque.

- Mais vous êtes blessé ! Laissez moi regarder ça, lança t elle en désignant la plaie sur le flanc de l’homme.

Elle avait baissé toutes ses gardes, c’était imprudent, mais si cet homme était si méfiant et blessé par-dessus le marché, alors il avait peut être besoin d’aide. Peut être était ce un bandit recherché par l’armée, mais peut être était ce tout simplement un innocent pourchassé pour elle ne savait quelles raisons.
Elle s’agenouilla pour regarder la plaie de plus près. Elle était légère, mais si il ne la soignait pas, elle allait s’infecter. Ciara n’était pas une as de la médecine mais elle savait les bases pour soigner les petites plaies et autres blessures.

Ciara fut heureuse qu’il baisse ses armes. Elle regarda mieux la plaie, qui paraissait superficielle, mais pour le moins curieuse. C’était une arme tranchante, bien aiguisée qui avait blessé cet homme. A en juger par la trace longue et fine, l’arme utilisée contre cet homme était une lance acérée, au vu de la netteté de la coupure dans son habit. La personne qui l’avait poursuivi avec cette lance prenait soin de son arme, c’était indéniable. Au moins, il n’aurait pas d’infection grave, si infection il y avait. Apparemment, aussi, il avait déjà commencé à soigner sa blessure, Ciara remarqua des résidus de plante, peut être du Solys.

Voyant que Ciara ne lui voulait aucun mal, le jeune homme releva son haut pour qu’elle voie mieux sa plaie. Elle ne s’était pas trompée, c’était bien l’œuvre d’une lance. Mais qui avait bien pu lancer une telle attaque contre ce jeune homme ? Peut être avait il fait fuir le gibier d’un chasseur, et celui-ci, fou de rage, l’avait chassé, soit il avait pris dans le flanc une lance de l’armée. Ces deux solutions étaient possibles, vu que seuls les chasseurs et les militaires prenaient grand soin de leur arme. Les chasseurs pour ne pas infecter leur venaison, les militaires par habitude de l’ordre.

Ciara avait quelques bandages dans une sacoche accrochée à sa ceinture, dans son dos. Elle en sorti une pour panser la plaie qu’elle allait devoir désinfecter, puis l’inconnu lui demanda qui elle était et ce qu’elle faisait ici. Ces questions lui valurent un petit moment d’égarement car elle ne savait toujours pas si elle devait se méfier de lui ou pas.

- On m’appelle Ciara, et comme vous l’avez deviné, je ne suis pas ici pour la chasse. Je pourrais vous dire que je me promène, tout simplement, mais vous avez vu les armes que je porte, et puis c’est un endroit bien étrange et reculé pour faire une promenade de santé. Alors je vous dirais simplement que je suis ici pour passer dans le royaume de Dinak, étant donné que sa frontière est plus proche que celle d’Ellandy. Par contre, ce que je compte y faire ne concerne que moi.

Elle avait arraché quelques fleurs de Solys et effleura de sa main la blessure du jeune homme, qui fit la grimace. Ciara esquissa un sourire quelque peu amusé et laissa couler le nectar de la plante sur la plaie quand la question que l’homme lui posa la dérouta plus que les précédentes. Il lui avait demandé, et cela était demandé de la manière la plus sincère, pourquoi elle l’aidait. Ciara attendit un peu avant de lui répondre. Elle passa la bande autour de la taille du jeune homme pour panser la blessure puis, tout en enroulant le tissu, elle répondit, d’une voix douce, qui l’étonna, d’ailleurs.

- C’est mon devoir, d’aider les gens en difficultés. Je suis là pour ça, qui que vous soyez, cependant cela m’étonnerai que vous soyez très dangereux. Et puis en baissant votre garde, vous avez montré que vous aviez finalement décidé de me faire confiance. Un criminel ou une personne avec de mauvaises intentions n’aurait pas accordé sa confiance aussi facilement. Peut être que cela pourrait jouer contre vous, de donner votre confiance aussi facilement, mais cela prouve que je pourrais vous faire confiance, que vous n’avez pas de mauvaises intentions.

Elle leva les yeux un instant. Non, ce regard n’était pas malveillant, il n’était pas mauvais, ce garçon. Si elle n’écoutait pas son instinct, Ciara lui ferait confiance, mais elle avait appris depuis qu’elle était mercenaire à ne pas faire confiance si rapidement. Elle termina le bandage et se releva, reculant vers la rivière pour se nettoyer les mains. Tournant le dos à cet inconnu, qui là aurait dix fois l’occasion de la tuer, elle lui demanda :

- Serait ce indiscret de vous retourner vos questions ? Qui êtes vous, et que faites vous exactement ici, dans ces montagnes ?

Galaad lui avait répondu en toute franchise, à en croire par le ton plus apaisé de sa voix. Ainsi il fuyait Dinak… Donc son hypothèse comme quoi il aurait pu être poursuivi par l’armée était juste. Elle ne prit pas le temps de lui répondre, et lui enchaîna immédiatement sur les raisons de son arrivée dans les montagnes. Il perdait pieds, se débattait pour se sauver, qu’avait il donc fait pour être ainsi pourchassé par l’armée de Dinak ? Trois jours de fuite… Il devait être épuisé, et puis cette blessure… Elle était encore fraîche, quand Ciara l’avait soignée, donc cela ne faisait pas longtemps que Galaad s’était fait harponner. Les militaires avaient peut être organisé une battue pour le retrouver. D’après lui, il ne savait pas quelles excuses ils allaient donner pour que sa tête soit mise à prix, il était vraiment en danger et digne de confiance. Il n’était pas un ennemi direct pour elle jusqu’à ce qu’il lui attrape fermement le bras, la tournant de force vers lui. Ciara eut un sursaut de surprise, aussitôt calmé quand Galaad plongea son regard de fer dans ses yeux d’émeraude.

Il doutait de son honnêteté ? Ciara changea d’attitude, se referma comme une huître, décidée à ne pas se laisser impressionner ni à se faire soutirer des informations. Il avait émis l’idée qu’elle soit intéressée par l’argent, ce qui était totalement faux, quand on connaissait sa fonction. Cependant, elle était quelque peu déçue de cette réaction, jugeant que sa propre apparence dégageait une négligence vis-à-vis de ces petites pièces rondes qui rendaient heureux n’importe quel paysan, surtout dans le royaume de Dinak.

Il la lâcha enfin… erreur ! Emportée, sans sentir la douleur causée par l’étreinte de Galaad, Ciara bondit sur le jeune homme, tirant au passage un poignard d’une de ses bottes. Avec une force impressionnante, elle plaqua Galaad contre un arbre proche, le tenant d’une poigne de fer par le col, glissant la lame de son poignard sous sa gorge. Cette violente réaction était le résultat de sa négligence. Elle n’avait pas pris garde en lui tournant le dos, et il avait réussi à la prendre par surprise. Mais maintenant, elle contrôlait la situation. De nouveau, elle plongea son regard, plus dur que jamais, dans celui de Galaad, qui paraissait dérouté par sa réaction violente.

- Ecoutez ! Vous croyez que dans ces montagnes l’armée de Dinak vous retrouvera, à supposer que je les informe de notre rencontre ? Je ne suis pas un chasseur de têtes, si c’est ce que vous voulez savoir ! Je ne gagne pas ma vie à dénoncer des gens, je vous l’ai dit ! Mon travail est d’aider les gens, surtout les habitants de Dinak, ils en ont besoin en ces temps là. Et je vous aiderai, si vous le souhaitez, mais évitez de me prendre à la légère.

Elle avait parlé d’un ton sec et autoritaire, qu’elle n’utilisait que dans les cas extrêmes, autant avec les mercenaires avec qui elle était en désaccord qu’avec les personnes avec lesquelles elle était en conflit. Elle lança un dernier regard noir, qui se voulait dissuasif, à Galaad et baissa doucement son poignard, puis lâcha le col de Galaad avant de s’éloigner de deux pas de lui. Elle rangea son arme à sa place puis tourna la tête vers Galaad. Maintenant elle ne le quitterait plus des yeux. Décidément, cette rencontre était étrange, faite de simples regards, qui en disaient long sur les deux jeunes gens, et de changements de tons très rapides.

- Pouvez vous me dire exactement pourquoi vous quittez le royaume ? Qu’avez-vous fait qui déplait aux autorités ? Qu’avez-vous fait pour que l’armée vous poursuive jusqu’ici ?

Elle avait besoin de savoir, elle voulait savoir. Si elle voulait l’aider, car il avait besoin d’aide, il devait lui dire tout ce qu’il savait, enfin les grandes lignes. Il lui dira, s’il a vraiment confiance en elle, ce dont elle se permettait de douter avec sa réaction précédente. Son ton et son visage s’étaient adoucis. Jamais elle n’avait tant changé d’attitude en si peu de temps, même lorsqu’elle conversait avec les deux autres Dominants. Parfois leurs discussions étaient animées, surtout avec l’ancien, Hanna, mais ça, c’était une autre histoire. Aujourd’hui, Ciara se consacrerait à cet homme, dusse-t-elle aller en Ellandy ou retourner sur l’îlot.

Ciara regrettait un peu de s’être emportée mais ça ne paraissait pas être une mauvaise chose puisque Galaad semblait avoir oublié toute idée de mettre en doute ses intentions. Ciara le regardait toujours, attendant qu’il se décide à lui raconter la vérité. Parce qu’il hésitait, cela se voyait, même s’il essayait de le cacher. Ciara ne lui en voulait pas. C’était normal, après tout, car se confier à une inconnue, même une inconnue qui avait l’intention de lui venir en aide, n’était pas toujours facile ni la meilleure solution.
Il répondit finalement à ses questions, en toute franchise. Il était militaire, c’était pour ça qu’il avait l’air sûr de lui, quand il était en position d’attaque. Un archer… la raison pour laquelle il possédait cet arc magnifique. Il choisissait ses mots, c’était preuve d’érudition, pour Ciara du moins, et d’intelligence.

* La curiosité est un vilain défaut * pensa t elle avec un sourire intérieur.

Face à lui, elle restait stoïque, écoutant sagement l’histoire, qui se révéla plutôt brève, en fin de compte. Il avait à peu près son âge, était curieux, et était tombé sur des informations semble t il confidentielles. Il avait dévoilé énormément de choses en quelques phrases seulement. Ciara fut soulagée de voir qu’il n’était pas un ennemi mais un allié. Enfin quelqu’un de vraiment digne d’être secouru. Ces informations étaient assez importantes pour qu’on recherche cet homme, alors il fallait qu’il reste en vie. Ciara conclut à cela par pur esprit de contradiction. Elle ne répondit même pas quand il demanda avec ironie si son histoire lui avait plu. L’ironie était mal choisie pour ce genre de révélations mais il devait être mal à l’aise, c’était la réaction typique qu’on avait quand on parlait de sujets gênants, on prenait le sujet avec légèreté. Cependant Ciara ne s’en formalisa pas et continua de regarder Galaad, le regard bienveillant, cette fois, l’encourageant à poursuivre, car il était évident qu’il attendait une réaction de sa part. Elle croisa les bras et attendit qu’il continue. Il devait dire tout ce qu’il avait sur le cœur avant que Ciara ne réponde quoi que ce soit.
Finalement, il lui demanda quelque chose à laquelle Ciara ne s’attendait pas. Elle avait pensé qu’il lui dirait ce qu’il avait découvert, mais il lui demanda qui elle était en réalité, ce qu’elle faisait.

* Ce passage est obligé, Ciara, tu ne peux pas y échapper éternellement ! *

Ce qu’elle détestait, dans son « métier », c’était d’avouer aux gens qu’elle rencontrait qu’elle était mercenaire. On ne pouvait jamais prévoir la réaction de son interlocuteur et Ciara détestait ça, tout simplement. Elle ouvrit la bouche pour répondre mais un craquement la lui fit immédiatement refermer. Comme quand elle avait vu Galaad pour la première fois, elle s’était comme figée. Etait ce elle où elle avait entendu un craquement sonore, qui sonnait faux avec le décor. Elle lança un léger coup d’œil à Galaad qui lui aussi était figé. Ce n’était pas son imagination. Quelqu’un venait. Elle n’eut même pas le temps d’y réfléchir que cinq hommes à pied, tous vêtus de la tenue militaire de Dinak, et armés surgirent de derrière quelques bosquets d’arbres.
Visiblement, ils n’étaient pas là qu’en simples éclaireurs mais recherchaient Galaad, car ils ne furent nullement surpris de le voir là. Peut être même qu’ils avaient entendu une partie de leur conversation, auquel cas Ciara était heureuse de n’avoir pas eu le temps de répondre à la dernière question de Galaad.

Tout se passa alors assez rapidement. Les hommes firent mine de lancer une offensive et en une fraction de seconde, Ciara tira son épée de son fourreau et parti à l’assaut de ces éclaireurs. Depuis ce moment, elle ne prêta plus attention à ce qui se passait autour d’elle, à Galaad, qui avait du se lancer dans le combat, comme à chaque fois qu’elle combattait. A vrai dire, le combat n’était pas spectaculaire. Le terrain était très instable, couvert de feuilles humides, et les arbres gênaient les mouvements des combattants. Ciara eu le temps d’apercevoir Galaad qui se défendait plutôt bien, avec ses deux stylets tranchants. Mais ces hommes là, des gars de la montagne, étaient des durs à cuire. Ciara ne parvint qu’à les blesser à des endroits qui ne les gênaient pas pour la suite.
Elle faisait justement face à un gros balourd de sa taille mais deux fois plus large qu’elle. Rien que son corps imposant la faisait reculer. Elle recula tant qu’elle glissa sur un caillou proche de la rivière, glissant, donc, et tomba en arrière. Elle tomba dans l’eau fraîche, et elle eut la désagréable sensation d’être transpercée par des lames acérées. Mais ce n’était pas le moment de se laisser abattre. Malgré la douleur qui lui prenait les côtes, Ciara bondit sur son assaillant qui recula et trébucha sur une racine, se cognant la tête contre le sol dur.
Ciara profita de cet instant pour attraper Galaad, qui se battait toujours avec fougue, par la manche de son manteau et le tirer vers la forêt, dans la direction opposée de celle du royaume de Dinak.

* Oublie la douleur, oublie la douleur, oublie la douleur… *

Elle ne savait pas si les hommes les poursuivaient mais Ciara continuait de courir, Galaad à ses côtés. Ils slalomaient entre les arbres, et couraient le plus vite possible pour distancer ces soldats. Il semblait qu’ils avaient abandonné la course mais on n’était jamais sûr de rien et par conséquent, Ciara entraîna Galaad dans un coin qu’elle savait à l’abri. Le « chemin » qu’ils empruntaient descendait en pente douce.
Ciara conduisait Galaad vers un cabanon installé dans les arbres, par des chasseurs. Toujours était il que ce bâtiment de fortune était abandonné et le lierre qui recouvrait l’échelle clouée dans le tronc la rendait invisible si on ne levait pas bien la tête. Ils avaient encore un peu de route à faire et Ciara avait ralenti l’allure. Elle n’entendait plus rien.

- Vous allez bien ? Demanda t elle en tournant la tête vers le jeune homme qui ne semblait pas très éreinté. Ces hommes ne sont qu’un aperçu de ce que vous avez à vos trousses. Je ne peux pas vous parler maintenant. Attendons d’être là où je vous conduis. Nous serons plus à l’abri de dévoiler certains de nos secrets et surtout plus en sécurité.

Ciara fut touchée qu’il la remercie pour l’aide qu’elle lui avait apportée. Il l’avait à nouveau attrapée par le bras mais cette fois, il n’y avait aucune brutalité, c’était avec attention qu’il l’avait attrapée. C’était avec son coeur qu’il parlait, cependant, il se trompait sur un point. Ciara n’en avait rien à faire du soit disant pétrin dans lequel il l’aurait entraînée. Non seulement elle n’en avait rien à faire mais en plus elle ne risquait pas de se faire attraper pour trahison, elle n’appartenait plus à aucun royaume. Elle n’avait nullement besoin de prendre garde, là où elle vivait elle était en sécurité, mais qui donc pouvait le savoir ? Elle n’avait pas encore pu l’annoncer à Galaad, elle n’avait pas vraiment eu envie de le lui dire, mais maintenant, elle était sûre de devoir lui dire ce qu’il en était. Maintenant plus aucune porte ne s’ouvrirait pour lui en Dinak, peut être même en Ellandy et il était impensable d’espérer s’installer en Alsaria pour un Dinakien de naissance. Ciara venait d’avoir une bien meilleure idée. Mais elle devait attendre qu’ils soient en sécurité pour lui en parler.

- Ne vous inquiétez pas. Il y a pire, comme situation pour…

Elle se tut. Pas maintenant, plus tard, quand ils seront dans le cabanon. Tous deux marchaient tranquillement, maintenant. Une douleur atroce lançait Ciara dans le coccyx, elle avait du mal à marcher correctement, sans retenir les grimaces de douleur. Et puis elle était trempée et sentait son ventre gargouiller. Le pain qu’elle avait emporté ce matin était immangeable, à présent qu’il avait pris un bain glacé. Heureusement il lui restait une pomme et une orange, qu’elle partagerait avec Galaad, si les fruits avaient résisté au choc… C’était ça qu’elle avait senti en tombant, pas un quelconque caillou mais ces fruits.
Ca y est. Ils étaient arrivés au pied de ce grand chêne touffu. Le lierre et le lichen avaient recouvert l’échelle de bois et le cabanon était presque invisible, caché par les feuillages de l’arbre. Ciara regarda tout autour d’elle, personne, puis décida de monter la première. Elle avait du mal, à cause de la douleur qui la lançait dans le bas du dos, mais réussi tout de même l’ascension. L’endroit était poussiéreux, terne, mais suffirait pour discuter et se reposer avant de repartir. Le cabanon était en fait un carré meublé sommairement d’un banc et d’une tablette aménagée sur une branche qui dépassait. Ciara pouvait à peine se tenir debout, la planche qui servait de toit était clouée trop bas. Ciara se dégagea de son attirail et se laissa doucement tomber sur le banc. Elle sentit son ventre gargouiller et sortit de sa sacoche le linge dans lequel elle avait enveloppé sa nourriture. Le cuir avait empêché ralenti l’infiltration de l’eau et même le pain était encore mangeable.
Ciara déposa tout ça sur la table tandis que Galaad arrivait. Lui qui était plus grand qu’elle était courbé pour ne pas se cogner la tête au plafond. Lorsqu’il fut assis, Ciara rompit le pain en deux morceaux à peu près égaux et en tendit un à Galaad.

- Vous vous êtes bien battu. Mais c’est normal, vous étiez militaire. Je l’étais, moi aussi… dit elle, soudain nostalgique, le regard rêveur plongé dans le vide. J’étais capitaine de la garde royale d’Ellandy avant de partir à la recherche d’une antique légende. C’était un pari fou, et pourtant ils sont venus à moi. Ils m’ont emmenée chez eux et j’ai fait mon chemin au milieu des rangs des mercenaires. Aujourd’hui je suis à la recherche de nouvelles têtes. Mais je suis tombée sur vous. Vous qui avez de nombreuses questions et des problèmes jusqu’au cou. Je vous propose d’être mon élève, mon apprenti, Galaad Zorynder. La vie n’a plus rien à vous apporter en tant que gentilhomme. Venez avec moi et vous pourrez parfaire vos techniques de combat, en apprendre plus sur chacun des trois royaumes de Tosya qu’en une vie d’honnête homme sédentaire. Je vous offre de commencer une nouvelle vie.

Elle n’avait pas pris de pause et parlait sérieusement. Elle offrait à Galaad une chance de refaire une carrière mais pas dans une armée. Elle lui proposait d’entrer dans la légende de ce monde : les mercenaires. Elle ne doutait pas une seconde de la réponse de Galaad, c’était pourquoi elle lui avait parlé brièvement de sa vie passée, ce qu’elle faisait rarement. Mais elle n’en dirait pas plus, il ne saurait aucun détail de son ancienne vie.

- Vous vous douterez aussi que si je vous fais cette proposition c’est parce que vous semblez posséder des renseignement que le roi ne veut pas qu’on sache. Des renseignements qui pourraient nous être utiles. Mais bien sûr, vos qualités sont aussi un facteur qui m’a décidée à vous faire cette proposition. Vous avez des capacités, Galaad. Il ne fait aucun doute que vous feriez un excellent mercenaire.

Elle s’arrêta là, laissant à Galaad le temps de réfléchir et de réagir, positivement ou négativement. De toutes façons, s’il refusait, Ciara le mettrait hors d’état de nuire aussi rapidement que l’éclair. Vu l’espace disponible dans cette cabane, il n’aurait pas la possibilité de se servir de non arc et puis Ciara avait plusieurs armes de dissuasion. Elle se contenta de mordre dans son pain légèrement humide et de savourer ce petit déjeuner infructueux.

Ciara n’était même pas étonnée de sa réponse. Elle lui avait fait sa proposition en lui faisant clairement comprendre qu’il n’avait aucun autre choix que de la suivre. Au moins, Galaad serait un atout pour les mercenaires, et maintenant il se rangeait de leur côté. Sans le montrer, comme à son habitude, Ciara était heureuse. Galaad plongea à nouveau son regard dans le sien, ce qui était devenu un peu habituel, depuis ce matin. Elle avait l’impression qu’il voulait lire en elle, mais c’était peine perdue car Ciara se montrait peu encline à montrer qui elle était, surtout à des inconnus. Même dans ses yeux, on ne pouvait lire ses sentiments véritables. Elle ne savait pas pourquoi elle était comme ça, mais c’était ainsi. Elle appuya le regard de Galaad qui poursuivit qu’il attendait d’elle qu’elle lui fasse confiance et qu’elle lui parle plus d’elle et des mercenaires.

Ciara avala de travers en entendant ces paroles et toussa bruyamment pour se dégager la gorge. C’était un chantage qu’il lui faisait ! Il ne lui dirait pas ce qu’elle voulait savoir si elle ne lui parlait pas de la communauté des mercenaires. Maintenant c’était elle qui était prise au piège…

* Mais il a accepté ! Je fais ce que je veux, désormais *

Elle regarda Galaad manger son morceau de pain. Il n’avait pas du manger depuis de nombreuses heures.

* Je crois que l’heure de la première leçon est venue ! *

- N’essayez pas de jouer à ce petit jeu avec moi, ni avec aucun Dominant ou mercenaire d’un niveau supérieur au votre. C'est un coup à se faire briser. Dans le courant de la journée nous rentrerons au quartier général et je vous garantis qu’à ce moment là seulement vous serez en mesure d’en connaître davantage sur notre organisation. En cet instant, ce que vous savez ne m’intéresse pas outre mesure, étant donné que je ne puis juger seule de leur importance et des décisions à prendre.

Elle termina son morceau de pain et attaqua la pomme, elle laissait l’orange à Galaad. Si il allait être son apprenti, il devait commencer à apprendre qu’elle prendrait les décisions et qu’il se contenterait de suivre ses directives. Cet apprentissage commença par une bête distribution de nourriture mais Ciara faisait avec se qu’elle avait sous la main.

- La confiance ne s’acquiert que par mérite. Ne croyez pas que je ne vous fasse pas confiance, je garde juste mes distances, pour l’instant du moins. Si vous vous montrez aussi doué que vous l’êtes pour le combat, alors vous gagnerez rapidement ma confiance totale.
Et sur moi vous ne saurez pas grand chose sinon que j’ai été capitaine de la garde personnelle du roi d’Ellandy et que par un heureux hasard j’ai réussi à entrer dans l’ordre des mercenaires. Ce n’est pas la connaissance de ma vie passée qui vous rendra meilleur. Bon, une fois que nous aurons terminé de manger, nous partirons d’ici. Il ne fait pas bon de rester caché au même endroit pendant trop longtemps, surtout dans le royaume de Dinak. Nous avons un long chemin à faire.

Elle posa sa pomme à moitié mangée et s’harnacha de sa ceinture avant de croquer à pleines dents dans sa pomme.

- Vous ne comprenez pas ! Ce n’est pas un jeu, d’être mercenaire, on ne fait pas toujours ce qui nous chante, qu’on soit curieux ou non, il faut savoir se plier au Code et puis aux règles d’éthique que tout le monde possède plus ou moins. Ce n’est pas toujours bon pour un mercenaire, de trop vouloir garder son indépendance, sa liberté… Cependant certains ont été répudiés de l’ordre. Galaad, vous n’aurez pas d’autre choix que d’écouter et faire ce qu’on vous dit. Ce qui est bien, et contraire aux agissements de l’armée, c’est qui vous devez faire quelque chose, vous saurez toujours pourquoi. Vous serez maître de vos agissements, du moment qu’on vous confie une mission. Vous l’appliquerez comme bon vous semblera.

Elle jeta son trognon de pomme par la petite ouverture à sa gauche et regarda Galaad qui dégustait son orange.

- De connaître mon histoire ne vous apprendra rien sur la façon d’appréhender mes réactions. J’agis et je n’ai toujours agit que par instinct. Moi-même je ne sais pas à l’avance comment je vais réagir. Vous l’avez bien vu tout à l’heure, je peux passer d’un extrême à l’autre sans problème. Un seul détail peut me faire changer d’humeur, un petit truc insignifiant peut provoquer en moi une rage féroce ou alors une douceur maternelle, s’entendant prononcer cette expression, elle eut un pincement au cœur mais n’en laissa rien voir à Galaad. Mais cela, vous le comprendrez rapidement, je vous le donne en mile, c’est l’instinct. Quand vous commencerez à réagir par instinct, vous pourrez alors prévoir mes réactions. Cessez de vous poser des questions, ça vous bloque. Je vous l’ai dit, vous avez un potentiel exploitable pour votre bien, vous pourriez faire un bon mercenaire, mais plus vous vous poserez des questions et plus vous hésiterez, plus vous perdrez du temps, temps précieux pour agir. C’est la même chose avec les émotions… Ne les laissez pas trop vous envahir.

Elle marqua une pause pour reprendre son souffle et inciter Galaad à se lever. Quand elle-même se souleva du banc, elle sentit la douleur qui la reprenait. Elle serra les dents, ignorant avec difficulté sa souffrance.

- Vous voyez, si j’avais laissé la douleur m’envahir, tout à l’heure, nous serions peut être prisonniers à l’heure qu’il est, et sûrement condamnés à la potence. Je pense qu’il est possible de séparer sentiments de réactions, qui d’ordinaire sont liés…

Elle se tut. Peut être que ce qu’elle avait dit avait embrouillé Galaad, en y repensant, elle n’était pas sûre que si son maître lui avait dit cela elle aurait tout compris. Elle n’aimait pas du tout les parties théoriques des apprentissages, préférait la pratique sur le terrain, mais cette phase était nécessaire, même quand on ne savait pas y faire. Et ce qui était dit était dit, si il n’avait pas saisit quelque chose, il lui demanderait. C’était ce qu’avaient d’ailleurs fait ses deux apprentis précédents, les deux premiers qu’elle avait eus.

Galaad descendit le premier, suivi par Ciara. Une fois à terre, elle leva la tête, observant le bout de ciel visible à travers les feuillages des arbres puis commença sa marche, plein nord. Finalement, elle prenait la direction d’Ellandy. Ils gagneraient l’îlot de là bas. C’était trop dangereux de retourner là où ils s’étaient rencontrés.

Le silence se faisait pesant. Ni Galaad ni Ciara n’avait parlé depuis qu’ils étaient descendus du cabanon. Elle-même ne savait pas quoi dire, et se referma dans son habituel silence, observant le paysage, tentant de reconnaître l’endroit où ils étaient. La jeune femme évalua leur temps de marche d’encore deux ou trois heures, le temps de quitter la forêt, et atteindre la frontière d’Ellandy, où elle et son nouvel apprenti prendront la direction de l’îlot des mercenaires. Elle allait en parler à Galaad quand celui-ci murmura quelque chose qu’elle ne saisit pas… Puis le jeune homme baragouina quelques phrases sur, justement, la distance qu’il leur restait à parcourir et le temps qu’il leur faudrait pour le faire. Il semblait être resté sur sa faim et désigna un arbre fruitier, droit devant eux. Elle connaissait cet arbre, un phylutier d’après Galaad, mais n’avait jamais mangé le fruit qui y poussait. C’était le seul arbre fruitier des alentours, probablement le seul qu’ils rencontreraient avant un bout de temps. Il avait raison, il fallait cueillir quelques fruits pour constituer une réserve. En tournant la tête vers Galaad, elle remarqua qu’il était gêné, probablement d’avoir parlé avec maladresse. Mais ce n’était pas grave. Elle lui adressa un sourire chaleureux et lui entama un sujet de discussion… Il allait lui parler de l’histoire de Tosya, rengaine qu’elle entendait depuis trop longtemps et qu’elle connaissait par cœur. Voyant sûrement l’expression exaspérée de Ciara à l’entente de cette histoire vue et revue, il fit dévier la conversation sur les mercenaires. Il marqua une pause, réfléchissant aux mots qu’il allait employer, sûrement.

- Je recommence, je pose peut être un peu trop de questions, oui, oui… Il faut que je fasse un effort, je sais. Mais ça sort tout seul !... Bon d’accord je vais tenir ma langue !

Il réprima un éclat de rire et s’excusa auprès de Ciara qui se sentit soudainement plus joyeuse, au vu de l’attitude enjouée de Galaad.

- Des fous j’en ai déjà rencontré, mais vous ne l’êtes pas autant qu’eux… Et ne vous excusez pas, tout le monde peut être pris par des moments d’égarement oral… C’est pour cela que je suis silencieuse, comme vous l’avez sûrement remarqué. Ici vous ne craignez rien, surtout que vous êtes avec moi, laissez donc vos émotions vous envahir. Nous sommes tranquilles.

Elle avait parlé avec sérieux mais bienveillance, d’un ton rieur, qu’elle ne prenait pas souvent. L’arbre était tout proche et Ciara reprit :

- Nous en avons encore pour quelques heures, je pense que ce serait effectivement une bonne idée de prendre quelques provisions, mais si cela ne vous ennuie pas, je vous demanderai de monter dans l’arbre et d’y cueillir quelques fruits. Je ne pense pas avoir la capacité de grimper, en ce moment.

Elle s’arrêta au pied de l’arbre et regarda Galaad. Elle se souvint qu’il venait de lui poser une question, dans son embarras.

- Le Code est effectivement toujours au goût du jour et nous sommes bel et bien trois mercenaires, mais les choses ont changé, en trois mille ans. Actuellement, nous sommes deux femmes et un homme, et Alys et moi sommes plutôt jeunes pour des Dominantes. Malgré cela, tout ce que vous avez pu entendre est vrai. Mais vous verrez tout cela dans quelques heures, quand nous serons arrivés à destination.

Elle sourit une nouvelle fois à Galaad avant de le regarder disparaître dans le feuillage de l’arbre, assez haut.

- Allez y, n’ayez crainte, je les rattraperait ! répondit Ciara à Galaad, qui lui avait demandé si elle pouvait récupérer les fruits qu’il faisait chuter, perché dans l’arbre, cependant invisible à la jeune femme.

Un, deux, trois, quatre… rapidement, Ciara eut plein de phylus dans les bras, tellement qu’un ou deux tombèrent et s’écrasèrent mollement sur le sol couvert de feuilles. Galaad redescendit de l’arbre, grimaçant lorsque ses pieds touchèrent lourdement le sol. Elle se dépêcha de fourrer quelques fruits dans sa sacoche, pas beaucoup, à vrai dire, six, tout au plus. Il lui en restait encore quelques uns dans les bras… Ce serait dommage de les laisser pourrir ici. Autant les déguster immédiatement, ou alors pendant leur marche.

- Tenez, vous devez avoir encore faim après le repas frugal que nous avons u tantôt. Dégustez à satiété, nous mangerons de nouveau dans…

Elle leva le nez vers le morceau de ciel qu’elle apercevait. Il s’était assombri et un vent encore léger s’était levé, venant de l’ouest. Ils ne mettraient probablement pas trois heures pour regagner l’îlot mais une ou deux de plus, s’ils étaient surpris par un orage.

- Peut être nous arrêterons nous encore une fois afin de nous repaître. Dépêchons nous toutefois, l’orage nous guette et ne tardera pas à nous tomber dessus.

Ces dernières paroles prononcées, elle tendit à Galaad trois phylus et se remit en marche, accélérant l’allure qu’ils avaient tenue jusqu’à présent. De tout son cœur, Ciara espérait qu’ils ne doivent pas s’arrêter dans une grotte pour se protéger de l’orage imminent. Déjà le ciel grondait et Ciara ne se souvenait pas d’une quelconque entrée dans le coin où ils se trouvaient, surtout que désormais ils étaient assez éloignés de la troupe dinakienne pour être surpris…

- Mais oui… murmura soudain Ciara.

Elle se tourna vers Galaad, qui l’avait entendue murmurer ces deux mots du bout des lèvres. Pour la première fois depuis un long moment, leurs deux regards se croisèrent.

- Galaad, nous n’en avons plus que pour quelques minutes ! dit elle d’un ton clair et enjoué.

Un peu plus bas, elle le distinguait brièvement, se trouvait un énorme chêne bicentenaire… Ciara accéléra encore l’allure, malgré sa douleur en bas du dos. Elle allait présenter Galaad aux deux autres Dominants, peut être seulement à Alys, Hanna était souvent en vadrouille, lui présenter un peu tout ce qu’il fallait, l’installer dans ses appartements et enfin aller faire un saut à l’infirmerie.

Il était tout proche, grossissait à mesure que les deux jeunes gens avançaient. Lorsqu’ils furent plantés devant l’énorme arbre, Ciara tenta de grimper sur les branches basses, atteignant la cavité assez large pour laisser passer une personne.

- Venez, Galaad ! souffla t elle dans un murmure.

Et elle se laissa glisser le long d’un mini toboggan aménagé dans le tronc creusé du chêne. Elle atterri beaucoup plus bas, sur un tas de feuilles séchées, destinées à amortir sa chute. Elle se releva tant bien que mal, ignorant avec difficultés sa douleur au coccyx. Galaad ne tarda pas à arriver lui aussi.